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La Nation métisse de l'Ontario dit qu'un sommet vise à effacer son histoire

durée 09h25
13 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Les membres de la Nation métisse de l'Ontario affirment qu'un sommet universitaire qui se tient dans la province constitue une atteinte à leur histoire, car il remet en question la légitimité de leur lien avec le patrimoine métis et leurs revendications territoriales.

Les organisateurs des Premières Nations, quant à eux, expliquent que cet événement vise à protéger leurs territoires contre ce qu'ils considèrent comme une violation de leurs droits.

L'événement, qui se déroulera samedi et dimanche à Sault Ste. Marie, est organisé par Robinson Huron Waawiindamaagewin, une organisation créée par les 21 Premières Nations signataires du Traité Robinson-Huron.

Ce sommet, intitulé «(Dé)construction des revendications métisses en Ontario», affiche complet. Il donnera la parole à des universitaires qui ont étudié les revendications de la Nation métisse de l'Ontario et qui remettent en question les six nouvelles communautés reconnues par la province en 2017.

Sam Manitowabi, analyste principal des politiques chez Robinson Huron Waawiindamaagewin, a déclaré à La Presse Canadienne que ce sommet peut contribuer à faire entendre la voix des Premières Nations.

Les Premières Nations de la région affirment que les communautés représentées par la Nation métisse de l'Ontario sont illégitimes et empiètent sur leurs territoires.

«Les aînés de nos communautés possèdent une histoire orale, ce sont eux les historiens», a soutenu M. Manitowabi. Et s'il y avait des communautés métisses sur notre territoire, il y aurait des récits à leur sujet. Il y aurait des archives écrites et des témoignages oraux sur ces communautés. Mais il n'y en a pas.»

Ce sommet est le dernier épisode d'un conflit qui a atteint son paroxysme en 2023, lorsque le gouvernement fédéral a tenté d'adopter une loi reconnaissant le droit à l'autonomie gouvernementale de la Nation métisse de l'Ontario.

Cette loi n'a finalement pas été adoptée en raison de la vive opposition des Premières Nations et d'autres groupes métis provinciaux qui ont retiré leur soutien au projet de loi.

Désormais, les Premières Nations craignent que les gouvernements fédéral et provincial ne consultent la Nation métisse de l'Ontario sur des projets d'envergure d'une manière qu'elles jugent injustifiée et susceptible de nuire à leurs propres efforts.

De nouvelles communautés contestées

La Nation métisse de l'Ontario, représentant les Métis de la province, a été fondée en 1993 afin de donner une voix politique à un peuple souvent qualifié d'«oublié» comparativement aux Premières Nations et aux Inuits ayant signé des traités avec la Couronne établissant une relation distincte et la reconnaissance de leurs droits.

Elle a joué un rôle déterminant dans l'obtention de la première décision de la Cour suprême du Canada affirmant les droits des Métis. Cette affaire historique, l'arrêt Powley, a établi un cadre pour identifier une personne ou une communauté métisse, le test Powley, et a reconnu une communauté métisse à Sault Ste. Marie et dans ses environs, en Ontario.

Bien que les dirigeants des Premières Nations aient soutenu la Nation métisse de l'Ontario tout au long de cette lutte qui a duré une décennie, les relations se sont détériorées après la reconnaissance par la province de six nouvelles communautés de la Nation métisse de l'Ontario en 2017.

Ces nouvelles communautés s'étendent jusqu'à la frontière du Québec et ont modifié les contours de ce qui était considéré comme le territoire ancestral des Métis, ainsi que les normes établies par d'autres groupes métis provinciaux qui ont rompu leurs liens avec le groupe ontarien et qui remettent maintenant en question les décisions ayant mené à la reconnaissance de ces communautés.

La Nation métisse de l'Ontario s'est toujours défendue contre ses détracteurs et rejette les recherches menées par des universitaires des Premières Nations qui nient l'existence de ces communautés métisses, les qualifiant de politiquement motivées.

