Expansion du port: la SNAP a l’intention de poursuivre le gouvernement


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L'agrandissement du port de Montréal ne peut se faire sans contrevenir à la Loi sur les espèces en péril, selon la SNAP Québec, qui a l’intention de poursuivre le gouvernement fédéral.
L'agrandissement du port de Montréal fait partie des cinq premiers grands projets que le gouvernement Carney entend approuver dans le cadre de sa loi sur les grands projets à traitement accéléré.
Mais les tribunaux pourraient être appelés à se prononcer sur la légalité de la démarche, car l’habitat d’une espèce menacée, le chevalier cuivré, se trouve à l’endroit où le Port de Montréal compte agrandir le terminal de Contrecœur.
«C'est sûr et certain qu’on va participer à une contestation juridique du projet d'expansion du Port de Montréal à Contrecoeur», a indiqué jeudi le biologiste et directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Québec), Alain Branchaud.
Un projet «au coeur de l'aire de distribution» de l'espèce
On ne retrouve le chevalier cuivré nulle part ailleurs sur la planète que dans un tronçon restreint du fleuve Saint-Laurent et quelques affluents, comme la rivière Richelieu, où il se reproduit.
Le projet d’expansion du port «est au cœur de l'aire de distribution mondiale de l'espèce», a expliqué le biologiste Alain Branchaud à La Presse Canadienne.
Le «Moxostoma hubbsi», de son nom scientifique, est inscrit à l’annexe 1 de la liste fédérale des espèces en péril depuis 2007. Une mention qui, selon l’article 58 de la Loi sur les espèces en péril (LEP), entraîne une interdiction «de détruire un élément de (son) habitat essentiel».
L’article 73 de cette même loi indique que «le ministre compétent», c’est-à-dire la ministre fédérale des Pêches, Joanne Thompson, peut «délivrer un permis» autorisant une organisation «à exercer une activité touchant une espèce sauvage inscrite».
Toutefois, toujours selon l’article 73, il n’existe que trois objectifs pour lesquels Ottawa peut accorder un tel permis: le projet doit avoir une vocation scientifique; l’activité doit «profiter à l’espèce» ou «améliorer ses chances de survie»; l’activité «ne touche l’espèce que de façon incidente».
La Loi sur les espèces en péril «permet la possibilité de délivrer des permis, mais seulement dans des conditions» où «il n’y a pas d’atteinte au rétablissement ou à la survie de l'espèce», a indiqué Alain Branchaud à La Presse Canadienne.
«Dans notre compréhension des choses, c'est impossible pour ce projet-là d'aller de l'avant dans le respect de la loi sur les espèces en péril», car «le projet d'expansion du port va détruire des parties de l’habitat essentiel» du chevalier cuivré.
Selon un avis scientifique publié par la SNAP Québec en 2021, il n’existe pas de mesures de mitigation pour compenser une éventuelle destruction de l’habitat essentiel du chevalier cuivré dans le secteur de Contrecoeur.
«Pour l'instant il n'y a aucune démonstration scientifique qui permet de démontrer qu'on est capable de recréer des herbiers dans un écosystème fluvial comme celui-là», a précisé Alain Branchaud.
«On ne la retrouve nulle part ailleurs au monde. On a donc une responsabilité face au reste du monde de tout faire pour protéger cette espèce-là.»
Le CQDE n'exclut rien
Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) s’oppose depuis plusieurs années au projet d’agrandissement du terminal portuaire de Contrecoeur dans l’habitat du chevalier cuivré.
«Nous craignons que le permis soit délivré de façon illégale, c'est-à-dire non conforme à la loi sur les espèces en péril», a fait savoir Geneviève Paul, directrice générale du CQDE, à La Presse Canadienne.
Le CQDE a par ailleurs déposé jeudi matin un recours devant la Cour supérieure du Québec afin de contester la validité de la loi C-5 du gouvernement Carney, qui permet d’accélérer la réalisation de projets industriels considérés par Ottawa comme étant «d’intérêt national», comme l’agrandissement du port de Montréal.
Selon l'organisation formée de juristes, la loi C-5 «confère des pouvoirs démesurés au gouvernement et met en péril à la fois la démocratie et la protection de l’environnement».
Est-ce que le CQDE pourrait également intenter une action en justice contre le projet d'agrandissement du port en particulier?
À cette question, la directrice de l’organisme, Geneviève Paul, a répondu que «rien n’est exclu».
Stéphane Blais, La Presse Canadienne