Environnement
Avis historique de la Cour internationale de justice sur le changement climatique

Par La Presse Canadienne
Si les pays ne prennent pas de mesures pour protéger la planète du changement climatique, ils pourraient violer le droit international, selon la Cour internationale de justice (CIJ), qui a rendu un avis consultatif dans une affaire historique concernant les obligations des États en matière de lutte contre le changement climatique et les conséquences qu'ils pourraient subir.
La CIJ a qualifié la situation actuelle de menace «urgente et existentielle» pour l'humanité.
«Le fait pour un État de ne pas prendre les mesures appropriées pour protéger le système climatique peut constituer un fait internationalement illicite», a déclaré le président de la CIJ, Yuji Iwasawa, lors de l'audience de mercredi.
L'avis non contraignant, qui compte plus de 500 pages, est considéré comme un tournant potentiel pour le droit international du climat. La consécration d'un environnement durable comme un droit humain ouvre la voie à d'autres actions en justice, notamment le retour des États devant la CIJ pour se demander mutuellement des comptes, ainsi qu'à des poursuites judiciaires nationales.
«Le droit humain à un environnement propre, sain et durable est inhérent à la jouissance des autres droits de la personne», a affirmé M. Iwasawa.
Cette décision pourrait servir de base à d'autres actions en justice, notamment des poursuites judiciaires nationales, et à des instruments juridiques, tels que des accords d'investissement.
L'affaire est portée par le Vanuatu, un pays insulaire du Pacifique, et soutenue par plus de 130 pays.
Tous les États membres de l'ONU, y compris les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, comme les États-Unis et la Chine, sont des parties à la Cour. La salle d'audience était bondée.
Devant la Cour, des militants pour le climat se sont rassemblés. Ils brandissaient une banderole sur laquelle on pouvait lire: «Les tribunaux se sont prononcés. La loi est claire. Les États doivent agir maintenant».
Après des années de lobbyisme de nations insulaires vulnérables craignant de disparaître sous la montée des eaux, l'Assemblée générale des Nations unies avait demandé en 2023 à la CIJ un avis consultatif, fondement essentiel des obligations internationales.
Un panel de 15 juges a été chargé de répondre à deux questions: quelles sont les obligations des pays en vertu du droit international pour protéger le climat et l'environnement des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine? Deuxièmement, quelles sont les conséquences juridiques pour les gouvernements lorsque leurs actes, ou leur inaction, ont gravement nui au climat et à l'environnement?
«L'enjeu est on ne peut plus important. La survie de mon peuple et de tant d'autres est en jeu», avait déclaré Arnold Kiel Loughman, procureur général de l'État insulaire du Vanuatu, lors d'une semaine d'audiences en décembre.
Au cours de la décennie allant jusqu'en 2023, le niveau de la mer a augmenté d'environ 4,3 centimètres en moyenne dans le monde, et certaines régions du Pacifique ont connu une hausse encore plus importante. La planète s'est également réchauffée de 1,3 °C depuis l'ère préindustrielle en raison de la combustion des énergies fossiles.
Des victoires pour les petits États insulaires
Le Vanuatu fait partie d'un groupe de petits États qui réclament une intervention juridique internationale face à la crise climatique, mais cette situation touche de nombreuses autres nations insulaires du Pacifique Sud.
«Les accords conclus au niveau international entre les États ne progressent pas assez vite», a déploré le ministre vanuatuan du Changement climatique, Ralph Regenvanu, au cours d’une entrevue avec l’Associated Press.
Une décision de la Cour de La Haye ne pourrait pas forcer directement les pays riches à agir pour aider les pays en difficulté. Pourtant, elle constituerait plus qu'un simple symbole fort, car elle pourrait servir de base à d'autres actions en justice, y compris des poursuites judiciaires nationales.
«Ce qui rend cette affaire si importante, c'est qu'elle aborde le passé, le présent et l'avenir de l'action climatique. Il ne s'agit pas seulement d'objectifs futurs, elle aborde également la responsabilité historique, car nous ne pouvons pas résoudre la crise climatique sans nous attaquer à ses racines», a déclaré à l'AP Joie Chowdhury, avocate principale au Centre pour le droit international de l'environnement.
Les militants pourraient intenter des poursuites contre leurs propres pays pour non-respect de la décision, et les États pourraient saisir à nouveau la Cour internationale de justice pour se demander mutuellement des comptes. Quelle que soit la décision des juges, elle servira de base à d'autres instruments juridiques, comme les accords d'investissement, a ajouté Mme Chowdhury.
Les États-Unis et la Russie, deux grands producteurs de pétrole, s'opposent fermement à ce que la CIJ impose des réductions d'émissions.
Le simple fait que la Cour rende un avis est la dernière d'une série de victoires juridiques pour les petits États insulaires. Plus tôt ce mois-ci, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a jugé que les pays ont l'obligation légale non seulement d'éviter les dommages environnementaux, mais aussi de protéger et de restaurer les écosystèmes. L'année dernière, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que les pays devaient mieux protéger leurs populations des conséquences du changement climatique.
En 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a accordé la première victoire juridique majeure aux militants pour le climat: les juges ont statué que la protection contre les effets potentiellement dévastateurs du changement climatique était un droit humain et que le gouvernement avait le devoir de protéger ses citoyens.
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Molly Quell, The Associated Press