Commission Charbonneau : Normand Bédard reconnaît avoir fait de la collusion

Par Mélanie Colleu/Agence QMI
L'entreprise en construction Sintra, qui raflait la majorité des contrats du ministère des Transports, pratiquait la collusion depuis au moins 1986, a admis mercredi son ancien président Normand Bédard devant la commission Charbonneau.
La nouvelle procureure, Me Elizabeth Ferland, n'y est pas allée par quatre chemins en questionnant l'ex-président de Sintra, Normand Bédard.
«Est-ce que Sintra a déjà fait de la collusion?» «Oui», a répondu le témoin. «Est-ce que vous en avez fait vous personnellement?» «Oui», a-t-il également reconnu.
M. Bédard a alors expliqué avoir été initié à la collusion lorsqu'il est devenu directeur pour la compagnie dans la région de Granby, en 1986. Les trois centrales d'asphalte implantées sur le territoire se partageaient les contrats de pavage équitablement, selon leur proximité des chantiers du MTQ.
À l'époque, le supérieur de M. Bédard lui avait expliqué les choses très simplement. «Il m'a dit : “c'est un tiers chacun. C'est par territoire, si t'es le plus proche, c'est toi”», a rapporté le témoin. «Les frontières étaient bien établies», a-t-il ajouté.
Les collusionnaires gardaient tout de même un œil sur les comptes. «Si un concurrent était en avance, ça pouvait arriver qu'on traverse notre ligne. On se disait, il faut qu'on balance», a poursuivi l'ingénieur.
Sintra, plus gros constructeur du MTQ
L’économiste Martin Comeau, mandaté par la commission pour éplucher les contrats publics octroyés par le ministère des Transports, a démontré mardi qu’une quinzaine d’entreprises en construction s’étaient partagé la moitié des contrats du MTQ entre 1997 et 2012.
Par ailleurs, à la même époque, les employés de ces firmes ont versé de généreuses contributions politiques aux partis provinciaux au pouvoir, principalement au PLQ (1,4 million $) et au PQ (600 000 $).
Sintra pointe en tête de liste en ayant raflé 10,6 % de la valeur des contrats du MTQ à elle seule, soit 1,6 milliard $.
Ententes avec DJL
Normand Bédard a par ailleurs expliqué que Sintra s’entendait sur des pourcentages avec Construction DJL, un autre très gros joueur auprès du MTQ.
«Moi je ne donnais jamais mon prix», a expliqué le témoin, précisant qu’il préférait indiquer à son concurrent à quel prix lui devait soumissionner.
«On se respectait, on n’avait qu'une parole», a-t-il ajouté.
Il a enfin confié que les marges de profits étaient plus importantes lorsqu’il y avait collusion, mais que Sintra avait cessé ces pratiques dans les années 2000. «On s’est rendu compte qu’on n’avait pas besoin de ça pour vivre», a-t-il expliqué.
Normand Bédard a été accusé de fraude et de corruption dans le cadre de l’opération Honorer, menée à Laval par l’UPAC l’année dernière.
Gilles Théberge, un ancien directeur de Sintra, a déjà admis que sa compagnie était membre active d’un cartel de l’asphalte qui sévissait à Montréal, sur la Rive-Sud et possiblement sur la Rive-Nord.
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