«La tenue de cette conférence dans ma ville natale est une attaque personnelle contre ma famille, ma communauté métisse et nos citoyens», a déclaré Kim Powley, fille de Steve Powley, qui a porté sa cause relative aux droits de chasse devant la Cour suprême et qui a obtenu gain de cause.

«Notre existence n'est pas un sujet d'opinion ou de débat politique.»

Le chef régional de la Nation Anishinabek, Scott McLeod, n'est pas de cet avis.

«La vérité doit éclater», a soutenu M. McLeod, ancien chef de la Première Nation de Nipissing, signataire du Traité Robinson-Huron. «La Nation métisse de l'Ontario n'existe que grâce à la reconnaissance provinciale et fédérale qu'elle a obtenue, une reconnaissance accordée sans aucune vérification préalable des faits présentés comme historiques.»

Des études soulèvent des doutes

Les Premières Nations s'appuient sur un nombre croissant d'études qu'elles ont commandées et qui remettent en question l'existence de communautés métisses historiques sur leurs territoires.

En juillet, Leila Inksetter, professeure d'histoire à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), a publié un rapport rédigé pour le compte du Conseil tribal Wabun, qui a conclu qu'il n'existe aucune preuve de l'existence d'une communauté d'ascendance mixte sur le territoire du Conseil tribal Wabun, dans le nord-est de l'Ontario.

Un autre rapport, publié cette année et commandé par la Nation Saugeen Ojibway, conclut lui aussi qu'il n'existe aucune preuve de l'existence d'une communauté métisse distincte sur son territoire, dans le sud-ouest de l'Ontario.

«Il n'y avait pas de Métis dans notre région, mais il y avait beaucoup de personnes qualifiées de "sang-mêlé" ou de "métisses", et certaines d'entre elles ont été séparées de notre communauté par la législation, la Loi sur les Indiens», a indiqué M. McLeod.

«Et quand cela arrivait, à l'époque, bien souvent, ils étaient mis au ban de la communauté, pour n'être réintégrés que des années plus tard, lorsque la législation a changé et que nous avons commencé à nous défendre et à revendiquer notre citoyenneté.»

Mitch Case, conseiller régional de la communauté métisse régionale de Huron-Superior et cosecrétaire provincial aux droits, aux relations intergouvernementales et aux communications, a déclaré que cet argument revient à réécrire l'histoire.

«C'est décevant et révoltant», a lancé M. Case en entrevue.

«Que des gens consacrent leur temps, leur argent et leur énergie à attaquer sans relâche l'histoire de notre communauté, l'histoire de notre peuple, à aller en ligne et, franchement, à intimider et à harceler nombre de nos citoyens parce qu'ils n'apprécient pas la façon dont une personne s'identifie en fonction de son histoire familiale – de son histoire communautaire – a un impact considérable sur la santé mentale de beaucoup de nos citoyens.»

Il a affirmé que les Métis de la province sont prêts à dialoguer avec les Premières Nations pour résoudre leur conflit, mais qu'ils ont été éconduits par les mêmes personnes qui organisent la conférence de cette fin de semaine.

«S'ils se soucient tant de nous, pourquoi refusent-ils de nous rencontrer?», a demandé M. Case.

La conférence réunira près d'une vingtaine d'universitaires, de chefs et de membres de la communauté lors de panels portant sur l'histoire de la Nation métisse de l'Ontario, l'histoire de l'émancipation des femmes des Premières Nations et l'arrêt Powley.

Les organisateurs espèrent faire adopter une résolution à la fin de la conférence, dimanche, qui réaffirme leur opposition à la Nation métisse de l'Ontario, comme ils l'ont fait lors d'un sommet similaire tenu l'an dernier en partenariat avec la Fédération des Métis du Manitoba.

M. Manitowabi a indiqué que les citoyens et les dirigeants de la Nation métisse de l'Ontario sont les bienvenus. «Il s'agit de protéger notre identité et d'affirmer notre juridiction sur notre territoire issu de traités, a fait valoir M. Manitowabi. Nous faisons tout notre possible pour protéger nos droits inhérents.»

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne