Gilbert Rozon en a voulu à ceux qui lui avaient conseille de plaider coupable


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Gilbert Rozon dit regretter d'avoir cédé à la pression de ceux qui lui conseillaient de plaider coupable d’avoir agressé sexuellement une jeune croupière de 19 ans, en 1998, lors d’une fête au Manoir Rouville-Campbell.
Lorsque l’affaire avait été rendue publique dans les médias, «on a plongé dans un enfer médiatique. On perdait quelques dizaines de milliers (de dollars) par jour. Ç’a atteint 2 millions rapidement», a-t-il raconté jeudi, au deuxième jour de son témoignage au palais de justice de Montréal.
Gilbert Rozon, poursuivi au civil pour un total d'environ 14 millions $ par neuf femmes qui allèguent avoir été agressées sexuellement par l'ex-magnat de l'humour, avait amorcé lundi son témoignage, qui est prévu pour sept jours, mais n’avait fait qu’une courte apparition pour raconter son enfance et ses débuts comme producteur et impresario.
Jeudi, il a poursuivi son histoire, racontant l’évolution et la croissance de son empire de l’humour et ses avocats n’ont pas eu le choix que d’aborder cet épisode en parcourant la ligne de temps de sa vie.
Réunion familiale
Bien qu’un plaidoyer de culpabilité doive être rendu sans contrainte – une question que les juges posent systématiquement aux accusés qui plaident coupable – Gilbert Rozon n’a pas donné l’impression que c’était le cas. «On s’est mis à me dire que je devrais plaider coupable. Qu’il faut que ça arrête», a-t-il dit en référence aux pertes de l’entreprise et au battage médiatique qui entourait l’affaire.
Il a raconté avoir participé à une réunion familiale où on lui a dit: «Écoute, c’est mieux de régler pour le bien de l’entreprise.»
«J’en ai longtemps voulu à ceux qui m’ont conseillé ça», a déclaré M. Rozon, avant d’expliquer qu’il s’était rendu en Cour, avait plaidé coupable et que son avocat avait ensuite demandé l’absolution inconditionnelle, que Gilbert Rozon a obtenue l’année suivante.
Mariage difficile
Le reste de son témoignage, avant et après la référence à cet incident sur lequel ses avocats ne se sont pas attardés longtemps, a porté sur le développement de son entreprise et de ses projets.
M. Rozon a aussi abordé les difficultés de son mariage, marquées par une aventure extra-conjugale avec Véronique Moreau, qu’il a finalement quittée lorsque lui et son épouse – qui avait aussi amorcé une relation avec un autre homme après leur séparation physique – avaient décidé de reprendre leur vie de couple.
Cette reprise n’a pas duré longtemps. «Le lendemain, je me suis rendu compte qu’on s’état trompés. On essayait de rentrer une boîte carrée dans un cercle», a-t-il affirmé.
La journée s’était amorcée par le court témoignage par visioconférence d’une productrice française, Deborah Huet, qui, de Paris, a raconté ses 10 ans de collaboration avec Gilbert Rozon sur l’émission «La France a un incroyable talent» où le producteur québécois était juge.
Longue saga judiciaire
La poursuite de neuf femmes - Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy - fait suite à une demande, en 2017, d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses. D’abord accueillie en première instance en 2018, Gilbert Rozon a obtenu que cette demande soit rejetée par la Cour d’appel en 2020.
Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon avait été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.
Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, avait été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes avaient suivi et l’ensemble des poursuites avaient été regroupées pour mener au procès qui s’est ouvert en décembre dernier et qui a été interrompu à maintes reprises en raison de débats sur des questions de droit.
Jusqu’ici 42 témoins ont été entendus en poursuite, incluant les neuf plaignantes et sept autres femmes, dont Julie Snyder, Salomé Corbo, Pénélope McQuade et l’ex-conjointe de Gilbert Rozon, Véronique Moreau, qui ont toutes soutenu avoir aussi subi des abus de nature sexuelle de la part du défendeur.
Gilbert Rozon a toujours nié les allégations qui le visaient.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne