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Churchill Falls: l'entente pourrait être compromise si la CAQ est battue en 2026

durée 10h00
13 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

QUÉBEC — Une défaite de la Coalition avenir Québec (CAQ) aux élections de 2026 pourrait mettre en péril l'entente sur l'approvisionnement d'énergie entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, un contrat de 33,8 milliards $.

C'est ce qu'a fait valoir la ministre de l'Économie et de l'Énergie, Christine Fréchette, à ses interlocuteurs terre-neuviens.

Dans une entrevue de fin d'année avec La Presse Canadienne publiée samedi, Mme Fréchette a indiqué qu'autant le gouvernement terre-neuvien que le Québec veulent régler assez rapidement les négociations pour en arriver à une entente dans la première partie de l'année prochaine.

À la signature en grande pompe de l'accord préliminaire il y a un an, les deux parties se donnaient comme objectif d'en arriver à une entente finale d'ici à avril 2026.

Mais depuis, la province voisine a élu un nouveau gouvernement conservateur et son premier ministre Tony Wakeham a déclaré que cette échéance était «arbitraire», tout en s'engageant à faire réexaminer l'accord par un comité.

Le gouvernement Legault a toutefois fait comprendre à son vis-à-vis qu'il avait tout intérêt à conclure une entente dans les meilleurs délais - et le message a été compris, assure-t-on.

«Si c'est un autre parti qui arrive au pouvoir (au Québec) en 2026, ce n'est pas dit que cette entente ira de l'avant», a expliqué Mme Fréchette lors de l'entretien à son bureau à l'Assemblée nationale sur le bilan de la session.

L'an dernier, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon avait affirmé que c'était une entente «humiliante» pour le Québec et il avait demandé à ce qu'elle soit examinée par les parlementaires. Le Parti libéral (PLQ) avait pour sa part d'abord soutenu que c'était un mauvais «deal», puis son chef Pablo Rodriguez avait par la suite qualifié l'entente de «correcte».

M. Wakeham avait déjà lui-même laissé entendre qu'il ne craignait pas l'élection éventuelle du Parti québécois (PQ).

«J'ai fait valoir cette échéance électorale importante à M. Wakeham, il en était bien conscient, et c'est là qu'il me dit que son processus allait se dérouler très rapidement, a détaillé Mme Fréchette. Je le prends au mot.»

Mme Fréchette prend en compte le carcan que s'est lui-même fixé le gouvernement terre-neuvien, soit d'abord un examen du texte par un comité indépendant, puis la tenue, «si opportun», d'un référendum.

Le Québec a déjà laissé entendre que c'est un petit jeu qui se joue à deux: si sa partenaire veut ajouter des dispositions, il arrivera lui aussi avec sa propre liste d'épicerie.

«Je suis confiante que ce comité sera satisfait de ce qu'il trouvera dans l'entente», a suggéré la ministre, en faisant valoir que le Québec versera des sommes colossales à sa partenaire si l'alliance est conclue.

Mais si le projet d’accord avorte, que va faire le Québec pour répondre à ses besoins croissants en électricité?

Il y a un «plan B» et un «plan C», mais ces autres solutions coûteraient plus cher à mettre en œuvre, a concédé Mme Fréchette.

Le protocole d'entente convenu en décembre 2024 vise à sécuriser l'approvisionnement en hydro-électricité du Québec jusqu'à 2075, afin notamment de procéder à la décarbonation de son économie.

Il remplacerait l'accord actuellement en vigueur qui court de 1969 à 2041, pour l'exploitation commune de la centrale hydro-électrique de Churchill Falls, au Labrador, un contrat que Terre-Neuve juge désavantageux. Actuellement, Hydro achète ainsi à 0,2 cent le kilowatt/heure de l'électricité qu'elle revend ensuite à prix fort.

En vertu du projet d'entente sur la table, dans un premier temps, Hydro-Québec augmenterait graduellement la redevance pour qu'elle atteigne 6 cents le kWh, soit 30 fois plus.

Dans un deuxième temps, Hydro-Québec deviendrait maître-d’œuvre pour le chantier de l’augmentation de la puissance de la centrale de Churchill Falls, mais aussi pour une deuxième centrale à proximité, ainsi qu'une centrale en aval du fleuve Churchill à Gull Island, des projets évalués au total à 25 milliards $.

Le Québec aurait ainsi accès à 7200 MW additionnels pour combler ses besoins.

Actuellement, la puissance de Churchill Falls est de 5400 MW et elle fournit 15 % de l’électricité d’Hydro-Québec.

À Terre-Neuve-et-Labrador, les libéraux, qui ont signé le protocole d'entente l'an dernier avant d'être vaincus aux élections d'octobre dernier, affirment que la proposition, si elle est finalisée comme prévu en avril 2026, rapporterait à la province plus de 225 milliards $ au cours des 50 prochaines années.

C'est un pactole considérable pour la province, qui affiche la dette nette par habitant la plus élevée du pays.

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne