La jeunesse autochtone veut lancer un mouvement de protestation contre C-5


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — De jeunes cadres au sein des Premières Nations lancent une mise en garde aux Canadiens: ils comptent lancer un vaste mouvement de protestation au cours de l'été si les gouvernements tentent de lancer trop rapidement de vastes projets d'infrastructure au pays
«Vous nous verrez dans vos villes, au cœur de vos centres-villes», prévient Ramon Kataquapit, un jeune conseiller des Chefs de l'Ontario et de la nation Nishnawbe Aski.
Le projet de loi C-5, adopté vendredi par une grande majorité de la Chambre des communes, donne au cabinet fédéral le pouvoir d'approuver rapidement de grands projets industriels (mines, ports, pipelines).
En Ontario, le gouvernement de Doug Ford a fait adopter des lois afin de pouvoir désigner des «zones économiques spéciales» dans lesquelles le cabinet pourrait exempter des entreprises ou des projets des réglementations provinciales et municipales.
M. Kataquapit souligne que des jeunes membres des Premières Nations vont lancer un mouvement afin de protéger leur culture et leur territoire contre les empiétements des gouvernements.
Il compare les lois fédérales et ontariennes à une grosse roche tombant d'une montagne.
«On ignore l'ampleur du mouvement. Cela pourrait se transformer en glissement de terrain ou en une forte avalanche. Cela pourrait devenir plus gros. Un grand nombre de nos gens — et beaucoup de jeunes — pourraient s'impliquer. Nous sommes en train de le constater.»
Terra Roy, une conseillère jeunesse auprès des Chefs de l'Ontario, croit que les jeunes membres des Premières Nations ne doivent pas se contenter de protester. Ils doivent aussi s'engager au sein de leur communauté et en apprendre plus sur les traditions. Pour eux, cela serait un acte de résistance.
«Il y a des jeunes à Attawapiskat qui reprennent possession des rivières. Je suis heureuse de les voir revenir chez eux et continuer à occuper le territoire.
Mme Roy est aussi une agente de liaison entre la Première Nation Beausoleil et le secteur privé.
Elle reproche aux gouvernements fédéral et ontarien de rendre son travail presque futile.
«Je me demande bien pourquoi on m'a engagée si les gouvernements vont faire fi de tout ce que je dis. Je tente de créer quelque chose afin que ma communauté puisse avoir un plus grand mot à dire sur le secteur défini par le traité. Et les gouvernements semblent s'en ficher. Je suis fâchée, frustrée, agacée et peinée.»
Hanna Sewell, une infirmière membre de la Première Nation Batchewana, près de Sault Ste. Marie, en Ontario, souhaite aussi que les jeunes portent le flambeau, car ce sont eux qui devront vivre avec les répercussions d'un développement accéléré.
«Si la terre souffre, nous souffrons tous en même temps, lance-t-elle. Nous ne voulons pas de ces lois. Nous sommes les prochaines générations qui devront gouverner ces territoires et les sauver.»
Pierre Debassige, un jeune conseiller de la Première Nation Anishinabek Nation, mentionne que ce ne sont pas seulement les Premières Nations qui devront subir les conséquences de l'imposition de projets d'infrastructure.»
«Si l'on commence à lancer des projets de développement dans le Cercle de feu du nord de l'Ontario, cela affectera tous les lacs, toutes les rivières qui viennent se jeter dans les Grands Lacs. Si l'on contamine ces cours d'eau, cela n'affectera pas seulement nos communautés, mais tout le sud de l'Ontario.»
Selon lui, c'est au tour de sa génération de porter le combat.
«Si nous restons unis, nous vaincrons. Si nous sommes divisés, nous tomberons les uns après les autres. Je me demande ce que mes arrière-arrière-arrière-arrière-petits-enfants feront. Peut-être, ils verront tout ce que j'ai réalisé moi-même et je me suis battu pour tout ça.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne