La Caisse participe à «l’économie du génocide», dénonce un rapport de l’ONU


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est visée par un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui accuse le bas de laine des Québécois de participer à «l’économie du génocide» à Gaza.
La Caisse a investi 9,6 milliards $ dans des entreprises qui profiteraient du conflit israélo-palestinien pour s’enrichir, allègue la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de la personne dans les territoires palestiniens, Francesca Albanese, dans son rapport intitulé «De l’économie d’occupation à l’économie de génocide», dévoilé jeudi.
Mme Albanese accuse 48 d'entreprises de profiter financièrement du conflit, en fournissant du matériel militaire ou en achetant des obligations du gouvernement israélien.
«On doit arrêter tout ça, a plaidé en français Mme Albanese, en conférence de presse diffusée en ligne. Les profits que ces compagnies sont en train de faire sont la mesure de leur implication dans ce génocide. C'est une économie qui soutient Israël. Au lieu de la sanctionner, on est en train de la soutenir.»
Elle recommande un embargo sur la vente d’armes à Israël. «Il est temps que les entreprises coupent les liens avec Israël, a ajouté Mme Albanese dans une autre réponse en anglais. Le fait de s'engager dans quelque chose qui génère des gains économiques et des profits est problématique.»
Dans le rapport, la Caisse est visée plus spécifiquement, car ses investissements dans trois entreprises ciblées ont augmenté de 2023 à 2024. Le rapport dénonce que l’institution détient des actions de ces entreprises, «malgré sa politique d’investissement responsable et des droits de la personne».
Le rapport cite l’exemple de l’investissement dans Lockheed Martin, qui a triplé de 2023 à 2024. Le rapport accuse la société américaine de profiter de la vente de ses avions militaires à Israël.
«Après le mois d’octobre 2023, les F-35 et les F-16 ont joué un rôle essentiel pour doter Israël d'une puissance aérienne sans précédent, lui permettant de larguer environ 85 000 tonnes de bombes, dont la plupart non guidées, tuant et blessant plus de 179 411 Palestiniens et ravageant Gaza.»
Lockheed Martin affirme qu’elle est «fier du rôle central qu’elle a joué pour assurer la sécurité de l’État d’Israël», sur son site web.
Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction immédiate de CDPQ.
En mai, le président et chef de la direction, Charles Emond, a dit en commission parlementaire que la situation n’était pas «blanc ou noir» lorsqu’on investissait dans le secteur de la défense.
Il a aussi mentionné que certains investissements de la Caisse n’étaient pas liés à une décision d’investir directement dans l’entreprise, mais qu’ils étaient plutôt détenus de manière passive, en reproduisant un indice boursier.
«Dans le cas de Lockheed Martin, on pourrait amener le point également que c'est la même entreprise qui fabrique des équipements qui sont fournis par d'autres gouvernements, américain ou autres, au niveau de l'OTAN, pour défendre l'Ukraine, notamment», a indiqué le patron de la Caisse.
La Caisse ne doit pas «regarder ailleurs»
Le rapport est «très important», car il illustre comment le système économique a tiré profit de l’intervention militaire israélienne, a souligné le porte-parole de la Coalition du Québec urgence Palestine, Raymond Legault, en entrevue.
Il demande à la Caisse de se départir de ses investissements dans des entreprises qui tirent des profits de «cette situation génocidaire».
«On ne peut pas regarder ailleurs et dire que, finalement, nos investissements dans ces compagnies-là n'ont aucun rapport avec les crimes qui sont en train d'être commis», a déploré M. Legault.
L’exposition de la Caisse serait encore plus grande que les 9,6 milliards $ identifiés dans le rapport de l’ONU, a avancé M. Legault. La rapporteuse a, elle-même, reconnu que la liste des entreprises visées n’était pas exhaustive.
La Coalition du Québec urgence Palestine estime que la Caisse a investi près de 27,4 milliards $ dans des entreprises qui tirent profit des actions militaires d’Israël.
Au moment où l’augmentation des dépenses militaires est une priorité du gouvernement Carney, M. Legault s’inquiète de voir des entreprises du secteur de la défense, qui brassent des affaires avec le gouvernement israélien, en profiter.
«Il n’y a aucune indication de la part de nos gouvernements, ni du gouvernement canadien ni le gouvernement québécois, d'une volonté réelle de se dissocier de leur appui indéfectible à Israël jusqu'à maintenant.»
Stéphane Rolland, La Presse Canadienne