«Il faut les sortir de là», lance une ancienne entraîneuse de bélugas à Marineland


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Par La Presse Canadienne, 2025
TORONTO — Les infrastructures délabrées, le manque de personnel et les ressources insuffisantes à Marineland ont créé des conditions dangereuses pour ses bélugas, selon une ex-employée, qui appelle au transfert immédiat des animaux.
Kristy Burgess, qui est entraîneuse de mammifères marins, travaillait au parc situé à Niagara Falls, en Ontario, en février lorsqu'un jeune béluga y a été euthanasié.
À son avis, la menace de Marineland d'euthanasier ses 30 bélugas restants s'il ne reçoit pas de financement d'urgence est une tactique «répugnante» visant à utiliser les animaux comme moyen de pression.
«Il faut les sortir de là», a tranché Mme Burgess à propos des dernières baleines captives au Canada. «Tout de suite.»
Lors de son entretien avec La Presse Canadienne, Mme Burgess s'est exprimée pour la première fois sur son expérience à Marineland, alors que les bélugas qu'elle aimait tant sont aujourd'hui menacés de mort.
Dix-neuf bélugas, un dauphin et une orque sont morts à Marineland depuis 2019, selon une base de données créée par La Presse Canadienne à partir de documents internes et de déclarations officielles.
Les bassins des bélugas, Arctic Cove et Friendship Cove, ont désespérément besoin d'être réparés, selon Mme Burgess, alors que leurs murs peints s'écaillent et que des morceaux de béton tombent dans l'eau.
«Des bélugas sont arrivés avec des éclats de peinture sur la langue, a-t-elle témoigné. Les bassins tombent en ruine.»
Les rochers qui servent de décoration dans les bassins se sont effrités et sont tombés dans les réservoirs, ce qui a provoqué une certaine agitation chez les baleines.
«Nous avons dû demander à des personnes de plonger dans l'eau pour repêcher des rochers très gros et très lourds, probablement de la taille d'une assiette», a souligné Mme Burgess.
Le système d'alimentation en eau tombe régulièrement en panne, selon Mme Burgess, ce qui affecte la capacité du parc à faire monter et descendre le niveau de l'eau, une opération essentielle pour prodiguer des soins médicaux aux baleines.
Ces défaillances ont entraîné des retards dans le traitement des bélugas, en plus de forcer les entraîneurs à prendre des risques supplémentaires pour se rendre dans des eaux plus profondes afin de prodiguer des soins.
Marineland n'a pas répondu aux multiples demandes de commentaires contenant des questions détaillées sur les allégations de Mme Burgess.
Transfert en Chine?
Autrefois une attraction touristique très populaire, le parc est aujourd'hui en crise. Récemment, le gouvernement fédéral a refusé les permis d'exportation pour transférer ses 30 bélugas vers un immense aquarium en Chine.
Le parc a déclaré qu'il était presque en faillite et qu'il n'avait pas d'autre option viable pour reloger les baleines.
La ministre fédérale des Pêches, Joanne Thompson, a refusé la demande d'exportation, expliquant qu'elle ne veut pas que les bélugas soient contraints de se produire en captivité à l'avenir.
Marineland a alors écrit à la ministre pour lui demander des fonds d'urgence afin de nourrir et de soigner les bélugas, affirmant qu'il était à court d'argent et qu'il devrait sinon les euthanasier.
Mme Burgess souhaite que la ministre Thompson reconsidère sa décision. Si elle comprend l'ampleur des risques liés au transfert, elle estime que la ministre saisit mal la gravité de la situation.
«En quoi est-ce une meilleure solution de les laisser à Marineland? Soit ils mourront lentement là-bas, soit ils seront euthanasiés parce que quelqu'un veut gagner de l'argent grâce au terrain sur lequel ils se trouvent.»
Le bureau de Mme Thompson a fait valoir que la ministre avait clairement indiqué que la décision de refuser les permis d'exportation avait été prise conformément à une loi fédérale adoptée en 2019 et «dans l'intérêt supérieur des bélugas».
La ministre a demandé à Marineland de présenter un nouveau plan et a assuré qu'elle examinerait rapidement toute proposition.
Manque de personnel
Jusqu'à récemment, Mme Burgess adorait Marineland. Elle se souvient d'avoir été séduite par le parc lorsqu'elle l'a visité à l'âge de sept ans. À 15 ans, elle a travaillé pendant deux étés au Hungry Bear, le restaurant principal du parc.
Elle a obtenu un poste à Marineland en 2022 comme soigneuse des bélugas, ce qui consistait à préparer des repas à base de poisson congelé. Elle a rapidement été promue, avant de devenir entraîneuse.
Au fil du temps, la charge de travail a pesé sur Mme Burgess. Selon elle, le parc manquait de personnel, ne comptant que sur 18 employés pour s'occuper des deux bassins des bélugas.
Les pauses, les différents quarts de travail, les congés et les arrêts maladie faisaient en sorte qu'il y avait seulement cinq à sept personnes pour s'occuper des animaux sur une base quotidienne.
«C'est loin d'être suffisant», a-t-elle martelé.
Au cours de ses trois années à Marineland, sept bélugas et la seule orque du parc, Kiska, sont morts.
Ces décès ont eu un impact sur les entraîneurs et les soigneurs de Marineland, qui travaillent toute l'année, par tous les temps, pendant de longues heures laborieuses.
«Ils sont fatigués, ils portent le poids de tout le chagrin qu'ils ont vu au fil des ans et ils sont débordés, mais ils continuent à se présenter et à faire de leur mieux», a souligné Mme Burgess.
Mme Burgess a indiqué qu'elle était payée 18,50 $ l'heure en tant qu'entraîneuse à temps plein, contre 17,50 $ lorsqu'elle était soigneuse. Certains des entraîneurs les plus expérimentés gagnent un peu plus de 20 $ l'heure, a-t-elle ajouté.
Congédiement
La menace de Marineland d'euthanasier tous ses bélugas a eu l'effet d'une bombe dans le parc, selon Mme Burgess, qui est toujours proche de nombreux employés.
Elle estime toutefois que cette menace n'est pas crédible.
«C'est répugnant, mais les vétérinaires ne le feront pas, les soigneurs ne le feront pas.»
Mme Burgess a dit avoir été congédiée au mois de mars, peu après que La Presse Canadienne a appris la mort d'un béluga par une source interne au parc.
Après que La Presse Canadienne a envoyé des questions à Marineland, le parc a confirmé la mort de la baleine sur les réseaux sociaux.
Selon Mme Burgess, Marineland était furieux de cette fuite et a commencé à interroger ses employés. Elle a dit avoir été licenciée quelques semaines plus tard, sans qu'aucune raison ne lui soit donnée dans l'immédiat.
Finalement, Marineland aurait justifié son congédiement en raison de la réduction de ses activités. Mme Burgess a toutefois constaté que son poste a été affiché par la suite.
Mme Burgess a fourni une capture d'écran de l'annonce, mais La Presse Canadienne n'a pu la consulter de manière indépendante sur le site d'emploi.
Mme Burgess pense avoir été licenciée à cause de la fuite, même si elle n'en était pas la source. Elle a essayé pendant des mois de récupérer son emploi, mais Marineland a refusé.
«La situation désespérée dans laquelle se trouve actuellement Marineland est le résultat de choix, et non de circonstances», a conclu Mme Burgess.
Liam Casey, La Presse Canadienne