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Le Canada a bloqué sans explication les demandes de visa de Gazaouis fuyant la guerre

durée 12h28
17 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Lorsque, il y a quelques semaines, Hana Marku, avocate spécialisée en droit de l'immigration, a ouvert son courriel et découvert la photo d'un nourrisson émacié dans la bande de Gaza, elle a déclaré s'être sentie impuissante.

L'enfant fait partie de la cinquantaine de Palestiniens que l'avocate torontoise représente. Elle a expliqué que chacun d'eux avait été empêché, sans explication, de soumettre une demande dans le cadre du programme de visa temporaire mis en place par le gouvernement canadien pour les aider à fuir la guerre entre Israël et le Hamas.

«C'est une petite fille, née l'année dernière, et elle est née dans cette guerre, a souligné Mme Marku. Un nourrisson dont je peux compter les os rien qu'en regardant une photo d'elle.»

L'avocate a expliqué que ses clients dans la bande de Gaza sont confrontés à la mort chaque jour. L'un d'eux a échappé de justesse à la mort alors qu'il rapportait de la farine chez lui après qu'une bombe est tombée à proximité, a-t-elle ajouté. Certains ont vu des proches écrasés par les décombres.

Cette situation l'a incitée à demander à la Cour fédérale de statuer que le ministère de l'Immigration a retardé de manière déraisonnable le traitement des demandes de ses clients et qu'il a agi injustement en omettant d'expliquer les raisons de ces retards. Elle souhaite également que la Cour fédérale ordonne au ministère de l'Immigration de rouvrir et d'examiner les demandes de ses clients.

Le gouvernement canadien a lancé le programme de visas temporaires en janvier 2024. Dans le cadre de ce processus, les membres de la famille résidant au Canada ont été invités à soumettre des documents, puis à attendre un code de référence leur permettant de finaliser leur demande.

Hana Marku a déclaré que, bien que tous ses clients aient déposé leur demande dans le mois suivant l'ouverture du programme, aucun n'a eu la possibilité de finaliser sa demande, car le fameux code n'est jamais arrivé. Le ministère de l'Immigration n'a jamais communiqué avec ses clients pour leur expliquer pourquoi ils n'avaient pas reçu de code ni pour leur expliquer l'état d'avancement de leur demande, précise-t-elle.

En mars dernier, plus d'un an après l'ouverture du programme, chacun de ses clients a reçu un courriel du gouvernement canadien indiquant que le programme avait atteint sa limite et était fermé. Le courriel ajoutait qu'aucun d'entre eux ne pourrait finaliser sa demande.

Selon Me Marku, le gouvernement n'a pas suivi les procédures établies pour le programme de visas.

«Les instructions, sur lesquelles les demandeurs se sont appuyés, précisaient que, tant que les formulaires en ligne seraient remplis, ils recevraient soit des codes, soit une explication détaillant pourquoi ils n'étaient pas admissibles», a-t-elle pointé.

Les proches forcés de prendre les choses en main

La Presse Canadienne s'est entretenue avec un membre de la famille de plusieurs clients de Me Marku et a accepté de ne pas le nommer, craignant que la révélation de son identité ne mette sa famille en danger dans la bande de Gaza.

Il a déclaré avoir soumis des demandes pour six membres de sa famille le 9 janvier 2024, mais qu'aucune n'avait été approuvées dans le cadre du programme.

«Nous avons suivi la procédure», a-t-il déclaré.

Il a ajouté que sa sœur et sa mère avaient ensuite été autorisées à entrer au Canada grâce à un programme de visa distinct, et qu'elles avaient depuis demandé le statut de réfugié.

Le proche a expliqué qu'il avait dû prendre les choses en main pour les faire sortir de Gaza, le Canada ne pouvant pas les évacuer. En avril 2024, il s'est envolé pour Le Caire, payant 15 000 $ US en espèces à des passeurs qui ont réussi à faire sortir deux de ses sœurs et sa mère par la frontière de Rafah, en Égypte, le 28 avril.

«Elles ont eu de la chance», a-t-il confié.

L'une de ses sœurs est toujours au Caire, a-t-il ajouté, car elle n'a pas pu obtenir l'autorisation de venir au Canada.

Une question de plafond

En août dernier, Hana Marku a déposé une lettre auprès de la Cour fédérale demandant une audience d'urgence pour résoudre le problème.

«Selon les règles de la Cour fédérale, il n'existe aucun mécanisme permettant d'obtenir une décision accélérée à ce stade. Cela n'existe tout simplement pas», a-t-elle dit, précisant que sa demande d'audience d'urgence ne visait pas à servir d'argument juridique, mais plutôt à plaider pour des raisons humanitaires.

La Cour a pris acte de la demande de l'avocate torontoise, mais elle a précisé qu'elle n'indiquait pas comment elle comptait procéder.

En août, le gouvernement canadien a publiquement approuvé une conclusion appuyée par l'Organisation des Nations unies (ONU) selon laquelle une famine sévit dans la bande de Gaza.

Dans une lettre obtenue par La Presse Canadienne, les avocats du ministère de l'Immigration ont écrit que, bien qu'ils reconnaissent la difficulté de la situation dans la bande de Gaza, l'affaire est finalement «inutile et sans objet».

«Le plafond réglementaire a déjà été atteint, ont-ils écrit à la Cour fédérale. L'obtention de codes uniques ne les aide pas dans leur situation à Gaza.»

Dans une déclaration, le ministère de l'Immigration a indiqué à La Presse Canadienne que sa politique l'obligeait uniquement à traiter les demandes soumises avant d'avoir atteint ce plafond. Le ministère a refusé de commenter le litige.

En date du 29 juillet, 880 Palestiniens étaient arrivés au Canada grâce au programme de visas, dont le nombre était limité à 5000, selon le ministère de l'Immigration du Canada. Plus de 1775 ont également quitté la bande de Gaza et ont vu leur demande approuvée dans le cadre du programme, mais ne sont pas encore arrivés au pays. Quelques 400 autres sont arrivés par le biais d'autres programmes d'immigration, a-t-il précisé.

Miriam Lafontaine, La Presse Canadienne