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Des universités canadiennes adoptent l'IA, mais la prudence est de mise

durée 16h13
19 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

Des universités canadiennes intègrent désormais l'intelligence artificielle générative dans leurs programmes, alors que de plus en plus d'étudiants et de professeurs utilisent cette technologie qui évolue rapidement.

Plusieurs grands établissements, dont l'Université McGill, l'Université de Toronto et l'Université York, ont indiqué adopter certains outils d'intelligence artificielle (IA) dans le but d'améliorer l'apprentissage. Ce sont principalement des outils éprouvés qui aident les étudiants à résumer leurs recherches universitaires ou à assister les professeurs dans la planification de leurs cours.

Ce changement s'inscrit dans un contexte où l'utilisation de l'IA par les étudiants de niveau postsecondaire continue de croître. Un sondage mené fin 2024 par la plateforme d'apprentissage en ligne Studiosity a révélé que 78 % des étudiants canadiens utilisaient l'IA pour étudier ou réaliser leurs travaux scolaires.

Le Rapport pancanadien sur l'apprentissage numérique a également révélé que 41 % des enseignants avaient déclaré utiliser l'IA générative dans leurs activités d'apprentissage l'an dernier, contre 12 % en 2023.

Le vice-provost de l'Université McGill, Christopher Buddle, a expliqué que l'établissement avait intégré l'assistant d'IA numérique Microsoft Copilot à ses systèmes pour aider le personnel, les étudiants et les professeurs dans leur travail. Cet outil peut être utilisé pour rédiger une première ébauche de lettre, résumer du contenu en ligne ou organiser des tâches quotidiennes.

«Les gens l'utilisent pour toutes sortes de choses et, d'après ce que j'ai compris, il est utilisé efficacement et massivement par notre communauté universitaire», a-t-il affirmé.

M. Buddle a souligné que le fait de proposer des outils d'IA générative via l'infrastructure informatique de l'établissement garantit qu'ils sont correctement contrôlés afin de gérer les risques liés à la confidentialité et de garantir la protection des données.

«Nous n'avons pas envisagé d'interdire l'IA ou de dire "non". En fait, ce que nous préférons voir et ce que nous soutenons, c'est une utilisation efficace de l'IA générative dans l'enseignement et l'apprentissage».

M. Buddle a noté que l'université laisse aux enseignants le soin de décider du degré d'utilisation de l'IA qu'ils souhaitent autoriser dans leurs cours.

«Nous ne disons pas aux enseignants ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire. Nous leur fournissons des outils, leur donnons des principes de bases et leur permettons de prendre les meilleures décisions pour leur cours, car cela est très spécifique à chaque discipline», a-t-il déclaré.

L'école lance cet automne un module en ligne destiné aux étudiants et aux enseignants afin de les aider à comprendre les avantages et les risques de l'IA en éducation.

«L'IA générative est omniprésente. Elle est partout et elle le restera», a dit M. Buddle.

Directives à travers le Canada

Susan McCahan, professeure à l'Université de Toronto et responsable du groupe de travail sur l'IA de l'université, a affirmé que son établissement intègre des outils d'IA, mais qu'il adopte également une approche équilibrée qui permet aux enseignants d'explorer la technologie tout en réfléchissant de manière critique à sa valeur en éducation.

«Nous avons des opinions très diverses sur l'IA et son utilisation en classe, dans l'enseignement et l'apprentissage. Nous voulons soutenir les professeurs qui souhaitent innover et l'utiliser dans leurs cours. Et nous voulons aussi soutenir ceux qui trouvent que cela n'est utile ni pour eux ni pour leurs étudiants.»

Mme McCahan a indiqué que l'université utilise des systèmes d'IA depuis des années, notamment pour auditer les rapports financiers et aider les étudiants à trouver des ressources en santé mentale. Plus récemment, l'établissement a également mis Microsoft Copilot à la disposition de tous les professeurs, étudiants et membres du personnel.

