La Colombie-Britannique stigmatise les consommateurs de drogue, selon une commission

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Par La Presse Canadienne, 2025
VANCOUVER — La Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique a critiqué la province pour la stigmatisation des personnes consommant des drogues, qualifiant de violation de leurs droits fondamentaux le fait de considérer leurs problèmes de santé comme des «fautes morales».
Dans une déclaration publiée jeudi par son bureau, Kasari Govender a affirmé que l'accent mis récemment par la Colombie-Britannique sur les traitements involontaires et les «réponses du système de justice pénale» à la crise des drogues toxiques est largement motivé par la stigmatisation.
Mme Govender a déclaré en entrevue que la province devrait se recentrer sur l'expansion des programmes d'approvisionnement plus sécuritaire et de réduction des méfaits, compte tenu des données probantes présentées par des professionnels de la santé, notamment la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique et ancienne coroner en chef, Lisa Lapointe.
«Je tiens vraiment à m'assurer que ces décisions ne sont pas motivées par des considérations de popularité politique», a ajouté Mme Govender. La Colombie-Britannique a pris un récent virage qui favorise l'administration de traitements involontaires, comme l'hospitalisation d'une personne ou le recours au soin psychiatrique.
Le premier ministre David Eby a promis en septembre l'ajout d'établissements de soins involontaires, alors que les municipalités faisaient pression pour de telles expansions.
«Bien sûr, les gouvernements fondent leurs décisions sur l'opinion publique, et c'est extrêmement précieux (…) dans le système démocratique, a-t-elle précisé. (Mais) nous vivons aussi dans une démocratie constitutionnelle où il ne s’agit pas seulement de la règle de la majorité. Nous avons également des protections en place qui garantissent nos droits fondamentaux.»
En février, Mme Lapointe s’est dite déçue par la refonte du programme provincial d’approvisionnement sécurisé, affirmant que le passage à un modèle «sous surveillance», où les personnes sont supervisées pendant la prise de leurs médicaments d’ordonnance et ne sont pas autorisées à les emporter chez elles, semble ignorer les données scientifiques.
Plus de 16 000 personnes sont décédées des suites d’une intoxication aux drogues depuis que la province a déclaré l’état d’urgence sanitaire en 2016.
Le service des coroners de la Colombie-Britannique indique que 158 personnes sont décédées d’une surdose de drogue illicite en septembre, soit une baisse de près de 20 % par rapport au même mois de l’année précédente. Cette tendance à la baisse se traduit par une diminution de 31 % du taux de mortalité annuel depuis le sommet de 2589 décès atteint en 2023.
Selon la Dre Govender, l’intoxication aux drogues non réglementées demeure la principale cause de décès chez les Britanno-Colombiens âgés de 19 à 59 ans, avec un taux de mortalité d’environ 5,3 par jour en septembre.
Elle a expliqué qu’une grande partie du problème réside dans la stigmatisation de la consommation de drogues, qui influence les politiques publiques.
«Considérer les personnes qui consomment des drogues comme si leurs problèmes de santé étaient des fautes morales constitue une violation de leurs droits fondamentaux», a-t-elle déclaré.
La Dre Govender a établi un parallèle entre la gestion de la crise des opioïdes et celle de la pandémie de COVID-19. «Comme nous l'avons constaté lors de la pandémie de COVID-19, tout autre problème de santé entraînant un nombre massif de décès serait traité avec la plus grande urgence, a-t-elle déclaré. Pourtant, la crise des drogues toxiques continue de tuer de nombreuses personnes dans la province chaque jour depuis plus d'une décennie, sans répit notable.»
«Lorsque les politiques publiques relatives à la consommation de substances et au traitement des personnes toxicomanes reposent sur la stigmatisation et la morale plutôt que sur des données probantes et le respect de la dignité humaine fondamentale, il en résulte des politiques néfastes.»
Mme Govender a précisé qu'elle ne suggérait pas que les soins involontaires ne devraient jamais être utilisés pour traiter les personnes atteintes de maladie mentale, mais qu'elle ne croyait pas que ce soit efficace pour celles qui ont uniquement des problèmes de toxicomanie.
Elle a ajouté que son soutien aux politiques d'approvisionnement plus sûr n'avait pas pour but de discréditer les préoccupations des communautés en matière de sécurité publique, que certains ont liées aux politiques de décriminalisation des drogues.
«Nous voulons tous être plus en sécurité, a déclaré Mme Govender. Et quel meilleur moyen d'y parvenir que de se baser sur des données probantes ?» Le communiqué du bureau de Mme Govender indique que la province devrait privilégier un approvisionnement plus sûr et la réduction des méfaits, faisant valoir que ces mesures réduisent les décès et les blessures graves, même si elles «pourraient ne pas être politiquement populaires».
«Tout comme pour l'alcool dans les années 1910, la crise des drogues toxiques survient dans un contexte de prohibition. Ce modèle démontre clairement que la crise n’est pas due à des politiques d’approvisionnement plus sûres, mais plutôt à l’illégalité des drogues», indique la déclaration de position.
«Une approche empreinte de compassion exige de privilégier les données scientifiques à l’idéologie politique et de tout mettre en œuvre pour sauver des vies.»
Chuck Chiang, La Presse Canadienne