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Des groupes demandent à Carney de clarifier ses propos sur la diplomatie féministe

durée 14h49
2 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Des dizaines de défenseurs des droits des femmes et des personnes LGBTQ+, au Canada et à l'étranger, exhortent le gouvernement Carney à clarifier son changement de message sur le féminisme.

Dans une lettre ouverte coordonnée par Oxfam Canada, 92 organisations et 162 personnes se sont dites profondément préoccupées par la récente déclaration du premier ministre Mark Carney selon laquelle le Canada soutient l'égalité, mais n'a plus de politique étrangère féministe.

«Les acteurs anti-droits s'organisent et cherchent à faire reculer les acquis et à rendre les progrès futurs plus difficiles. Les femmes, les filles et les personnes de genres divers se tournent vers le Canada pour obtenir du soutien», peut-on lire dans la lettre datée de lundi.

«Se retirer de cette position de leadership à un moment où le monde connaît un recul spectaculaire envoie un mauvais signal au monde entier.»

M. Carney a déclaré aux journalistes le mois dernier que, même si le Canada n'a plus de politique étrangère explicitement féministe, son gouvernement continue de défendre des valeurs telles que la défense des droits des LGBTQ+ à l'étranger et la lutte contre la violence à l'égard des femmes — qu'il a décrit comme des aspects de la politique étrangère du Canada.

«Oui, notre politique étrangère comporte ces aspects, mais je ne la qualifierais pas de féministe», a soutenu M. Carney le 30 novembre, lors du sommet du G20 à Johannesburg, en Afrique du Sud.

Ces commentaires marquent une rupture avec la politique étrangère de l'ancien gouvernement du premier ministre Justin Trudeau. La lettre d'Oxfam affirme qu'ils «risquent d'affaiblir le leadership de longue date du pays au niveau de l'égalité des sexes, des droits de la personne et du multilatéralisme».

La lettre appelle Ottawa à respecter son engagement pris il y a dix ans en matière de santé sexuelle, son plan pluriannuel visant à promouvoir les femmes dans les processus de paix et à continuer de financer des programmes qui soutiennent les personnes LGBTQ+ et les femmes.

Les signataires affirment vouloir qu'Ottawa «applique une analyse féministe et intègre des investissements spécifiques en faveur de l'égalité des sexes dans toutes les dimensions de la politique étrangère du Canada», y compris le commerce et la défense.

Ramener une ambassadrice pour les FPS

Les défenseurs demandent également à M. Carney de renommer une ambassadrice pour les femmes, la paix et la sécurité (FPS), dont le mandat a expiré en mars. Depuis, Affaires mondiales Canada a transféré la diplomate Jacqueline O'Neill, qui occupait cette position, à un poste interne lié aux conflits transnationaux.

La diplomatie FPS reconnaît les effets particuliers et disproportionnés des conflits armés sur les femmes et les filles et encourage leur implication dans la consolidation de la paix et la prévention des conflits. Le Canada défend le programme FSP depuis que le gouvernement conservateur de Stephen Harper était au pouvoir.

Ottawa a utilisé le rôle d'ambassadrice pour les FPS afin de tirer des enseignements des politiques nationales d'autres pays sur des problèmes tels que la discrimination policière à l'égard des femmes autochtones.

Le gouvernement Trudeau a créé le poste d'ambassadrice pour les FPS en 2019, soulignant à l'époque qu'Ottawa avait «acquis une réputation de leadership» dans ce domaine, tout en reconnaissant que ce concept suscitait une «forte opposition» à l'étranger.

La lettre d'Oxfam indique que ces réactions négatives se sont aggravées ces dernières années.

«Alors que les droits de la personne sont menacés dans de nombreuses régions, les leaders de la société civile affirment que le Canada a à la fois la possibilité et la responsabilité d'agir, écrit le groupe. Des mouvements anti-droits s'organisent à travers les frontières, cherchant à faire reculer les progrès en matière d'égalité des sexes.»

Parmi les signataires de la lettre figurent Amnistie internationale, la Fondation canadienne des femmes et divers syndicats.

Depuis les commentaires de M. Carney, des députés et des sénateurs ont demandé à la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, de préciser si des programmes féministes spécifiques étaient menacés par les mesures de réduction des dépenses envisagées par les libéraux.

Mme Anand a fait écho à l'affirmation de M. Carney selon laquelle le Canada continue de promouvoir le féminisme au pays et à l'étranger, soulignant les progrès réalisés avec d'autres pays dans la formation de femmes soldates de la paix. Dans son discours prononcé devant les Nations unies l'automne dernier, elle a cité les valeurs comme troisième pilier de la politique étrangère du Canada, aux côtés de la sécurité économique et de la défense.

«Nous veillerons à ce que nos engagements en faveur de l'égalité des sexes, des droits humains des femmes et des filles, se poursuivent d'une manière qui tienne compte du nouveau contexte géopolitique et budgétaire, qui exigent tous deux un cadre différent», a-t-elle soutenu devant la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes le 27 novembre.

La sénatrice Mary Coyle et le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe ont affirmé qu'ils ne pensaient pas que Mme Anand avait bien expliqué pourquoi M. Carney avait ressenti le besoin de s'éloigner du féminisme et l'impact que cela aurait sur les projets et les financements existants.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne