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L’échelle de Roger

durée 08h21
24 mars 2016
Patrick Richard
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Patrick Richard

Vous avez entendu la bombe dedans les nouvelles la semaine passée? J’étais confortablement installé dans un lit expérimentant l’état que la plupart des gens qualifient de sommeil profond. Je rêvassais. En fait, je rêvais, je ne rêvassais pas. 

« El’gros, c’est quoi a différence entre rêver pis rêvasser? »
Et bien mon colonel, comme tu me le demandes si bien, on rêvasse éveillé à des sujets imprécis, on rêve la nuit à des personnes, des choses non moins précises. Je rêvais donc à ce songe récurrent où, me sachant dans une activité psychique nocturne, je proposai des mammographies aux gentes dames rencontrées sur mon passage. Des mammographies à la main, pour ainsi dire, avec résultat sur le champ.

« Hum… vous avez des seins, comment dire, qui entrent bien dans la paume de ma main – Je dois vous laisser, voici votre amoureux musclé que vient vers moi. »
Et je cours et cours, tâchant de fuir une furie masculine bien compréhensible sans trop penser que je rêve de peur de me réveiller. Et voilà le cadran qui sonne et m’envoie une nouvelle fracassante par le tympan fraichement revenu à son état de veille. 

« Et soyez prudents si vous emprunté Je-ne-sais-plus-qu’elle-route, car un camion a laissé échapper une échelle. Bonne journée! »

Je me réveille lentement en me demandant pourquoi suis-je ainsi obsédé dans mes rêves par le buste des femmes et songe presque à consulter James K Field appelé depuis Kaia et anciennement Francis Martin, l’homme qui perdait son innocence dans la balance à se donner à des femmes d’expérience.  Francis fait maintenant dans l’interprétation des rêves sous le nom de Kaia. Il a le droit.

« Une échelle? », revins-je aussitôt à cette réalité d’un mardi matin de mars? 
En ces occasions, j’imagine toujours le responsable d’une telle action, chez lui, juste avant de partir.

« Es-tu sûr que ça va tenir, mon Roger? M’semble que c’est lousse un peu? »
Roger, en fumant sa troisième cigarette de la journée (il est 6h08 du matin) :
« Ben certain qu’ça va tenir! As-tu déjà vu ça toé quelqu’un perdre son échelle sur une autoroute?
C’est solide solide ça! (rires gras) »

Et voilà l’échelle de Roger au milieu de la chaussée. Et la couverture journalistique que l’homme à la circulation en fait, qui passe aussi vite qu’un courant d’air chaud au mois de janvier. Pourtant, cette nouvelle possédait tous les atouts pour faire le tour du monde et devenir le Talk of the world. Des envoyés spéciaux de partout à travers le monde venus couvrir le sujet de l’échelle échappée de Roger; des reportages sur le pourquoi, le comment et le quoi de l’événement; des topos sur Roger, sa famille, sa vie, ses amis, d’autres sur l’échelle, le fabricant d’échelles, des spécialistes d’échelle, des psychologues, des psychiatres, des élus, des hommes d’affaires; des émissions en direct, des entrevues, des parodies; des portraits de notre belle province, les répercussions économiques, psychologiques, étatiques; la visite de chefs d’État, un Sommet mondial sur les échelles, des nouveau-nés que l’on nomme Échelle pour les garçons, Échelline pour les filles, l’égo de Roger qui passe pu dans porte… 

La voix de l’Animateur-dont-j’oublie-le-nom me réveille lentement d’un sommeil agité. Pas de nouvelle d’échelle, pas de souvenir de buste non plus.   
« Chérie, j’ai fait un rêve con.
- …
- J’ai rêvé qu’un gars avait échappé son échelle sur l’autoroute.
- …
- Le monde entier capotait ben raide.
- (…) As-tu entendu?
- Entendu quoi? La voix de l’Animateur-dont-j’oublie-le-nom?
- La Belgique? 
- Quoi la Belgique?

Et c’est ainsi que les médias s’enflammèrent d’une nouvelle terrible et lancèrent une bombe loin, mais pas trop non plus, de mon échelle échappée et de mes folles envolées de dérèglement médiatique. 

Patrick Richard
[email protected]

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