Fierté Montréal n'est plus aussi «bon enfant», mais le sentiment de sécurité prévaut


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Alors qu'on observe une montée de la haine envers les communautés LGBTQ+, cela peut rendre certaines personnes anxieuses à l'idée de participer à de grands rassemblements queers, comme le Défilé de la Fierté, à Montréal. Or, cela ne semble pas décourager les personnes LGBTQ+; au contraire, un sentiment de sécurité domine.
Évidemment, le ressenti d'être en sécurité peut varier d'une personne à l'autre, précise Marie Houzeau, directrice générale de l'organisme Gris-Montréal. «Une chose qui est sûre, c'est qu'on n'est plus dans les dernières années dans une vision, je dirais, bon enfant des rassemblements, des grands regroupements queers. Parce que la pression, la montée des discours haineux, la montée des violences, on la ressent, dit-elle. On ne la vit pas seulement dans les grands rassemblements, mais au quotidien. Donc, c'est difficile de s'en détacher complètement quand vient le temps d'un festival comme Fierté.»
La vague de haine envers les communautés LGBTQ+ se fait sentir cette année, mais elle persiste depuis longtemps, affirme de son côté le directeur général de Fierté Montréal, Simon Gamache. Il estime cependant que cela ne démobilise pas les gens, justement parce qu'il y a un besoin pour les personnes queers d'être ensemble.
«On a la chance d'avoir des événements qui attirent beaucoup de monde, puis quand on est en groupe, on se sent beaucoup plus en sécurité. C'est ça la force d'un grand événement comme le nôtre. C'est sûr qu'on ne peut pas juste compter là-dessus, mais le fait d'être ensemble crée un sentiment de sécurité qui est réel», avait déclaré M. Gamache lors d'une entrevue en marge du dévoilement de la programmation de Fierté Montréal.
Des festivaliers vont être doublement motivés à participer aux rassemblements pour être visibles et fiers. «Démontrer qu'il y a encore du travail à faire, mais qu'on ne baissera pas les bras, et ça, ça va au contraire galvaniser ce sentiment d'être bien ensemble et d'être visible dans l'espace public», explique Mme Houzeau.
Insulter, persécuter, cracher dessus
Pour certains, la diminution du sentiment d'acceptation dans la société va toujours être «quelque part en arrière de la tête», fait valoir Mme Houzeau. «Ça peut effectivement accroître une espèce d'hypervigilance qui va peut-être miner un peu le sentiment d'être dans un espace sécuritaire», explique-t-elle.
Quelques personnes ont confié à la directrice de Gris-Montréal qu'elles ne voulaient pas participer à Fierté Montréal pour ce genre de raison, mais ces témoignages sont «assez minoritaires», dit-elle.
Drew, un homme trans qui a préféré utiliser seulement son prénom, a déjà participé à quelques défilés à Montréal. Il fait partie de ceux qui sont un peu sur le qui-vive. «C'est toujours en arrière de ma tête. Peu importe où je vais, il y a toujours quelqu'un qui est contre qui je suis en tant que personne», témoigne-t-il.
Drew ne se s'est jamais senti menacé lors des festivités de Fierté Montréal, mais il est hors de question pour lui d'y aller seul, entre autres pour des préoccupations de sécurité.
Avant d'avoir une mastectomie, Drew a déjà subi de la violence verbale, des insultes et des commentaires désobligeants, entre autres dans les toilettes publiques. «C'est beaucoup moins pire depuis que j'ai eu l'opération, mais comme je disais, j'ai toujours ça en arrière de la tête», raconte-t-il.
Avec la personne avec qui il partage sa vie, qui est non-binaire, le couple a déjà été scruté, observé fixement simplement pour se balader dans la rue en se tenant la main. «On a eu des regards bizarres parfois quand on prenait le métro, les gens sont comme: ''oh, qu'est-ce que vous êtes?''», se remémore Drew.
Le ressenti de Léa Alice, qui souhaite omettre son nom de famille, est différent, quoiqu'elle a aussi été persécutée par le passé, notamment en se faisant cracher dans l'œil dans le transport en commun montréalais.
Léa Alice est une femme trans qui pratique le kickboxing justement pour pouvoir se défendre. Elle dit avoir «vu venir la montée de l'extrême droite» il y a plusieurs années et déplorait alors que c'était banalisé.
«J'avais prévu le coup. Donc, sans tomber dans la peur, dans la crainte, il y a des mécanismes de défense qui partent. Ça ne devrait pas être de même la vie, mais bon...», se désole-t-elle.
Léa Alice affirme que tout le monde ressent le climat de haine envers les communautés LGBTQ+. Aujourd'hui, elle ne connaît pas une personne queer dans son entourage qui n'a pas subi de la violence physique ou verbale, et cela se produit le plus souvent dans le Village, selon elle.
La militante est capable de se défendre. Elle n'est pas anxieuse de participer au Défilé, mais elle ne compte pas y aller, jugeant que l'événement est devenu une «parade capitaliste». Elle fait référence au «pinkwashing», une stratégie qu'utilisent des entreprises avec des messages de soutien à la communauté LGBTQ+ uniquement pour améliorer leur image.
Un phare dans la nuit
Malgré les défis, Fierté Montréal est encore un phare dans la nuit pour de nombreuses personnes issues de la diversité sexuelle et de genre.
«Ça arrive encore des personnes qui vont sortir du placard ce jour-là uniquement dans leur cœur», mentionne Mme Houzeau. En voyant toutes ces personnes exprimer leur solidarité, elles vont sentir qu'il y a des gens avec qui elles pourraient s'associer.
Pour toutes sortes de raisons personnelles, certaines personnes vont rester dans le garde-robe, et le fait de voir des semblables peut les inciter à avoir des discussions avec leurs proches qui étaient sans cesse repoussées, explique Mme Houzeau.
Ce pourrait être le cas d'un ami de Drew, qui habite aux États-Unis, qui n'est pas sorti du placard auprès de ses parents et qui compte accompagner le couple lors du Défilé à Montréal.
D'autre part, Fierté Montréal déploie beaucoup d'effort pour s'assurer que le festival est sécuritaire, mais aussi bienveillant. «Une chose où on se distingue vraiment, c'est que oui, il y a la sécurité, mais dans la sécurité on a intégré aussi la question du bien-être des festivaliers qui viennent. Donc, on a beaucoup de protocoles d'intervention sur nos sites, justement pour prévenir les violences sexuelles, pour la consommation, s'assurer que tout se passe bien», a soulevé M. Gamache.
Le festival Fierté Montréal bat son plein cette fin de semaine avec le traditionnel Défilé qui se déroulera dimanche, où près de 15 000 personnes sont attendues.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne