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Dix ans d'aide médicale à mourir: une fin de vie apaisée pour des milliers de gens

durée 18h07
10 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Il y a dix ans, le Québec devenait la première province du Canada à rendre accessible l’aide médicale à mourir, devenant ainsi un précurseur en la matière en Amérique du Nord. Lorsqu'on regarde en arrière, cela a eu pour effet de rendre la fin de vie plus paisible pour des milliers de Québécois.

«Tous mes collègues, on a la même expérience. C'est 99,9 % de gens qui sont (...) apaisés, c'est un bon terme, mais surtout sereins», commente en entrevue Dr Georges L’Espérance, praticien de l’aide médicale à mourir et également président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD).

«Ça se passe toujours de façon extrêmement sereine pour les patients et pour la famille, poursuit-il. Évidemment pour la famille, c'est toujours triste au moment de l'injection. Il y a toujours des pleurs, mais avant et après, moi j'appelle ça une certaine célébration de la vie parce que les proches comprennent que leur parent, leur proche, leur ami, a fini de souffrir.»

Résumons les moments marquants de l'AMM au Québec et au Canada. La Loi concernant les soins de fin de vie au Québec est adoptée en 2014, puis entre en vigueur le 10 décembre 2015. Entre-temps, l’AMM n’est pas en voie d'être autorisée au Canada. Des patients se tournent vers les tribunaux. Les projecteurs sont particulièrement braqués lors de l'affaire Carter contre Canada, puis, en février 2015, la Cour suprême reconnaît le droit à l’aide médicale à mourir.

Le gouvernement fédéral modifie le Code criminel, et l’AMM devient légale partout au Canada en 2016. Au fil des ans, d'autres avancées ont été réalisées. Depuis environ cinq ans, les patients n’ont plus besoin d’être dans une situation de mort imminente pour bénéficier de l’AMM. Plus récemment, en 2024, Québec autorise les demandes anticipées, ce qui permet entre autres aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer de faire une requête tant que leur état leur permet de faire la demande de manière libre et éclairée.

Toutefois, le gouvernement fédéral n'a pas encore intégré les demandes anticipées dans le Code criminel.

D'ailleurs, l'AQDMD vient tout juste de publier sur son site web un guide pour aider les patients à remplir leur formulaire de demandes anticipées d’aide médicale à mourir. «C'est une espèce de résumé plus facile à lire pour les objectifs, les grandes règles, aussi des éléments légaux. Et il y a une partie du guide qui est faite pour aider les familles et le patient qui fait la demande anticipée pour savoir comment naviguer dans ça, comment faire sa demande, comment être prêt lorsqu'ils vont rencontrer l'IPS (infirmières praticiennes spécialisées) ou le médecin pour compléter la demande. On prend les gens par la main, si je peux dire, pour les aider à progresser dans leur réflexion», résume Dr L’Espérance.

Gare aux reculs en termes d'accès à l'AMM

Depuis l'entrée en vigueur de la loi et jusqu'à aujourd'hui, 28 105 Québécois ont eu recours à l'AMM, selon les données du plus récent rapport de la Commission sur les soins de fin de vie (du 10 décembre 2015 au 31 mars 2025).

Selon l'AQDMD, il n’y a pas de dérive dans la pratique des soins de fin de vie. Elle souligne notamment que 99,7 % des formulaires évalués entre avril 2024 et mars 2025 ont été jugés conformes par la Commission. De plus, en 2024-2025, le pronostic des personnes faisant une demande d'AMM était estimé à trois mois ou moins dans 58 % des cas, et à un an ou moins dans 82 % des cas.

«Personne ne décide de ça le mercredi soir pour le jeudi matin, c'est toujours après une bonne réflexion», fait valoir Dr L’Espérance. Selon son expérience, pour la vaste majorité des patients, ça prend environ un an de réflexion avant d'arriver à une décision.

Dr L’Espérance veut protéger l'accès à l'AMM et il reste aux aguets quant à de potentielles menaces. Il fait un parallèle avec le droit à l'avortement qui s'est effrité aux États-Unis en 2022, lorsque la Cour suprême des États-Unis a annulé l'arrêt Roe c. Wade.

«L'aide médicale à mourir, si on recule là-dessus, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il y a des gens qui vont encore prendre des armes pour se suicider. Il y a des gens qui vont se tirer du haut de leur balcon, etc. Donc non, il ne faut pas revenir en arrière», affirme le médecin.

Il est conscient que l’aide médicale à mourir continue de susciter des oppositions qui visent à en limiter l’accès ou l’interdire à certaines catégories de citoyens. Il plaide pour que l'on continue d'étendre l'accès à l'AMM tout en l'encadrant.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne