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La Clinique juridique vient à la rescousse des justiciables par téléphone

durée 19h00
21 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Dans un bureau du Vieux-Montréal, les téléphones sonnent à tout va et une foule exclusivement jeune s’affaire à répondre dans chaque pièce disponible. Ce bureau aux allures de centre d’appels non délocalisé, c’est celui du Centre d’accès à l’information juridique. Sa jeune faune ne constitue pas ses occupants habituels: c'est la cinquantaine de bénévoles de la 42e Clinique juridique organisée par le Jeune Barreau de Montréal qui s'est déroulée samedi et dimanche.

Avocats, notaires, parajuristes, tous sont en exercice depuis moins de 10 ans et tous ont choisi de donner un peu de leur temps pour répondre aux questions des Québécois sur tous les problèmes juridiques qu’ils peuvent rencontrer. 

Casque téléphonique sur la tête, écran de répartition sous les yeux, la parajuriste Émilie Dumontet fait partie de ces premiers répondants bisannuels qui réceptionnent les appels et répartissent les coups de fil entre les différents bénévoles selon leur spécialisation. Ce samedi, elle n’a que peu de temps pour parler, car malgré le fait que l'atelier ne soit ouvert que depuis une heure, les appels sont déjà nombreux. «C'est une grosse matinée, glisse-t-elle avec sourire. On a un nouvel appel toutes les minutes.» 

Le rythme est soutenu, mais qu’importe, c’est pour la bonne cause. Elle trouve que c’est une «belle façon d’offrir aux citoyens des conseils juridiques gratuits et accessibles». Car, rappelle-t-elle, l’accès à la justice n’est pas simple pour tous. «Ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de s’offrir les frais d’un avocat, notamment les frais d’avocat reliés au conseil juridique.» 

La clinique lui offre aussi un petit bonus non négligeable: la visibilité de sa profession. «C’est un peu méconnu», reconnaît la jeune femme dont le rôle est d’aider les avocats et notaires, de leur servir de bras droit, pour ainsi dire. En tant que parajuriste, elle ne peut offrir de conseil juridique, mais la clinique lui donne l’occasion d’être en contact direct avec le public, ce qui n’est pas le cas en temps normal, et de faire connaître sa profession. «Et ça me donne l’occasion de pouvoir aider les gens, ajoute Mme Dumontet. Ça me donne un sentiment d’accomplissement que je trouve vraiment intéressant et qu’on n'a pas souvent en tant que parajuriste.»  

Le privilège du contact et de la collégialité 

Nouvel appel, la jeune femme répond et transfère la personne à Andrée-Anne Dion, dans la pièce d’à côté. Elle ne paie pas de mine avec sa tenue décontractée du week-end, mais elle a une spécialité qui impressionne. La bénévole, qui en est déjà à sa douzième participation à l'atelier, est spécialisée en droit criminel. «C’est plaisant si on peut aider, minimalement, les gens, répondre à leurs questions, leur expliquer un peu comment le système fonctionne.» Il faut dire que le système de justice n'est pas facile à comprendre pour tout le monde, note l’avocate. 

Elle traite principalement des cas de personnes qui ont été arrêtées récemment ou ont reçu une date de comparution en cours, mais ne savent vraiment à quelle sauce ils vont être mangés. «Ils sont pris au dépourvu, explique-t-elle. Ça prend 15 minutes, mais ils ressortent (de cette conversation téléphonique) avec beaucoup plus d’informations, ils sont un petit peu plus confiants dans la situation dans laquelle ils sont.» Et d’ajouter : «Dès que j'ai fait ça la première fois, j'ai trouvé ça gratifiant.» 

C'est, semble-t-il, le moteur ici. Joey Suri en sait quelque chose. Lui qui travaille dans le droit des affaires, parler avec le grand public, c’est un privilège auquel il n’a droit presque qu’à la Clinique juridique. 

«C'est un de mes événements préférés en matière d'accessibilité à la justice. C'est pour ça que je reviens année après année», explique celui qui participe depuis cinq ans maintenant. «Dans ma vie de tous les jours, je parle beaucoup à des corporations, à de grandes entreprises et j'ai rarement la chance de parler à Monsieur et Madame tout le monde, à des justiciables qui en ont réellement le plus besoin.» 

Ce à quoi Mme Dion ajoute que l’aspect camaraderie qu’amène la Clinique juridique est aussi intéressant.  

Ousmane Diagne, bénévole pour la deuxième fois, est particulièrement heureux de pouvoir échanger ici avec d’autres jeunes avocats. Ce spécialiste du droit privé et des litiges commerciaux a été admis au barreau de Montréal en 2022, tandis que les avocats qu’il côtoie au quotidien dans le cabinet où il travaille ont déjà une assez longue carrière derrière eux. Se sentir légitime en tout début de carrière n’est pas toujours facile, c’est pourquoi il apprécie tant cette parenthèse qui lui permet de «faire partie d’une communauté avec d’autres jeunes avocats qui ont les mêmes questions et qui comprennent la situation où l’on est entre un professionnel et un étudiant qui essaie d'apprendre comment bien faire son travail.» 

La collégialité de ce contexte exceptionnel permet aussi à ces jeunes avocats d’échanger avec des professionnels d’une vingtaine de spécialités différentes qui vont, chacun, compléter les connaissances des autres. 

Et la formule semble être efficace puisqu’à chaque édition, la Clinque juridique reçoit des milliers d’appels sur tout le week-end. Cette année, ce sont 1200 appels qui ont été reçus, moins que certaines années, mais Andrée-Anne Dion et Joey Suri ont pu constater au fil des années que le beau temps ou la tenue d’autres événements durant le week-end peuvent vite se faire ressentir sur le nombre d’appels. 

Quelques sujets chauds reviennent d’année en année, comme les questions de successions et de testaments, celles sur l’immigration, ou encore sur les litiges divers. Pour cette 42e, le droit de la famille était très couru samedi, tandis que le lendemain, ce sont les questions sur le logement qui ont été les plus récurrentes. 

Caroline Chatelard, La Presse Canadienne