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La Cour supérieure autorise une action collective contre la Fonderie Horne et Québec

durée 16h41
1 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — La Fonderie Horne, de Rouyn-Noranda, et le gouvernement du Québec devront se défendre en Cour supérieure contre les citoyens qui disent avoir subi des dommages de toutes sortes causés par les rejets de contaminants de l’entreprise.

Dans une décision de 50 pages rendue mardi et dévoilée mercredi, le juge Daniel Dumais, de la Cour supérieure, a en effet autorisé l’exercice d’une action collective telle que demandée par deux représentants des éventuels plaignants, Julie Fortier et Miguel Charlebois.

Le magistrat n’accorde aux défendeurs, la fonderie et le gouvernement, qu’une seule concession, soit de reconnaître que la durée de la période de prescription de trois ans ne peut étendre les dommages subis depuis 1991, mais bien depuis 2020, la demande ayant été présentée en 2023.

Limite de prescription

«L'argument de prescription n'est pas banal puisque l'enjeu de l'action collective sera nettement plus grand si le dossier remonte jusqu'à 1991 plutôt qu'octobre 2020, écrit le magistrat. On inclura alors, sous réserve du prochain argument, tous ceux qui ont résidé à 10 kilomètres, ou moins, de la Fonderie depuis plus de trente ans. Ces derniers pourront potentiellement obtenir des compensations monétaires, calculées par mois d'occupation, pouvant totaliser des milliards de dollars.»

Le juge souligne que les demandeurs plaident n’avoir appris qu’en 2022, à la suite d’un rapport de l’Institut national de santé publique (INSPQ), l’ampleur des risques concrets de cancer auxquels ils étaient exposés depuis longtemps. «Si aucune connaissance suffisante de préjudice n'existait pour qu'une cause d'action prenne naissance, le Tribunal voit mal comment on peut se plaindre rétroactivement d'avoir subi des dommages moraux de nature de ceux ici réclamés», fait valoir le juge Dumais.

Cependant, le juge rappelle que la Cour suprême a clairement établi ce qui constitue un trouble du voisinage impliquant une entreprise. Dans le cas de la fonderie, écrit-il, «contaminer la propriété de son voisin et porter atteinte à sa santé peut constituer un tel inconvénient anormal de voisinage surtout si on ne respecte pas les normes de l'environnement».

Des rapports clairs

Il souligne que la prétention des demandeurs, à l’effet que «la Fonderie a émis et émet encore des quantités de contaminants toxiques et/ou cancérigènes qui vont bien au-delà de ce que permet la loi et les attestations d'assainissement» repose sur des rapports qui indiquent clairement que les concentrations d'arsenic et de cadmium dans l'air de Rouyn-Noranda excèdent les limites.

Selon lui, «les allégations justifient d'aller au fond des choses et n'apparaissent certes pas dénuées de toute valeur juridique. La preuve alléguée de contamination et de dépassement des normes est abondante. Le Tribunal ne voit pas comment il pourrait la qualifier d'insuffisante à ce stade-ci.»

Alors que «Glencore minimise grandement les risques et les dommages allégués», le juge Dumais cite en contrepoids le rapport de l’INSPQ qui indique que «les risques de cancer du poumon associés aux expositions actuelles et passées aux concentrations d'arsenic et de cadmium présentent dans l'air ambiant, sont inacceptables selon les balises généralement suivies en santé publique».

La multinationale Glencore est propriétaire de la Fonderie Horne.

La tolérance de Québec pointée du doigt

Quant au gouvernement du Québec et ses diverses instances, notamment les ministères de l’Environnement et de la Santé, le juge note que les demandeurs dénoncent «l'insuffisance des actions gouvernementales et ministérielles depuis 1979 et des autorisations d'assainissement délivrées à compter de 2007».

Les normes du ministère sont fixées à 3 ng/m3 pour l'arsenic, notamment, et les demandeurs estiment que le ministère de l’Environnement ne peut y déroger. Pourtant, ces normes ne sont pas respectées par la Fonderie. Ainsi, «on aurait toléré et tolère encore, des dépassements fréquents. (…) Il s'agit là d'une faute qui constitue une atteinte illicite aux droits fondamentaux des membres de vivre dans un environnement sain qui respecte leurs sûreté, intégrité et droit à la jouissance et à la libre disposition de leurs biens», écrit le juge en résumant la position des demandeurs face au gouvernement.

Informations cachées

Il rappelle au passage que «le Directeur national de la santé publique, Dr (Horacio) Arruda aurait caché des informations qu'on aurait retirées du rapport de biosurveillance de 2019». Les prétentions des demandeurs à l’effet que le gouvernement aurait, entre autres, «sciemment toléré et autorisé l'exposition des membres à un cocktail de contaminants toxiques et/ou cancérigènes et n'aurait rien fait pour aviser les membres malgré sa connaissance de données alarmantes» justifient un débat juridique.

«Si ces reproches sont démontrés, s'agit-il de fautes illicites et intentionnelles?», se demande le magistrat. Il ajoute que si le Dr Arruda a caché des informations importantes en lien avec des risques de cancer, cette prétention, vraie ou fausse, «n'est ni vague ni imprécise. Elle pourrait difficilement être considérée un acte de bonne foi protégé par l'immunité.»

Les demandeurs sont divisés en deux sous-groupes, le premier étant composé des personnes qui résident ou ont résidé à Rouyn-Noranda à moins de 10 km de la Fonderie Horne depuis le 23 octobre 2020 «et qui ont subi ou subissent toujours de la crainte, de l'anxiété, du stress, de la colère, de la culpabilité ou tout autre dommage similaire en raison des émissions de contaminants toxiques et/ou cancérigènes de la Fonderie Horne».

Le second regroupe celles aussi qui habitent ou ont habité dans le même rayon à la même période «et qui ont subi ou subissent toujours une perte financière et/ou des troubles et inconvénients en raison des émissions de contaminants toxiques et/ou cancérigènes de la Fonderie Horne», le terme perte financière faisant ici référence, notamment, à l’entretien de la propriété, aux mesures de protection contre l’exposition aux contaminants, des frais de relocalisation ou une perte de valeur de leur propriété.

Les dommages réclamés peuvent atteindre, dans le premier groupe, jusqu’à 315 000 $ et jusqu’à 218 000 $ dans le second, selon le nombre de mois de résidence à l’intérieur de ce rayon de 10 km.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne