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L'OTAN souffle ses 75 bougies, alors que planent la menace russe et celle de Trump

durée 11h46
4 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Bruxelles accueille cette semaine les ministres des Affaires étrangères de 32 pays pour marquer les 75 ans de la création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

L’alliance militaire célèbre cet anniversaire alors qu'elle fait face à la menace familière d’une Russie imprévisible. L'OTAN se prépare également à la perspective d’une autre situation périlleuse à laquelle elle a déjà été confrontée récemment: la présence de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Le favori dans la course pour devenir candidat républicain a récemment déclaré qu'il avait prévenu ses alliés, alors qu'il était président, que les États-Unis ne protégeraient pas les pays «délinquants» qui n'atteignent pas leurs objectifs de dépenses militaires de l'OTAN.

«Non, je ne vous protégerais pas. En fait, j'encouragerais [la Russie] à faire tout ce qu'elle veut. Vous devez payer. Vous devez payer vos factures», a lancé M. Trump lors d'un rassemblement partisan en février.

Malgré des commentaires similaires au cours de sa présidence, M. Trump a approuvé l’article sur la défense conjointe de tous les membres de l’OTAN. Mais certains craignent que les choses soient différentes s'il revient à la Maison-Blanche après le scrutin de novembre.

Brett Bruen, ancien directeur de l'engagement mondial dans l'administration de l'ex-président démocrate Barack Obama, a déclaré qu'il pourrait y avoir moins de «freins d'urgence» en place si M. Trump est réélu, de nombreux républicains de longue date hésitant à s'impliquer dans une Maison-Blanche «Trump 2.0».

Et dans ce cas, les alliés auront besoin d’un plan de match pour le convaincre. M. Bruen croit qu'il faudra «penser grand», avec des annonces éclatantes en matière de dépenses militaires et M. Trump comme invité d'honneur lors d'un grand défilé militaire, par exemple. La clé, a-t-il dit, est «d'emballer le tout et de mettre dessus un très gros ruban qui donne l'impression qu'il a à lui seul et brillamment réformé l'OTAN».

«M. Trump est, en fin de compte, un négociateur et un homme d'affaires qui, je crois, pourrait changer d'idée et rester au sein de l'OTAN», croit M. Bruen.

Par ailleurs, les républicains comme les démocrates se demandent si les alliés obtiennent plus que ce qu’ils versent. Un débat féroce fait rage actuellement à Washington sur le soutien militaire à l’Ukraine, qui aspire à devenir membre de l’OTAN.

«La vraie question, je pense, en ce moment, est de savoir si l'OTAN est ou non dans son dernier sursaut de force», a déclaré M. Bruen.

L'Europe est plus consciente

Kerry Buck, ancienne ambassadrice du Canada auprès de l'OTAN, estime que l'invasion russe a poussé l'alliance à se renforcer. Les pays européens «ont commencé à prendre beaucoup plus au sérieux leur défense», a-t-elle déclaré.

«Si les États-Unis commencent à réduire leur présence, je ne vois pas l'OTAN s'effondrer immédiatement.»

Mercredi, des journalistes à Bruxelles ont demandé à la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, si elle craignait qu'une future administration Trump signifie la fin de l'aide américaine à l'Ukraine. «Je suis convaincue que les États-Unis trouveront un moyen de continuer à soutenir l'Ukraine», a-t-elle déclaré.

Dix-huit alliés devraient atteindre ou dépasser l’objectif convenu de consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense cette année, dont 20 % de ce financement pour de nouveaux équipements majeurs.

Ce résultat a été salué comme une nouvelle positive par le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, mais les données montrent également que le Canada est toujours à la traîne, ne consacrant que 1,33 % de son PIB à la défense.

«C'est une mauvaise image publique», a déclaré Anessa Kimball, professeure de sciences politiques et de relations internationales à l'Université Laval.

Même si le Canada n’est pas seul derrière, il a encore plus de chemin à parcourir que n’importe quel autre allié. Pour combler cet écart, il lui faudrait dépenser environ 18 milliards $ de plus par année.

Le ministre de la Défense, Bill Blair, a déclaré le mois dernier lors d'une conférence nationale sur la défense et la sécurité que le pays «doit dépenser davantage et va le faire». Par contre, on a demandé à son ministère de réaliser des économies d'un milliard de dollars au cours de chacune des trois prochaines années.

Lors du dernier sommet des dirigeants des pays membres de l'OTAN, en Lituanie en juillet dernier, le premier ministre Justin Trudeau a insisté sur le fait que les alliés ne faisaient pas pression sur lui pour qu'il verse plus d'argent.

Mais selon la professeure Kimball, il devenait clair que les autres membres voulaient voir un plan sur la manière dont le Canada y parviendrait. Elle estime que ce 75e anniversaire en fournit une belle occasion et que le Canada pourrait demander à l'OTAN de moderniser les termes de son accord de dépenses militaires.

Miser sur l'Arctique

Par exemple, le Canada a beaucoup de travail à faire pour mettre en place dans le Grand Nord des infrastructures essentielles – routes, aéroports, carburant et internet. Ce type de dépenses ne serait pas considéré comme une «dépense de défense et de sécurité» aux fins de l'OTAN, mais Mme Kimball croit que le Canada pourrait plaider la chose.

«D'autres pays réussissent mieux à inclure ces éléments dans leurs dépenses militaires parce qu'ils l'ont fait par voie législative», a-t-elle précisé, en citant le cas de la Belgique, qui a désigné les chemins de fer comme une «infrastructure critique» pour la sécurité nationale et la défense du pays.

M. Bruen pense de son côté que le Canada devra fournir plus d’argent, avec ou sans Donald Trump. «Je ne pense pas que le Canada puisse faire cela à moindre coût.»

Pour obtenir l'adhésion des Canadiens, le Canada pourrait être un leader dans les priorités émergentes de l'OTAN, suggère la professeure Kimball. «L'OTAN qui s'attaque au changement climatique et s'intéresse à l'Arctique, par exemple, ça rend l'OTAN plus pertinente pour la défense et la sécurité du Canada», a-t-elle déclaré.

Tous les pays entourant l'Arctique, à l'exception de la Russie, en sont désormais membres – la Suède et la Finlande ayant rejoint l'OTAN au cours des deux dernières années.

Mme Buck soutient que cela donne à l'OTAN une raison de s'intéresser stratégiquement à une région que l'alliance a évitée dans le passé et sur laquelle le Canada se concentre déjà.

«Nous devrions utiliser des organismes multilatéraux comme l'OTAN pour collaborer davantage avec les autres pays de l'Arctique et garantir que nous disposons d'une meilleure préparation militaire, d'une meilleure présence militaire et d'une meilleure présence civile», a-t-elle déclaré.

«Pour nous assurer que notre Arctique reste notre Arctique.»

— Avec des informations de l'Associated Press.

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne