Le démantèlement des campements d'itinérants viole les droits de la personne
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Par La Presse Canadienne, 2024
SAINT-JEAN, T.-N.-L. — Les personnes sans logement ont le droit fondamental de vivre dans des campements, et ce droit est bafoué lorsque les autorités les démantèlent, plaide la défenseure fédérale du logement
Dans un rapport cinglant publié mardi, Marie-Josée Houle affirme que l'expansion des campements de sans-abri à travers le pays constitue une crise nationale des droits de la personne qui nécessite une action immédiate et une coordination impliquant tous les niveaux de gouvernement.
Le rapport appelle les gouvernements à assumer la responsabilité de graves défaillances systémiques qui violent le droit au logement, que le Canada a officiellement reconnu en 2019. Et il affirme qu'ils doivent garantir aux sans-abri un logement permanent le plus rapidement possible.
«Les campements représentent un effort de la part des personnes non logées pour revendiquer leur droit au logement et répondre à leurs besoins les plus élémentaires en matière d’hébergement», indique le rapport.
«Le Canada a la capacité de résoudre cette crise (...) Ce qui fait défaut, c’est l’absence d’une volonté politique, de ressources et de coordination.»
Dans une entrevue accordée avant la publication du rapport, Mme Houle a appelé à la fin immédiate des expulsions forcées des campements de sans-abri, envoyant un message direct aux villes, dont Halifax et Edmonton, qui tentent de les démanteler.
«Le démantèlement des campements n'est pas une solution, a-t-elle soutenu. Il faut que les municipalités, même si elles n'ont pas les ressources (fassent mieux). C'est vraiment une question de vie ou de mort.»
Mme Houle a été nommée pour surveiller les progrès du Canada dans le respect du logement comme droit de la personne. Son rapport, intitulé «Respect de la dignité et les droits de la personne», met fin à un examen qui a débuté en février 2023 et qui impliquait des rencontres avec des défenseurs du droit du logement, des dirigeants autochtones et des personnes vivant dans des campements à travers le pays.
Depuis lors, la question est devenue encore plus urgente, a-t-elle déclaré.
L'approche de démantèlement critiquée
À Halifax la semaine dernière, la municipalité a publié des avis d'expulsion aux personnes vivant dans cinq de ses onze campements désignés, leur disant qu'elles devaient partir avant le 26 février. Le mois dernier à Edmonton, la police a démantelé un campement jugé par la ville comme étant «à haut risque» et a arrêté trois personnes, dont un journaliste.
Des personnes sans logement en Alberta, en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick sont également mortes dans des camps, certaines à cause de surdoses et d'incendies de tentes. Il y a des risques pour la sécurité dans ces campements, a reconnu Mme Houle, mais leur démantèlement pousse les gens encore plus loin, où ils sont plus vulnérables.
En l’absence de logements abordables et accessibles, les campements peuvent également offrir une communauté, une sécurité et une cohérence – des conditions que les personnes sans logement disent souvent ne pas retrouver dans les refuges d’urgence et autres options de logement temporaire, a indiqué Mme Houle.
Aucune personne vivant dans des camps ne devrait être obligée d'utiliser des refuges ou d'autres options qui ne répondent pas à ses besoins, a-t-elle affirmé. Elle indique que beaucoup de personnes sans-abri souffrent de «traumatismes liés aux services sociaux, aux institutions, aux personnes en uniforme.»
Elle plaide que de forcer les gens et les criminaliser ne fonctionnera jamais.
Un plan d'intervention réclamé
Le document de Mme Houle demande au gouvernement fédéral d'établir d'ici le 31 août un plan national d'intervention dans les campements qui répondrait aux appels à l'action du rapport.
De leur côté, les villes devraient fournir des campements avec de l'électricité, des toilettes, de l'eau potable, du chauffage et d'autres commodités de base, selon le rapport.
Les provinces et les territoires sont appelés à fournir des soins de santé, y compris des services de réduction des méfaits et de santé mentale, ainsi que l'accès à un approvisionnement sécuritaire en médicaments pour ceux qui en consomment, affirme le document. Ils doivent également augmenter l’aide sociale ou l’aide au revenu, ainsi que le salaire minimum, et adopter une législation reconnaissant le logement comme un droit de la personne.
Le gouvernement fédéral devrait travailler avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) pour lier le financement fédéral aux villes et aux provinces à un engagement à respecter le droit au logement, selon le rapport de Mme Houle.
Par-dessus tout, selon Mme Houle, les gouvernements devraient éclairer leurs décisions concernant les personnes sans logement après avoir discuté avec elles et découvert ce dont elles ont besoin.
Sarah Smellie, La Presse Canadienne