Cancers de la gorge: le CHUM teste un traitement plus court et moins pénible

Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Un essai clinique de phase III auquel participe le Centre hospitalier de l'Université de Montréal teste l'efficacité d'un traitement plus court, et potentiellement moins pénible, pour les cancers oropharyngés causés par les virus du papillome humain.
Le traitement habituel pour ces cancers, s'il est très efficace, n'a rien «d'une promenade dans un parc», a rappelé la radio-oncologue Houda Bahig: sept semaines de radiothérapie et de chimiothérapie pendant lesquelles la qualité de vie du patient sera gravement mise à mal, notamment en raison de difficultés à avaler tellement intenses que certains seront nourris par un tube nasogastrique.
«On sait que c'est quelque chose qui marche très bien, mais on sait que c'est quelque chose de très fort et on cherche des moyens de garder cette efficacité de traitement et de réduire l'impact sur la qualité de vie des patients», a résumé la docteure Bahig, qui a discuté de ses travaux en primeur avec La Presse Canadienne.
La docteure Bahig et ses collègues des États-Unis, d'Irlande, d'Australie et d'Italie essaient donc de voir s'il ne serait pas possible de raccourcir la durée du traitement à 4,5 semaines en utilisant une radiothérapie stéréotaxique hautement ciblée.
Ce type de radiothérapie, a-t-elle expliqué, est utilisé depuis longtemps pour combattre d'autres types de cancers, mais son utilisation face aux cancers oropharyngés se heurtait à différents obstacles.
«C'est un type de traitement ultra ciblé qui utilise de l'imagerie pour bien nous positionner, pour rester précis, et qui permet de donner des grosses doses à la fois parce qu'on est capable de cibler la tumeur de façon précise», a indiqué la docteure Bahig.
Ce sont d'ailleurs les progrès réalisés en matière d'imagerie qui permettent aujourd'hui d'utiliser la radiothérapie stéréotaxique pour combattre cette maladie, alors que cela n'était pas possible auparavant.
«On donne des grosses doses d'un coup, et ensuite on traite de façon élective les zones des ganglions qu'on doit traiter, où on ne voit pas de cellules (cancéreuses), mais qui pourraient avoir des cellules cancéreuses, mais à plus faible dose», a dit la docteure Bahig.
La dose de radiation administrée reste la même que si le traitement durait sept semaines, a souligné la docteure Bahig, mais elle est administrée de manière plus ciblée.
Les résultats obtenus lors de l'essai clinique de phase II ont été suffisamment prometteurs pour justifier le recrutement de patients en vue de la phase III. C'est la première fois qu'un traitement différent du traitement habituel donne des résultats intéressants, toutes les autres tentatives s'étant soldées par un échec.
«C'est une approche différente qui, en théorie, permet de réduire les toxicités, les effets secondaires des traitements», a expliqué la docteure Bahig.
Cette méthode pourrait un jour devenir un nouveau standard international. En effet, elle permettrait d'améliorer la qualité de vie des patients, de réduire les visites hospitalières et les coûts pour le système de santé.
Les cancers de la gorge associés aux VPH sont maintenant peut-être les cancers les plus courants causés par ces virus, a souligné la docteure Bahig, devançant même le cancer du col.
On constate aussi des changements démographiques en ce qui concerne ceux qui en souffrent.
«C'est une population de patients qui a beaucoup changé, a-t-elle dit. Il y a une vingtaine d'années, la majorité des cancers de la gorge étaient causés par le tabac et l'alcool. Il y a eu vraiment un changement démographique, surtout dans les pays occidentaux où le tabagisme a baissé énormément, et où il y a eu une augmentation significative des cancers causés par le VPH.»
Et comme c'est le cas avec plusieurs autres cancers, les patients qui en sont atteints sont de plus en plus jeunes. Il n'est plus rare de voir des gens (et surtout des hommes, puisque les cancers oropharyngés les touchent plus que les femmes) de 40 ou 50 ans se présenter avec une maladie à un stade avancé, même s'ils n'ont jamais fumé.
La docteure Bahig estime que 80 % des cas de cancer de la gorge qu'elle voit sont associés aux VPH. L'impact de la vaccination ne se fera probablement pas sentir avant dix ou quinze ans, a-t-elle prévenu.
«C'est définitivement une population plus jeune qui (est) toujours très surprise d'avoir ce diagnostic-là, a-t-elle conclu. Ça souligne d'autant plus l'importance de travailler à diminuer les effets secondaires et d'améliorer la qualité de vie. Ç'est une population de patients qui va vivre plus longtemps et ce qui veut dire qu'ils ont plus de chances de développer et de vivre avec des effets secondaires à plus long terme.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne