Banff se prépare avant le premier été depuis l'incendie de Jasper


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Par La Presse Canadienne, 2024
BANFF — Observant une prairie bourgeonnante aux souches noircies en bordure du parc national Banff, Cliff White désigne un bosquet sombre où se termine la parcelle vide.
«Le prochain incendie ici sera incroyable», déclare l'ancien coordonnateur de la gestion des incendies de Parcs Canada, debout dans le vaste coupe-feu de Carrot Creek.
La prairie a été tondue il y a plus de 20 ans par Parcs Canada afin de ralentir les futurs feux de forêt avant qu'ils n'atteignent Banff et Canmore.
Mais ce n'est qu'une fraction de la forêt dense et naturellement sujette aux incendies qui recouvre la vallée de la Bow, où l'on craint de plus en plus qu'une pluie de braises, comme celles qui ont détruit un tiers des structures de Jasper, en Alberta, l'été dernier, ne frappe la destination touristique la plus populaire de l'Alberta.
Les Rocheuses sont confrontées à une nouvelle année de sécheresse. La neige a fondu plusieurs semaines plus tôt que la normale, et le manteau neigeux est plus faible qu'en 2023, année des feux de forêt records au Canada, a expliqué John Pomeroy, hydrologue résidant à Canmore.
«Canmore observe la situation avec une grande appréhension», a indiqué M. Pomeroy, également professeur d'université.
Dans la course pour atténuer les dommages causés par les futurs incendies, les gestionnaires des parcs de l'Alberta ont fait appel à des bûcherons pour créer des coupe-feu, comme celui du ruisseau Carrot. Ces zones sont conçues pour priver un feu de combustible et créer suffisamment de terrain vide pour que les braises s'éteignent au sol.
Cette année, Parcs Canada a engagé une entreprise forestière autochtone pour raser plusieurs hectares de terres près de Banff. Les profits de ce coupe-feu serviront à l'entretien des terres, a expliqué Jane Park, spécialiste des incendies et de la végétation au parc national Banff.
Chaque coupe-feu marque le début d'un nouvel écosystème que Parcs Canada devra entretenir.
«On ne peut pas laisser la nature faire son œuvre et laisser les feux de forêt se propager sans discernement», a affirmé Mme Park, debout au milieu d'importants tas de rémanents dans l'un des plus récents pare-feu de Banff.
Bien que des étés plus chauds et plus secs aient déclenché les saisons de feux de forêt les plus dévastatrices de ces dernières années, des décennies de lutte contre les incendies, commencées au début des années 1900, ont transformé les forêts des Rocheuses en véritables poudrières.
Le feu fait partie du cycle de vie naturel de bon nombre de ces arbres, qui portent des graines à l'intérieur de leurs cônes, lesquelles ne sont libérées que lorsqu'ils brûlent, a expliqué Mme Park.
Le brûlage dirigé, une pratique autochtone traditionnelle, a été arrêté il y a plus de 100 ans, mais a repris dans les années 1980 lorsque Parcs Canada a découvert qu'il avait laissé la forêt se développer de manière incontrôlable, a ajouté Mme Park.
«Nous sommes encore en train de revenir là où nous aurions dû être», dit-elle.
Les citoyens mobilisés
La lutte contre un grand feu de forêt se déroulera également dans les villages de montagne. À Canmore, Simon Bagshaw a décidé de cesser ses contrats de consultation afin de se concentrer sur l'atténuation des risques d'incendie dans son quartier. Il a organisé plusieurs événements cette année, encourageant les gens à placer leurs tas de bois loin de leur maison et à nettoyer leurs gouttières.
Il a été difficile de mobiliser la communauté, a-t-il expliqué, car de nombreux propriétaires n'habitent pas à temps plein.
«Certains d'entre nous portent des casques, tandis que d'autres portent des tuques, et il faut que cela change», a-t-il dit.
À Banff, l'été a déjà été mouvementé pour son petit service d'incendie. La cheffe des pompiers, Keri Martens, a avoué que le début de mai, sec et chaud, était stressant, mais que les récentes pluies lui avaient permis de souffler.
«Le niveau d'anxiété commence à monter», a assuré Mme Martens à propos du début de l'été. À l'intérieur du service d'incendie de Banff, les tables sont recouvertes de grandes cartes. L'une d'elles indique les quelque 300 maisons dont les toits sont faits de matériaux combustibles, comme le bardeau de cèdre, qui seraient les plus à risque de s'enflammer à cause des braises.
Une autre identifie les zones où un feu de forêt pourrait déclencher une série de mesures d'urgence, notamment l'évacuation de plus de 9000 résidents et de plus de 20 000 touristes qui fréquentent la région cet été.
Mme Martens a déclaré que l'incendie de Jasper est probablement à l'origine d'une augmentation du nombre de résidents qui ont demandé à la ville d'enlever les arbres inflammables de leurs propriétés et d'équiper leurs maisons de gicleurs.
«Jasper a vraiment touché beaucoup de gens, a expliqué Mme Martens. Nous avons reçu beaucoup plus de demandes concernant nos programmes d'incitation.»
M. White, quant à lui, a indiqué que le personnel du parc progressait bien dans la construction de pare-feu. Il espère toutefois que le modèle de gestion des forêts pourra être modifié pour donner aux personnes touchées par les incendies un meilleur contrôle sur la zone.
Il faut faire plus, et plus vite, a-t-il conclu. Et les temps méritent un changement.
«Ce n'est plus une histoire de Mickey Mouse, a-t-il dit. C'est vraiment sérieux.»
Matthew Scace, La Presse Canadienne