Une campagne de prévention de la police de Laval concernant le vol par distraction a soulevé l’ire d’une employée d’un organisme œuvrant dans le domaine des droits de la personne. La raison: le profilage racial visant les Roms que le message semble contenir.

L’employée de l’organisme, qui préfère ne pas être identifiée pour ne pas avoir de représailles, a reçu la visite, mercredi dernier, de deux agents de la police de Laval qui distribuaient un mémo d’information et une affiche afin de sensibiliser les visiteurs au vol par distraction.

Dans le mémo, on peut y lire que le service de police «s’implique pour contrer le phénomène du vol par distraction commis par des personnes connues sous le nom de Roms, Romanichels, Gitans ou Tsiganes».

«À mon sens, c’est discriminatoire, affirme celle qui a alerté la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJ). Je me demande si c’est légal de désigner un groupe social de cette façon.»

L’employée s’inquiète des conséquences que ce message pourrait avoir chez les personnes sensibilisées, notamment les personnes âgées.

«Les personnes âgées sont généralement très méfiantes de nature, surtout quand il s’agit d’étrangers, ajoute celle qui avoue avoir croisé très peu de Roms à Laval. Le racisme et la xénophobie existent, mais quand c’est rendu la police qui diffuse ce type de message, quel va être la prochaine étape? Pour moi, c’est comme s’ils avaient écrit de se méfier des Noirs.»

Le dossier sera examiné

En raison des vacances, aucun administrateur de la CDPDJ n’était en mesure de répondre aux questions de L’Écho de Laval sur le sujet.

La responsable des relations avec les médias a toutefois assuré que la commission allait examiner la question, en précisant que l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne pouvait être en cause. L’article est libellé comme suit : «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, […] la religion, la langue, l'origine ethnique ou nationale [et] la condition sociale […]. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.»

Dans le cas de la campagne de prévention de la police de Laval, la CDPDJ rappelle qu’une personne ou un organisme peut déposer une plainte formelle, que la commission étudiera en lien avec l’article 10.

Du côté du Carrefour d’intercultures de Laval, on a aussi reçu le mémo et l’affiche de sensibilisation, mais on a préféré ne pas commenter l’affaire. On reproche toutefois l’absence de chiffres et de statistiques dans la campagne pour justifier l’identification précise d’un groupe ethnique.

Victimes âgées

Le mémo que remet la police de Laval aux organismes libelle que les victimes potentielles du vol par distraction sont âgées de 50 à 80 ans. Parmi les stratagèmes exposés, il y a la demande d’indications à l’aide d’une carte routière et la vente de bijoux pendant laquelle de vrais bijoux des passants seront subtilisés lors de l’essai des produits à vendre.

Des cartons d’information sont distribués dans les centres commerciaux et les stationnements afin de sensibiliser les Lavallois. La mention des Roms ne figure pas sur les affiches que la police distribue, mais les images illustrent clairement des voleurs arborant des accessoires vestimentaires gitans.

Étant donné que les Roms proviennent de plusieurs pays différents, il est impossible de quantifier la population lavalloise issue de ce groupe ethnique.

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La police se défend de faire de la discrimination

Le Service de police de Laval a affirmé que le but de son opération de sensibilisation n’est pas de faire du profilage racial ou de la discrimination, mais de faire un portrait de la situation et d’avertir adéquatement le public.

«Nous avons fait une série de projets d’enquêtes sur les vols par distraction et un pourcentage extrêmement important des suspects dans ces situations sont des Roms, explique le sergent Frédéric Jean, porte-parole de la police de Laval. Il est assez élevé pour qu’on spécifie que dans le style vestimentaire des suspects, il y a des traits communs aux Roms.»

Selon lui, il est important de spécifier que ce sont des Roms dans les activités de prévention.

«On ne dit pas que tous les Roms sont des voleurs, mais on veut prévenir les gens et cela fait partie de la description. La majorité des personnes que l’on arrête dans ces cas-là font partie des Roms. C’est leur appartenance ethnique et sociale. Il faut les décrire d’une manière», ajoute le porte-parole, qui affirme qu’il s’agit là d’une préoccupation internationale.

Il n’a pas été possible d’obtenir de statistiques précises sur ce type de vol et sur ses auteurs présumés à Laval au moment de mettre sous presse, mais Frédéric Jean affirme tout de même que toute statistique serait partielle car beaucoup de délits ne sont pas rapportés.

«Les personnes âgées, surtout, ne déclarent pas s’être fait voler, souvent parce qu’elles sont confuses sur ce qui vient de se passer ou parce qu’elles ont honte», conclut Frédéric Jean.

À sa connaissance, aucune plainte n’a été formulée à son service au sujet de cette campagne de prévention mise sur pied par la section Coordination, prévention et partenariat de la police communautaire. Le sergent affirme que d’autres corps policiers d’ici et d’ailleurs, notamment en Angleterre, procèdent à des campagnes de prévention similaires.