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Des pagayeurs ukrainiens veulent un podium pour la fierté de leur pays en guerre

durée 16h35
1 août 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2022

DARTMOUTH, N.-É. — Les pagayeurs ukrainiens aux Championnats du monde sont reconnaissants de la tranquillité des lacs de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse – ayant temporairement laissé derrière eux des sirènes et des missiles volant au-dessus de leur tête.

Mais pour Pavlo Altukhov, céiste de 26 ans et olympien, le contraste entre la paix au Canada et la violence à la maison le motive à faire les efforts nécessaires pour monter sur le podium.

«C'est mieux d'être dans un endroit sûr, mais c'est difficile de se rendre compte que son propre pays est en guerre», a-t-il déclaré dans une entrevue samedi, alors que les athlètes lançaient leurs bateaux pour des séances d'entraînement sur le lac Banook.

Les Championnats du monde de vitesse et de paracanoë commencent mercredi, avec jusqu'à 40 000 spectateurs attendus pour assister aux cinq jours de compétitions de kayak et de canoë.

«Je dois faire ce que je fais le mieux, pour mon pays. Je dois pagayer pour hisser le drapeau de mon pays dans d'autres pays du monde», a déclaré M. Altukhov.

«Ce n'est pas une guerre normale. C'est une guerre contre le terrorisme. Alors, je demande à tous de se souvenir de l'Ukraine. Il y a la paix dans votre pays, mais il n'y a pas de paix dans mon pays.»

Plus tôt cette année, tandis que M. Altukhov manœuvrait sa pagaie dans les eaux du fleuve Pivdennyi Buh, qui coupe en deux la petite ville de Khmelnytskyi dans l'ouest de l'Ukraine, sa tête s'est tournée vers le haut alors qu'un son massif craquait dans l'air.

Au-dessus, un missile russe filait, se dirigeait vers une destination sur laquelle il ne pouvait que spéculer.

«Nous avons continué à pagayer sur l'eau. Cela n'a pris que quelques secondes, et ça s'est passé», a-t-il déclaré.

Au quotidien, l'athlète est conscient de dizaines d'amis maintenant sur divers fronts de guerre, restant en contact avec eux par Instagram. Même son père, 56 ans, est désormais enrôlé dans l'armée.

M. Altukhov a relaté que la nuit, les sirènes hurlaient, interrompant le sommeil dont lui et d'autres athlètes d'élite avaient besoin pour se lever tôt pour les séances d'entraînement du matin.

«Ce n'est pas facile de s'entraîner quand il y a une guerre dans votre pays, a-t-il déclaré. Il y a toujours des sirènes, il y a des bombes qui ont atterri près de ma ville.»

«C'est toujours étrange parce que vous ne savez pas ce qui se passera demain», a-t-il affirmé.

À proximité, sa coéquipière dans le sprint en C-500 m mixte, Liudmyla Luzan, 25 ans – médaillée d'argent et de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo – venait d'arriver au lac et se tenait à côté d'un canoë de course expédié au Canada quelques jours à peine avant son premier événement.

Interrogée sur l'impact de la guerre sur ses perspectives, elle a répondu en ukrainien, et M. Altukhov a résumé ses commentaires en disant : «Elle a dit que nous comprenons que nous devons être plus forts et que nous devons continuer à nous entraîner et à gagner tout ce que nous pouvons gagner.»

Andrii Opikun, le chef d'équipe des athlètes ukrainiens de paracanoë, s'inquiète souvent pour ses parents dans la ville de Dnipro, qui a été directement attaquée lors de l'invasion russe.

«J'appelle tous les jours. J'essaie de les aider, mais je dois faire mon travail et voyager au Canada», a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique samedi.

Canoë Kayak Canada s'est associée au Comité international olympique et à diverses organisations pour aider à recueillir environ 250 000 $ en dons et en soutien pour amener l'équipe ukrainienne aux Mondiaux et leur fournir un logement, a déclaré le directeur général de l'organisation, Casey Wade, dans une entrevue samedi.

De plus, M. Wade a déclaré que les responsables fédéraux ont travaillé avec Immigration Canada pour fournir aux Ukrainiens des visas qui permettront des séjours plus longs dans le pays et, dans certains cas, leur permettre de revenir s'entraîner ici au cours des deux prochaines années si nécessaire.

«Il s'agit de tendre la main aux athlètes dans le besoin et c'est un effort canadien pour les soutenir dans les moments difficiles», a déclaré M. Wade lors d'une entrevue téléphonique, ajoutant que l'excellence de l'équipe ukrainienne dans la discipline est reconnue.

M. Altukhov a exprimé sa gratitude pour le soutien, affirmant que le conflit armé est financièrement dévastateur pour l'athlétisme d'élite.

«L'argent doit aller à la guerre (...) mais notre ministère des Sports essaie toujours de sauver l'équipe parce que nous devons aller aux compétitions internationales, et nous devons montrer que l'Ukraine est vivante et l'Ukraine est forte dans toutes les situations. Le sport ukrainien doit vivre.»

M. Altukhov a déclaré qu'après ses trois courses ici, il retournera en Europe le 8 août, alors que le calendrier des compétitions se poursuivra avec les Championnats d'Europe et d'autres compétitions d'élite.

Il a déclaré qu'entre les championnats, il retournerait en Ukraine – quelles que soient les circonstances – car il existe une obligation légale pour les athlètes d'âge militaire de rester dans le pays lorsqu'ils ne sont pas en compétition.

Plus tard cette semaine, on s'attend à ce que M. Altukhov et Mme Luzan affrontent la paire canadienne de Katie Vincent, médaillée olympique, et Connor Fitzpatrick dans la compétition de C-500 m mixte, l'une des épreuves où le Canada vise un podium.

Michael Tutton, La Presse Canadienne