Le chef de la C.-B. prévient que des grands projets pourraient être ralentis


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le chef régional de la Colombie-Britannique a affirmé mercredi que les gouvernements ne devraient pas accélérer les grands projets au détriment des droits des Premières Nations. Il a averti que les projets seraient ralentis par des contestations judiciaires si les Premières Nations ne sont pas consultées dès le départ.
«Nous demandons au gouvernement de respecter ses propres lois», a expliqué Terry Teegee, citant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par le gouvernement fédéral.
Le gouvernement du premier ministre Mark Carney a présenté la semaine dernière un important projet de loi économique. Ce projet de loi comporte deux parties : l’une vise à éliminer les obstacles fédéraux au commerce intérieur et l’autre à accélérer les grands projets. Il établit cinq critères pour déterminer si un projet est dans l’«intérêt national».
Ces critères comprennent la probabilité de réussite du projet, sa capacité à renforcer la résilience du pays et à promouvoir les intérêts des peuples autochtones, et sa contribution à la croissance économique de manière respectueuse de l’environnement.
Mais les dirigeants des Premières Nations affirment que leurs intérêts n’ont pas été pris en compte lors de la rédaction du projet de loi et qu’ils n’ont eu qu’une semaine pour examiner et formuler des commentaires sur un document d’information concernant le projet de loi.
«Il faudra probablement beaucoup plus de temps pour obtenir l'approbation de certains de ces projets, car nous allons nous retrouver devant les tribunaux, a expliqué le chef Teegee. C'est là que nous nous retrouvons.»
La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations est du même avis.
«Ce n'est pas une question de projet de loi en soi. C'est une question de processus. Et je pense que faire adopter quelque chose à toute vapeur alors que vous devriez entendre les Canadiens, l'industrie, les Premières Nations (…) est la mauvaise voie à suivre», a expliqué Cindy Woodhouse Nepinak. «Vous ne voulez pas vous retrouver devant les tribunaux. Vous ne voulez pas de troubles civils. Pourquoi ne pas simplement nous inviter à la table des négociations ?»
Menaces de possibles manifestations et de blocus généralisés
Les dirigeants des Premières Nations ont averti que des manifestations et des blocus généralisés sont possibles si les gouvernements n'obtiennent pas le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones concernées, comme l'exige la déclaration des Nations Unies.
Le gouvernement fédéral a indiqué que cette déclaration ne constituait pas un veto — une déclaration que le ministre de la Justice, Sean Fraser, a rétractée la semaine dernière à la suite de critiques de la cheffe Woodhouse Nepinak. Le chef Teegee a déclaré : «Aucun gouvernement n’a de droit de veto, ce qui signifie que lorsque nous prenons une décision, tous les gouvernements se réunissent pour la prendre ensemble.»
«Les Premières Nations, et c’est certainement le cas, doivent participer au processus décisionnel», a-t-il ajouté.
Même les groupes qui soutiennent généralement le développement expriment des inquiétudes quant au plan du gouvernement fédéral.
Mark Podlasly, PDG de la Coalition des grands projets des Premières Nations, s’est dit «surpris» que les Premières Nations n’aient eu que sept jours pour examiner certaines parties du projet de loi avant son dépôt.
«La réponse des Premières Nations ne sera pas automatiquement négative lorsqu’un projet sera présenté. Il s’agit simplement de tenir compte des droits et de la participation des Autochtones, et de les respecter. Cela n’est pas souvent arrivé au Canada par le passé», a-t-il déclaré.
Il y a aussi la question de l'environnement, et celle de savoir qui supportera l'impact de ces projets s'ils sont menés à bien à la hâte. Ce seront les peuples autochtones, en particulier dans les régions du pays où se trouvent des mines ou des sources d'énergie (sur des terres) qui font partie intégrante de notre mode de vie et de nos pratiques culturelles.
M. Podlasly a soutenu que si la législation fédérale «semble placer la participation autochtone au cœur de ses préoccupations», on ne sait pas exactement à quoi ressemblera cette participation, surtout compte tenu du délai d'approbation serré de deux ans demandé par le gouvernement.
Il a ajouté que les Premières Nations peuvent soutenir des projets et que beaucoup le font, mais qu'elles ne veulent pas être «prises au dépourvu» par des décisions prises à leur insu ou sans leur consentement.
«Nous fonctionnons tous avec un préavis de sept jours. C'est notre système. Et le temps nous le dira», a-t-il dit.
L'Assemblée des Premières Nations tiendra une réunion d'urgence des chefs lundi pour discuter de la suite des choses.
Mme Woodhouse Nepinak s'est engagée à suivre leurs directives et a indiqué qu'un examen juridique de la législation était en cours.
«Nous avons besoin de temps, a expliqué la cheffe Woodhouse Nepinak. Et ce temps ne nous est pas accordé.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne