L'annexion du Canada aux États-Unis n'est pas au menu des discussions, dit Trump


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Par La Presse Canadienne, 2024
WASHINGTON — Le premier ministre Mark Carney a été accueilli mardi dans le Bureau ovale par le président des États-Unis, Donald Trump, qui a vanté ses compétences et a affirmé qu'il n'allait pas être question, durant leur rencontre, de l'idée que le Canada devienne le 51e État américain.
Questionné à ce sujet, M. Trump a précisé qu'il croyait toujours que ce serait bénéfique que le Canada soit annexé aux États-Unis. «Mais il faut être deux pour danser le tango», a-t-il dit.
Les deux hommes avaient d'abord échangé une poignée de main solennelle à l'arrivée à la Maison-Blanche de M. Carney, échangeant quelques sourires devant les caméras.
Le premier ministre a souligné, une fois assis dans le Bureau ovale, que le Canada «n'est pas à vendre», ajoutant qu'il ne le sera «jamais». «Comme vous le savez de l'immobilier, il y a des places qui ne sont jamais à vendre», a-t-il déclaré devant les journalistes.
M. Trump a évité de faire un long plaidoyer pour l'annexion du Canada, se contentant de laisser tomber qu'il veut mieux «ne jamais dire jamais».
Le président américain a passé le plus clair du temps passé devant les médias à vanter M. Carney, le félicitant chaleureusement pour sa victoire électorale, il y a à peine une semaine. M. Trump a dit croire avoir «beaucoup de choses en commun» avec M. Carney. «Nous avons plusieurs éléments difficiles à aborder, mais ça ira», a-t-il soutenu au sujet de cette première rencontre depuis que M. Carney est premier ministre.
Quelques minutes avant la réunion des deux dirigeants - la première en personne depuis que M. Carney est premier ministre - M. Trump a déclaré sur le réseau Truth Social qu'il avait hâte de le rencontrer avant de répéter ses doléances.
«Je veux vraiment travailler avec lui, mais je ne peux pas comprendre une simple VÉRITÉ - Pourquoi les États-Unis subventionnent le Canada par 200 milliards de dollars par année, en plus de leur donner une protection militaire GRATUITE et plusieurs autres choses?» a-t-il lancé, réitérant son affirmation trompeuse.
Il a également réaffirmé que, à son avis, les États-Unis n'ont besoin de rien du Canada, mentionnant le bois d'œuvre et l'énergie.
La rencontre de mardi à Washington fait suite à deux appels téléphoniques entre les deux hommes.
Elle survient aussi en plein milieu d'une guerre tarifaire déclenchée par l'imposition de droits de douane américains. M. Trump a aussi irrité Ottawa en répétant à profusion l'idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.
M. Carney a fait son arrivée vers midi à la Maison-Blanche. Selon une liste fournie par le bureau de M. Carney, le premier ministre devait être accompagné, durant la rencontre avec M. Trump, de plusieurs ministres, de ses proches conseillers et de l'ambassadrice canadienne Kirsten Hillman.
M. Trump, de son côté, devait être accompagné de l'ambassadeur américain au Canada, Pete Hoekstra, du vice-président J. D. Vance et du secrétaire d'État Marco Rubio, entre autres.
Éviter les dérapages
Pour le directeur de l'Observatoire sur les États-Unis à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, Frédérick Gagnon, le principal défi de M. Carney, du moins sur le plan de la forme, sera d'éviter «les dérapages» de son hôte particulièrement imprévisible.
En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Gagnon a rappelé la visite du président ukrainien, il y a deux mois, qui avait tourné à la catastrophe après un échange acrimonieux où les deux hommes avaient levé le ton en argumentant devant les caméras du monde entier. Volodymyr Zelensky avait ensuite été invité à prendre la porte, et une conférence de presse conjointe avait été annulée.
«Est-ce qu'il va mentionner qu'il souhaiterait que le Canada devienne le 51e État? S'il le fait, comment réagirait M. Carney, sachant très bien qu'il a déjà dit qu'il n'aimait pas ce genre de propos», a ajouté le professeur Gagnon, notant que ce serait carrément perçu comme «une insulte personnelle».
Mark Carney avait prévenu que le «respect» est une condition à ce qu'il s'assoit avec le président Trump, évoquant qu'il ne tolérerait pas de se faire qualifier de «gouverneur», un terme que le milliardaire américain servait à tour de bras à Justin Trudeau.
M. Carney, qui est à Washington depuis lundi avec le ministre du Commerce, Dominic LeBlanc, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, a affirmé s'attendre à des discussions «difficiles, mais constructives».
Un point de presse à l'ambassade du Canada – et donc vraisemblablement en l'absence du président – est prévu après la rencontre. «Ce qui est commun, habituellement, à Washington, (ce sont) des conférences de presse conjointes entre le président des États-Unis et ses invités», a souligné M. Gagnon.
Donald Trump a imposé des droits de douane à l'échelle de l'économie canadienne en mars, avant de les réduire partiellement quelques jours plus tard sur les importations conformes aux règles de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Le Canada a également été touché par des droits de douane sur l'acier, l'aluminium et l'automobile.
Vendredi, lors de sa première conférence de presse depuis les élections, le premier ministre Carney a tout fait pour baisser les attentes face à la rencontre. Il a prévenu que de la «fumée blanche» ne se dégagera pas du 1600 Pennsylvania Avenue, une référence à la méthode employée par le Vatican pour annoncer qu'un nouveau pape a été choisi.
M. Trump a quant à lui révélé lundi qu'il ignore pourquoi le premier ministre canadien est en ville. «Je ne sais pas exactement ce qu'il souhaite aborder avec moi, mais je suppose qu'il souhaite conclure un accord», a-t-il dit lundi lorsqu'interrogé sur ses attentes.
Le 28 mars, après le premier appel téléphonique Carney-Trump, le président a indiqué que les deux hommes avaient convenu de se rencontrer immédiatement après les prochaines élections canadiennes afin de discuter de questions politiques, commerciales et autres, qui seront bénéfiques pour les États-Unis et le Canada.
M. Carney, un ancien gouverneur des banques centrales du Canada et d'Angleterre, avait passé l'essentiel de sa campagne à plaider qu'il était la meilleure personne pour gérer cette négociation. Il jurait inlassablement que «jamais, jamais» le Canada ne serait un État américain, et avait affirmé que le «respect» de la souveraineté canadienne est une «condition» à la rencontre avec le président Trump.
Outre l'entretien de mardi, MM. Carney et Trump devraient se recroiser dans à peine quelques semaines de l'autre côté de la frontière, alors que le Canada sera l'hôte du sommet du G7, un événement qui doit se tenir à Kananaskis, en Alberta.
Et, une semaine plus tard, le premier ministre devrait se rendre aux Pays-Bas pour participer au sommet annuel de l'OTAN, une organisation à laquelle M. Trump reproche à bon nombre de pays, y compris le Canada, de ne pas faire leur juste part, soit d'atteindre la cible de dépenses militaires établie à 2 % du PIB.
Michel Saba et Émilie Bergeron, La Presse Canadienne