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Le dossier de Marc-André Grenon met en lumière la recherche sur l'ADN

durée 08h47
23 février 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — La condamnation de meurtre au premier degré de Marc-André Grenon relativement à la mort d'une cégépienne de 19 ans il y a près de 24 ans a mis en lumière les progrès de la recherche sur l'ADN, qui est utilisée pour régler des affaires non résolues partout au Canada.

Un jury a pris moins d'un après-midi, mardi, pour déclarer coupable Grenon, qui a été arrêté et accusé du meurtre de Guylaine Potvin grâce à un projet d'ADN du laboratoire criminel provincial.

Michael Arntfield, criminologue et professeur à l'Université Western, a déclaré que la rapidité du verdict Grenon «parle d'elle-même et montre à quel point cette technique est convaincante».

M. Arntfield a indiqué que le recours à la recherche ADN pour retrouver des suspects s'est activé ces dernières années grâce en grande partie à la police de Toronto, qui a obtenu une subvention du gouvernement pour accélérer l'utilisation de ces techniques dans les enquêtes sur les affaires non résolues partout en Ontario.

Auparavant, les échantillons d’ADN laissés sur les scènes de crime ne pouvaient être comparés qu’aux profils figurant dans les bases de données criminelles. Mais avec l’avènement des kits ADN à domicile – fournis par des entreprises proposant un séquençage génétique privé – les chercheurs peuvent comparer les preuves sur les lieux du crime aux échantillons d’ADN provenant de milliers de profils téléchargés en ligne.

Si les chercheurs trouvent une correspondance entre des preuves sur la scène du crime et un échantillon d'ADN téléchargé sur un site web – même si cette correspondance correspond à un parent éloigné d'un suspect – ils peuvent commencer à construire un arbre généalogique, qui fournit une liste de personnes d'intérêt potentielles qui peuvent ensuite faire l’objet d’une enquête au moyen des méthodes policières traditionnelles.

L'initiative de la police de Toronto «a ouvert les vannes» à la réouverture des affaires non résolues au Canada, et particulièrement celles d'agressions sexuelles, a affirmé M. Arntfield. Parmi les réussites les plus marquantes, citons l'arrestation, l'année dernière, de Joseph George Sutherland, qui a plaidé coupable à deux chefs d'accusation de meurtre au deuxième degré dans la mort à l'arme blanche d'Erin Gilmour et de Susan Tice en 1983.

Dans le cas de Grenon, un biologiste légiste a déclaré aux jurés que le suspect avait été retrouvé grâce à un projet qui analyse le chromosome Y d'échantillons d'ADN et suggère des noms de famille potentiels qui pourraient y être associés, sur la base de comparaisons avec l'ADN téléchargé sur des sites publics.

Le biologiste a témoigné que l'ADN trouvé sous les ongles de Guylaine Potvin a été entré dans la base de données du projet, ce qui a donné le nom «Grenon». La police a ensuite identifié le suspect, dont le nom avait été révélé au début de l'enquête, et l'a suivi jusqu'à une salle de cinéma pour obtenir son ADN à partir d'une tasse et de pailles abandonnées.

La même technique du chromosome Y a été utilisée l'année dernière pour aider la police de Longueuil à identifier Franklin Maywood Romine comme la personne qui a probablement violé et assassiné Sharron Prior, âgée de 16 ans, il y a près de 50 ans.

D'autres cas pourraient suivre

Après avoir condamné Grenon à la prison à vie, le juge François Huot de la Cour supérieure du Québec a suggéré que d'autres condamnations obtenues grâce à l'utilisation de l'ADN pourraient suivre. «Plusieurs individus dormiront moins bien ce soir après avoir appris la nouvelle», a-t-il prévenu.

M. Arntfield a déclaré que même si des cas sont en cours de résolution, bon nombre d'entre eux impliquent des auteurs décédés, notamment Romine et Calvin Hoover – qui a été identifié en 2020 comme le meurtrier de Christine Jessop, une fillette de neuf ans de Queensville, en Ontario, en 1984.

La condamnation de meurtre au premier degré dans l'affaire Grenon pourrait encourager les forces de police de tout le Canada à avancer dans leurs propres affaires non résolues, selon M. Arntfield. Il a ajouté que les enquêteurs devraient utiliser des techniques de recherche ADN avec ou sans précédent judiciaire.

«On ne peut pas rester les bras croisés et attendre que les affaires soient jugées avant de décider de commencer à agir sur les nouvelles techniques d'enquête actuelles qui ont fait leurs preuves ailleurs», a-t-il dit, soulignant que la recherche ne coûte souvent que quelques milliers de dollars.

Enjeux de confidentialité

Bien que ces techniques se soient révélées efficaces pour résoudre des crimes, certains groupes de défense des droits de la personne ont exprimé des préoccupations en matière de confidentialité. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a déclaré que même si les forces de police municipales et provinciales sont soumises aux lois provinciales, l'ADN constitue une «information personnelle hautement sensible».

M. Arntfield a indiqué que les inquiétudes concernant la confidentialité peuvent être apaisées en garantissant que les forces de l'ordre ne puissent rechercher que des bases de données composées d'échantillons provenant de personnes qui ont explicitement consenti à ce que leurs informations soient utilisées dans des enquêtes criminelles.

Il a rejeté l'idée selon laquelle la vie privée d'un délinquant peut être violée par un test ADN effectué par quelqu'un d'autre et révélant par inadvertance un lien familial.

«Ce n'est pas différent d'un voisin de quelqu'un qui signale à la police qu'il reconnaît son visage à partir d'un dessin composite, a-t-il expliqué. C'est juste de la malchance.»

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne