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Le 30e anniversaire du référendum de 1995 vu par les chefs

durée 10h00
26 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

Il y a 30 ans, les Québécois choisissaient de rester dans le Canada pour une seconde fois. À l’aube d’un potentiel troisième référendum sur l’indépendance, La Presse Canadienne revient sur cet événement historique avec les chefs des principales formations politiques québécoises.

Pablo Rodriguez: «Le Canada nous appartient»

L’actuel chef libéral Pablo Rodriguez se rappelle bien de l'effervescence de 1995. Mais il se souvient aussi de la polarisation engendrée par le débat référendaire.

«Il n’y avait plus beaucoup de place pour la nuance, raconte-t-il. J'ai des amis aujourd'hui qu'on ne se parle plus. On ne s’est pas chicané. C’est juste qu’on se parle plus, parce que c’était tellement polarisant», raconte-t-il.

Alors âgé de 28 ans, Pablo Rodriguez n’était pas seulement un partisan de l’unité canadienne: «J’étais l’un des principaux porte-parole jeunes pour le Non.»

À l’époque, il faisait partie d’une petite équipe envoyée faire des discours et des débats dans les cégeps et les universités, que ce soit à Jonquière, à Saint-Hyacinthe, à Saint-Jérôme ou encore à Sherbrooke, entre autres.

Bien qu’il se souvienne avoir été «content» de voir le Non l’emporter le soir du 30 octobre, il réalise aussi que la société québécoise était «extrêmement divisée».

Rappelons que près de 94 % des Québécois ont voté lors du référendum de 1995 et que le résultat fut très serré: Non (50,58 %); Oui (49,42 %). Environ 54 000 votes séparent les deux options.

Le chef libéral indique également que la déclaration du premier ministre d’alors, Jacques Parizeau, attribuant la défaite du camp du Oui à «l’argent» et à «des votes ethniques», a «jeté une douche d'eau froide sur toute la salle».

Sans surprise, le chef libéral ne veut rien savoir du troisième référendum promis par le Parti québécois (PQ) qui caracole dans les sondages. «On l’a créé ce pays-là et on l’a influencé grandement. (...) Le Canada nous appartient également.»

Ruba Ghazal: Pour l’indépendance du Québec et de la Palestine

Ruba Ghazal est née deux mois en retard pour pouvoir voter en 1995. Elle avait alors 17 ans au moment du référendum, elle était donc une «observatrice» très attentive des événements de l’époque.

L’actuelle porte-parole solidaire n’était pas encore souverainiste à l’époque. Elle se rappelle toutefois qu’elle avait un «préjugé favorable» à l’indépendance et qu’elle était «fascinée» par ce mouvement.

«Il y avait plein de débats. Moi, j'ai assisté à ça. Je ne savais pas trop quoi penser de tout ça. J'étais en pleine construction de mon identité québécoise», relate-t-elle.

Originaire du Liban, Ruba Ghazal trace un parallèle entre l'indépendantisme québécois et le désir d’émancipation de son peuple, les Palestiniens.

«Je me rappelle qu’à ce moment-là, ça faisait écho, comme Palestinienne, au rêve d’avoir un pays», dit-elle.

Le soir du 30 octobre, elle est rivée sur son téléviseur avec ses parents. Bien que ces derniers soient plutôt indifférents à la défaite du Oui, la jeune Ruba Ghazal dit l’avoir «sentie comme un moment de tristesse».

Bien que Québec solidaire et le PQ ne s’entendent pas sur le chemin à emprunter, ils sont tous deux d’accord sur la destination.

«C'est sûr et certain que s'il y a un référendum demain matin, je vais voter Oui», assure Ruba Ghazal.

Paul St-Pierre Plamondon: «Pas d'autre option que la réussite»

En 1995, les Québécois ont vécu le deuxième tome de leur trilogie vers le pays, à en croire le chef péquiste Paul St-Pierre-Plamondon. Et s’il est élu premier ministre dans un an, il promet de conclure cette série avec un troisième et dernier référendum qu’il est convaincu de gagner.

«On a une responsabilité de gagner. On a le devoir de donner du sens à l'histoire de notre peuple. Il n'y a pas d'autre option que la réussite», lance M. St-Pierre-Plamondon.

Il a des souvenirs clairs du 30 octobre 1995. Paul St-Pierre-Plamondon vient d’avoir 18 ans et vote pour la première fois. Il suit la soirée chez des amis, avec un chandail des Patriotes. Et il a en mémoire les durs lendemains après la défaite du Oui.

«Il y avait comme une lourdeur, un silence retentissant», confie-t-il.

Craint-il qu’une victoire du Non ramène ce climat de lourdeur, de division – un argument souvent évoqué par les fédéralistes? Non, car il refuse d’évoquer l’option d’une défaite.

«J’ai jamais réfléchi en termes de quelles seront les conséquences d'un troisième référendum parce que pour moi, il y a une seule issue si le peuple québécois veut une pérennité linguistique, culturelle et un rayonnement international», soutient-il.

Si en 1995 le camp du Oui était uni, le chef péquiste entrevoit plutôt plusieurs campagnes parallèles la prochaine fois.

«Ça n'existe pas une société où les partis politiques se mettent d'accord sur tout. C'est un cauchemar si on essaie de faire ça et c'est un peu le piège de cette métaphore de l'autobus du Oui», explique-t-il.

Il insiste sur le fait que toute union devra se faire de façon «organique».

M. St-Pierre-Plamondon évite de divulguer davantage de détails pour l’instant, le parti étant à la veille de présenter des sections de son «livre bleu» sur l’indépendance.

Éric Duhaime: du souverainisme à l’autonomisme

Bien qu’il s’oppose aujourd’hui à une troisième démarche référendaire, le chef conservateur Éric Duhaime était, à l'époque, un fervent partisan du camp du Oui.

Alors âgé de 25 ans, il travaille pour le Bloc québécois à Ottawa qui forme l’opposition officielle.

Il œuvre au service de rétro-information. «On avait aménagé une salle avec plein de télés et de radios qu’on écoutait à la journée longue. Puis, on rapportait à Lucien Bouchard (le chef du Bloc québécois) dans l'autobus du Oui, tout ce qui se disait», explique-t-il.

L’objectif était de permettre au chef de réagir le plus rapidement possible.

Éric Duhaime dit être né dans un «milieu ultra-souverainiste». À 16 ans – donc avant même de pouvoir voter – il est président de l’association péquiste de son comté.

Il n’est pas profondément déçu de la défaite du camp du Oui le soir du 30 octobre 1995, voyant plutôt l’importante progression de l’option du Oui par rapport au premier référendum de 1980.

Éric Duhaime pense alors que le Québec pourra faire des gains au sein du Canada. «Il y avait une forme de naïveté. On pensait toujours qu'il y aurait une nouvelle entente Québec-Canada», affirme-t-il.

Il ne s’attendait toutefois pas à ce qu’il en résulte la Loi sur la clarté référendaire.

Aujourd’hui, Éric Duhaime est inquiet de la possibilité d’un troisième référendum alors qu’une majorité de Québécois disent vouloir voter pour le Non.

«J'ai l'impression qu'il y a des gens qui continuent à s’entêter à répéter un troisième échec, avec un troisième recul sur le pouvoir québécois», dit le chef conservateur.

Éric Duhaime se définit désormais comme un autonomiste «qui veut faire la souveraineté du Québec à l'intérieur du Canada» en s’inspirant de provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan.

François Legault: le chemin étroit de la troisième voie

Le premier ministre François Legault n’a pas souhaité participer à ce reportage.

L'actuel chef de la CAQ a voté Oui lors des deux référendums, indique un article de «La Presse» publié en septembre 1998.

François Legault s’est lancé en politique trois ans après le deuxième référendum avec le PQ de Lucien Bouchard. Il a occupé plusieurs postes de ministres durant son passage au gouvernement.

En 2009, il démissionne de son poste de député péquiste alors qu’il siège dans l’opposition. Deux ans plus tard, il fonde la CAQ, un parti qui se veut être une troisième voie entre le fédéralisme des libéraux et l'indépendantisme du PQ.

Aujourd’hui, François Legault ne se définit plus comme un souverainiste. Il refuse toutefois l’étiquette de fédéraliste, préférant celle de nationaliste.

Thomas Laberge et Vicky Fragasso-Marquis, La Presse Canadienne