«Ils peuvent l'utiliser comme ils le souhaitent. Et, comme il est intégré à notre système, vous pouvez par exemple ouvrir un article de bibliothèque et demander à Copilot d'en faire une synthèse, a-t-elle expliqué. Ces données ne sont pas transmises à Microsoft (…) vous pouvez donc y intégrer des informations plus sensibles.»

Mme McCahan a noté que l'université a également mis les licences ChatGPT Edu à la disposition des étudiants et du personnel souhaitant l'utiliser avec une protection renforcée. L'établissement expérimente avec des tuteurs IA et étendra ces tests au cours de la prochaine année scolaire avec Cogniti, un système à code source libre développé en Australie à l'Université de Sydney, a-t-elle ajouté.

À l'Université York, l'objectif est «d'adopter une approche réfléchie et fondée sur des principes pour cette technologie moderne, a expliqué Yanni Dagonas, porte-parole adjoint. La transparence contribue à démystifier l'IA et aide notre communauté à mieux comprendre son impact et son potentiel».

L'université a créé une plateforme en ligne sur l'IA, avec une section dédiée aux enseignants. Ces derniers sont découragés d'utiliser des outils de détection d'IA pour évaluer le travail des étudiants — plusieurs de ces outils étant considérés comme peu fiables en plus de susciter des inquiétudes quant à la sécurité et à la confidentialité des données.

Face à l'essor considérable de l'utilisation de l'IA générative par les étudiants, de nombreux professeurs s'inquiètent des biais dans les modèles d'IA, des questions d'éthique et de confidentialité. L'impact environnemental de cette technologie soulève aussi de nombreuses questions, selon Mohammed Estaiteyeh, professeur adjoint en éducation à l'Université Brock.

«Les étudiants utilisent l'IA pour gagner du temps. Ils la trouvent plus efficace pour diverses raisons», a-t-il expliqué. Mais pour les enseignants, «cela dépend de leur domaine, de leur expertise technologique et de leur position vis-à-vis de ces technologies», a-t-il ajouté.

Des enseignants inquiets

M. Estaiteyeh a indiqué que la plupart des universités canadiennes fournissent des conseils aux enseignants sur l'utilisation de l'IA dans leurs cours tout en laissant l'essentiel à leur discrétion.

«Par exemple, à Brock, nous n'avons pas de directives très strictes concernant les possibilités offertes aux étudiants. C'est à l'enseignant de décider, en fonction du cours et du matériel pédagogique, s'il l'autorise ou non», a-t-il témoigné.

«Nous analysons encore les conséquences de cela, et nous ne sommes pas encore certains à 100 % des avantages et des risques. Une approche universelle pourrait ne pas convenir.»

M. Estaiteyeh a affirmé que les enseignants et les étudiants ont besoin de formations et de ressources en IA, en plus de conseils pour réduire le risque de trop s'appuyer sur cette technologie.

«Si vous utilisez les compétences des outils d'IA pour tout, vous n'acquérez pas vraiment de compétences significatives tout au long de vos trois ou quatre années d'études à l'université», a-t-il expliqué.

«Ces outils sont en place depuis environ deux ans seulement. Il est trop tôt pour affirmer que les étudiants ont déjà compris ou acquis les compétences nécessaires pour les utiliser.»

L'Alliance canadienne des associations étudiantes a soutenu que les IA doivent compléter l'expérience d'apprentissage et que les universités devraient décourager l'utilisation de l'IA pour l'évaluation et la sélection des travaux des étudiants.

Le groupe a indiqué dans un rapport publié plus tôt cette année que des recherches ont montré que des systèmes d'IA non testés peuvent introduire des «préjugés et des pratiques discriminatoires» à l'encontre de certains groupes d'étudiants.

«Par exemple, il a été constaté que les outils de détection du plagiat basés sur l'IA classent de manière disproportionnée les travaux de locuteurs non natifs de l'anglais comme étant générés par l'IA ou plagiés», indique le rapport.

L'alliance a réclamé des lignes directrices claires régissant l'utilisation de l'IA générative dans l'enseignement postsecondaire.

Maan Alhmidi, La Presse Canadienne