Des chemins de fer aux minéraux: sept points forts à retenir du Sommet de l'OTAN


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Par La Presse Canadienne, 2024
LA HAYE — Le Canada et ses alliés de l'OTAN ont convenu mercredi d'augmenter considérablement leur objectif de dépenses de défense, le portant à 5 % du PIB annuel d'ici 2035.
Le premier ministre Mark Carney a approuvé le plan visant à investir 3,5 % du PIB national dans les besoins essentiels de défense, plus 1,5 % dans des domaines connexes, comme les infrastructures et la cybersécurité.
Voici quelques points clés du Sommet des dirigeants de l'OTAN de cette semaine.
1) Un examen post-Trump
Les membres de l'OTAN réexamineront leurs engagements en matière de dépenses en 2029. La Constitution américaine stipule que le mandat du président Donald Trump prend fin dans les premiers jours de cette année-là.
M. Carney n'a pas précisé si c'est la raison pour laquelle les membres de l'OTAN ont fixé cet examen à 2029. Il a plutôt suggéré qu'il s'agissait d'un délai raisonnable, compte tenu de la nécessité de «s'assurer que les engagements s'harmonisent avec le contexte de sécurité mondial».
Un haut fonctionnaire du gouvernement canadien, qui s'est entretenu avec des journalistes mercredi, a affirmé que l'examen pourrait porter sur le ratio entre les dépenses de défense essentielles et le financement des domaines connexes.
2) Donald Trump mène la danse
Les dirigeants de l'OTAN ont augmenté leurs dépenses de défense, en partie en raison de la menace d'attaques conventionnelles et informatiques de la Russie. Mais ils ont également été poussés à agir puisque Donald Trump a répété que les États-Unis pourraient ne pas défendre un allié de l'OTAN attaqué s'il n'atteignait pas l'objectif de dépenses – une violation de l'engagement fondamental de l'OTAN en matière de défense collective, connu sous le nom d'article 5.
Le président a suscité encore plus d'incertitude mardi en déclarant que son engagement en matière de défense mutuelle «dépend» de la définition qu'on lui donne.
Mercredi, cependant, après la conclusion de l'accord sur les 5 %, le président Trump a été invité à clarifier sa position sur l'article 5.
«Je le soutiens. C'est pourquoi je suis ici, a-t-il affirmé. Si je ne le soutenais pas, je ne serais pas ici.»
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, a déclaré n'avoir aucun doute sur l'engagement des États-Unis en faveur de la défense collective de l'OTAN.
Un responsable canadien qui s'est adressé aux journalistes a déclaré que Donald Trump n'avait rien dit qui contredise le principe de défense collective lors de la réunion des dirigeants.
3) On ne sait pas ce qui compte
M. Carney a soutenu qu'il ne pouvait pas encore énumérer les armes et autres équipements militaires que le Canada achèterait pour atteindre l'objectif de 3,5 % d'ici 2035.
Il a expliqué que cela était dû à l'évolution constante de la technologie et que l'impact de la technologie quantique sur les cybermenaces futures n'était pas clair.
Il a souligné le rôle crucial des drones dans la défense de l'Ukraine, des armes qui sont devenues plus sophistiquées malgré la baisse de leur coût.
«Le monde évolue très rapidement, nous le savons tous, en termes de menaces et de nature de la guerre. Et la défense évolue également très rapidement», a-t-il déclaré.
4) Construire, construire et construire
Interrogé sur l'objectif de 1,5 % pour les dépenses militaires adjacentes, le représentant du gouvernement qui a informé les journalistes a déclaré que cela pourrait inclure des projets à double fonction commerciale et militaire, comme les routes. Cela pourrait couvrir des projets majeurs, comme les ports arctiques que M. Carney souhaite construire en utilisant les pouvoirs de procédure accélérée prévus par le projet de loi C-5, une loi critiquée pour sa vaste portée et la rapidité de son adoption à la Chambre des communes.
Le fonctionnaire a confié qu'Ottawa tenterait de démontrer que des projets comme la modernisation des infrastructures ferroviaires contribuent à la sécurité nationale ou économique.
M. Carney a mentionné que les travaux visant à accéder aux minéraux critiques pour les alliés pourraient être pris en compte dans l'objectif de 1,5 %, tout comme de nombreux autres projets pour lesquels le Canada dépense déjà de l'argent.
«Nous allons procéder à une comptabilité plus précise de cela, a-t-il affirmé. Nous devons le démontrer, et nous devons le faire de manière réfléchie et stratégique. »
5) Le Canada n'est pas le seul à la traîne
Le Canada n'est pas le seul pays sous pression pour atteindre le nouvel objectif de dépenses de l'OTAN.
Le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a affirmé dimanche que l'Espagne avait conclu un accord avec l'OTAN l'excluant de l'objectif de dépenses actualisé.
Le premier ministre slovaque, Robert Fico, a suggéré mardi que son pays aurait peut-être avantage à adopter la neutralité, affirmant que le nouvel objectif représenterait une part «absolument absurde» des dépenses de son gouvernement.
Pourtant, les deux pays ont approuvé le nouvel objectif, tout comme l'Italie, qui avait également exprimé des réserves à son égard.
La France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne s'étaient tous engagés à atteindre l'objectif de 5 % avant la réunion, tout comme les membres de l'OTAN plus proches de la Russie.
M. Rutte a averti lundi qu'aucun pays ne pouvait se soustraire à cet objectif. Il a précisé que les progrès réalisés vers le nouvel objectif seraient évalués dans quatre ans.
6) Des sacrifices ? Pas encore
Plus tôt ce mois-ci, alors qu'il annonçait que le Canada atteindrait l'ancien objectif de dépenses de l'OTAN de 2 %, M. Carney a averti que l'atteinte de cet objectif «exigera de l'ambition, de la collaboration et, oui, parfois, des sacrifices».
Mais il a modifié son message mercredi. Interrogé sur les sacrifices que le Canada devra faire, M. Carney a insisté sur le fait que l'augmentation des dépenses de défense stimulerait la croissance économique. «Nous ne sommes pas en train de faire des compromis, nous ne sommes pas en train de faire des sacrifices pour y parvenir – ces efforts seront bénéfiques», a-t-il avancé.
«Ces compromis auront lieu vers la fin de la décennie, au cours de la prochaine décennie.»
7) Retour vers le futur
Les dépenses de défense du Canada n'ont pas atteint 5 % du PIB depuis les années 1950.
Elles n'ont même pas dépassé 2 % depuis 1990, malgré le fait que l'objectif de 2 % soit la norme de l'OTAN depuis 2014.
L'OTAN estime que le Canada a consacré 41 milliards $ à la défense en 2024, soit 1,37 % du PIB. En 2014, le Canada a consacré 20,1 milliards $, soit 1,01 % du PIB, à la défense.
M. Carney a déclaré que 5 % du PIB représenterait un budget de défense de 150 milliards $ pour le Canada.
L'accent mis sur l'objectif de dépenses ne plaît pas à tout le monde. «Cet indicateur est absurde», a critiqué Kerry Buck, ancienne ambassadrice du Canada auprès de l'OTAN, lors d'un panel le 4 juin, le qualifiant de «matraque pour vous frapper à la tête».
Elle a ajouté que l'objectif «a un poids politique considérable», mais qu'il ne devrait pas faire oublier la nécessité d'investir dans la défense du Canada en dépensant à la fois pour les forces armées et la diplomatie.
Catherine Morrison et Dylan Robertson, La Presse Canadienne