Inquiétudes concernant une entente de BC Ferries avec une entreprise chinoise


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Par La Presse Canadienne, 2024
Le ministre des Transports de la Colombie-Britannique a fait part de ses inquiétudes à BC Ferries concernant sa décision de confier la construction de quatre nouveaux traversiers à un chantier naval chinois pour sa flotte de passagers, dans un contexte de conflit commercial persistant entre le Canada et la Chine.
Le soumissionnaire retenu pour le contrat annoncé mardi est l'entreprise d'État chinoise China Merchants Industry Weihai Shipyards.
Mike Farnworth a déclaré dans un communiqué qu'il s'inquiétait de l'acquisition de services auprès de «tout pays qui nuit activement à l'économie canadienne» par des droits de douane et du protectionnisme.
«BC Ferries est une entreprise indépendante, responsable de ses propres décisions opérationnelles. Bien que BC Ferries ait pris la décision d'acheter de nouveaux navires à l'étranger, je suis déçu que le contrat ne prévoie pas une plus grande participation des chantiers navals canadiens», a-t-il affirmé.
Le cabinet de M. Farnworth a décliné une demande d'entrevue.
Les remarques du ministre sont intervenues quelques heures après l'annonce par Nicolas Jimenez, président-directeur général de BC Ferries, du choix du chantier naval chinois pour la construction de ses navires. Le premier devrait entrer en service en 2029, suivi des autres tous les six mois.
M. Jimenez a déclaré ne pas s'inquiéter des tensions géopolitiques entre le Canada et la Chine, ajoutant que son objectif principal était d'obtenir un bon accord pour la province.
«Les clients s'attendent à ce que nous obtenions la meilleure offre possible, la plus haute qualité, un chantier naval garantissant la sécurité, un chantier respectant les normes les plus strictes en matière de supervision et de main-d'œuvre, et que nous obtenions le meilleur prix», a-t-il soutenu lors d'une conférence de presse, mardi.
«En ce qui concerne des questions comme la politique commerciale, la politique industrielle et la géopolitique, je pense que nous nous en remettons aux gouvernements fédéral et provincial et nous attendons d'eux qu'ils gèrent et résolvent ces problèmes.»
Il a indiqué dans un communiqué de presse que le chantier naval était «le choix évident compte tenu de la solidité globale de son offre».
Il a précisé que Weihai Shipyards a construit des navires pour la compagnie de traversiers canadienne Marine Atlantique et d'autres opérateurs, tels que Corsica Linea et Brittany Ferries, en France.
Le Canada et la Chine sont engagés dans un différend commercial. Pékin impose des droits de douane en représailles sur le canola et le tourteau de canola, les pois et les fruits de mer canadiens, après qu'Ottawa a imposé des taxes sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium chinois.
M. Jimenez a déclaré mardi qu'il n'existe actuellement aucun droit de douane associé à l'importation de navires de ce type au Canada et que les différends tarifaires n'ont pas été pris en compte dans la décision.
Aucune soumission d'entreprise canadienne
BC Ferries ne divulgue pas le montant du contrat, mais M. Jimenez soutient qu'il s'inscrit dans le budget approuvé par le commissaire de BC Ferries plus tôt cette année.
Il a ajouté que la publication de l'accord avant l'achèvement du projet pourrait compromettre les futurs approvisionnements.
«Afin de protéger BC Ferries et nos clients, nous avons structuré le contrat de manière à réduire nos risques tout en renforçant la responsabilité du chantier naval. La majeure partie du paiement est liée à la livraison, ce qui signifie que le chantier naval ne sera pas entièrement payé tant que les navires ne seront pas livrés et ne répondront pas aux normes rigoureuses que nous avons définies dans le contrat», a-t-il expliqué.
«Des mesures telles que des garanties de remboursement et des conditions de prix fixes protégeront également BC Ferries et nos clients.»
Ed Hooper, responsable du renouvellement de la flotte de BC Ferries, a rapporté qu'aucune entreprise canadienne n'avait soumissionné pour ces navires qui transporteront environ 52 % de passagers et 24 % de véhicules de plus que les traversiers qu'ils remplacent.
Lors de la publication de l'appel d'offres en septembre dernier, le constructeur naval canadien Seaspan a déclaré dans un communiqué que «les chantiers navals canadiens et leurs chaînes d'approvisionnement ne peuvent pas concurrencer les pays à bas salaires qui ont des normes d'emploi, des normes environnementales et des normes de sécurité inférieures à celles du Canada et de la Colombie-Britannique».
Seaspan a affirmé mardi dans un communiqué qu'elle construisait actuellement des navires pour la Marine royale canadienne et la Garde côtière canadienne à son chantier naval de North Vancouver.
«Nous sommes impatients d'explorer comment cette capacité peut être mise à profit pour construire de futurs traversiers de la Colombie-Britannique ici, au pays, et ainsi générer les retombées industrielles stratégiques et les retombées socio-économiques importantes associées à des projets d'investissement de cette nature pour les Britanno-Colombiens.»
Une équipe d'experts de BC Ferries sur place
M. Jimenez a dit que 60 % des navires du monde sont construits en Chine, et BC Ferries a fait preuve de diligence raisonnable pour s'assurer de bien comprendre les «risques techniques, de livraison et liés au pays associés à cette décision».
M. Hooper a indiqué que le processus d'approvisionnement comprenait des équipes d'experts chargées d'évaluer les offres du monde entier selon 30 critères différents, et que les soumissionnaires les plus offrants avaient également été rencontrés en personne.
BC Ferries a indiqué qu'elle disposera de sa propre équipe d'experts sur place au chantier naval tout au long de la construction afin d'effectuer la surveillance et l'assurance qualité.
Dans un communiqué, l'opposition conservatrice de la Colombie-Britannique a accusé le premier ministre David Eby d'avoir «abandonné les travailleurs canadiens» en attribuant un contrat de plusieurs milliards de dollars à une entreprise d'État chinoise.
La flotte vieillissante de traversiers de la Colombie-Britannique a subi des retards et des pannes de navigation longs et coûteux ces dernières années.
L'année dernière, le Queen of New Westminster, vieux de 61 ans, a été hors service pendant près de 200 jours après une panne mécanique. Selon M. Jimenez, celle-ci a coûté 5,5 millions $ en réparations imprévues et 8,5 millions $ en pertes de revenus.
Outre le Queen of New Westminster, le Queen of Cowichan, le Queen of Alberni et le Queen of Coquitlam sont également en cours de remplacement. Ces navires fêteront tous leurs 50 ans l'année prochaine.
Ashley Joannou, La Presse Canadienne