Université californienne de Stanford
L'abolition du changement d'heure pourrait sauver des vies, dit une étude

Par La Presse Canadienne
L'abolition du changement d'heure au printemps et l'adoption permanente de l'heure normale à laquelle nous revenons en fin de semaine pourraient sauver des vies, notamment en évitant des centaines de milliers de cas d'obésité et d'accidents vasculaires cérébraux seulement aux États-Unis, ont calculé des chercheurs américains.
Plus précisément, les chercheurs de l'université californienne de Stanford estiment que la fin du changement d'heure permettrait d'éviter 300 000 AVC par année et verrait 2,6 millions de personnes de moins vivre avec l'obésité.
«C'est un pas de plus pour montrer que garder l'heure normale serait bénéfique pour la santé de la population», a commenté le docteur Alex Desautels, un neurologue de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal qui s'intéresse de près à la physiologie du sommeil.
«Jusqu'à maintenant, on avait seulement des évidences théoriques des bienfaits du fait de conserver l'heure normale. (...) On sort du champ théorique avec cette étude-là. Ce sont des données qui sont plus ancrées dans la réalité populationnelle.»
Une adoption permanente de l'heure avancée engendrerait aussi des bienfaits pour la santé, mais ils seraient moindres d'environ un tiers à un passage permanent à l'heure normale, ajoutent les auteurs de l'étude, qui soulignent que la transition biannuelle actuelle «entraîne une plus grande charge pour le système circadien par rapport à une permanence de l'heure normale ou de l'heure avancée».
Le rythme circadien des humains n'est pas d'exactement 24 heures: il est environ 12 minutes plus long pour la plupart des gens. Pour assurer une synchronisation optimale, disent les auteurs, les humains ont besoin de plus de lumière le matin et moins de lumière le soir.
Le changement d'heure interfère avec cette synchronisation, un dérèglement qui a été associé à différents problèmes de santé.
«On le sait, a dit le docteur Desautels. L'exposition à la lumière le matin pour synchroniser notre horloge circadienne, c'est bénéfique. Le fait d'avoir un ensoleillement diminué en soirée, c'est aussi bénéfique parce que ça augmente la privation de sommeil.»
Les modèles mathématiques utilisés par les chercheurs ont montré qu'un passage permanent à l'heure normale réduirait de 0,78 % l'incidence d'obésité et de 0,09 % le nombre d'ACV. À l'échelle des États-Unis, cela correspond à 2,6 millions de personnes en moins vivant avec l'obésité et à 300 000 cas d'AVC de moins.
Les coûts directs et indirects pour la société, «je les vois tous les jours et c'est faramineux», a ajouté le docteur Desautels. L'obésité, à elle seule, est associée à de multiples problèmes métaboliques ― du diabète à l'hypertension ― et musculo-squelettiques, a-t-il rappelé.
Cette étude permet de «cristalliser les bénéfices sur la santé populationnelle» et donc «de chiffrer le fardeau économique des impacts à moyen et à long terme du changement d'heure», a indiqué le docteur Desautels.
Lors d'une récente consultation publique organisée par le gouvernement du Québec, une majorité de participants se sont prononcés en faveur d'une adoption permanente de l'heure avancée «pour pouvoir profiter un peu plus longtemps de la piscine», a commenté le docteur Desautels.
Mais ce qui est bon pour un individu ne l'est pas forcément pour toute la population, a-t-il rappelé.
«C'est là que ces études-là prennent tout leur sens, à mon avis, a estimé le docteur Desautels. C'est là qu'on voit l'impact au niveau populationnel et non individuel.»
Les auteurs de l'étude admettent toutefois que leurs modèles ne sont pas parfaits, puisqu'ils supposent que les gens dorment de 22h à 7h; qu'ils sont exposés à la lumière du soleil avant et après le travail; et qu'ils sont exposés à une lumière intérieure entre 9h et 17h ― ce qui ne correspond probablement pas à la réalité.
«Probablement que dans la vraie vie, les résultats seraient encore plus majeurs que ça, mais (les chercheurs) ont été conservateurs et c'est correct, c'est comme ça que ça marche en science», a réagi le docteur Desautels.
La question de la pertinence du changement d'heure revient fréquemment. Les motivations économiques qui le justifiaient à une certaine époque ne tiennent plus nécessairement la route aujourd'hui, a-t-il rappelé.
La plupart des sociétés savantes se sont prononcées en faveur de son abolition, mais la question est toujours la même: qui le fera en premier?
«C'est certain que les politiques n'auront pas d'effet sur une augmentation de la luminosité l'hiver, mais on peut choisir à quelle heure le soleil se lève et à quelle l'heure le soleil se couche, a conclu le docteur Desautels. Je pense qu'il faut aller avec les données scientifiques pour prendre cette décision-là, pour avoir une décision éclairée.»
Les conclusions de cette étude ont été publiées plus tôt cet automne par le journal scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
 
                    
                



 
                        
                        
                    
 
                             
                            