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Le NPD doit sortir de la «bulle» d'Ottawa pour se reconstruire, selon Don Davies

durée 13h45
19 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Alors que le Nouveau Parti démocratique (NPD) cherche à se reconstruire avec un nouveau chef en 2026, le chef intérimaire Don Davies affirme que la priorité est de sortir le parti de la «bulle» d'Ottawa et d'écouter les Canadiens.

Dans une longue entrevue accordée à La Presse Canadienne, M. Davies a déclaré qu'avant les élections du printemps — qui lui ont fait perdre 17 sièges à la Chambre des communes et son statut de parti officiel —, le NPD était déjà en train de se détacher des priorités des électeurs pour se concentrer sur les siennes, notamment l'une des réalisations politiques du parti: l'assurance médicaments.

«C'est un excellent programme et il est nécessaire. Mais je ne sais pas si cela est venu naturellement de la base», a affirmé M. Davies.

«En fait, nous avons élaboré cette politique, puis nous l'avons présentée aux travailleurs canadiens, dont beaucoup bénéficient déjà d'une couverture, et ils l'ont appréciée, mais je ne sais pas si c'était leur priorité absolue.»

M. Davies a mené les négociations du NPD sur l'assurance médicaments avec les libéraux de l'ancien premier ministre Justin Trudeau, alors que l'accord de confiance avec le gouvernement était encore en vigueur l'année dernière.

Cette année a commencé avec la démission de M. Trudeau, l'ascension rapide de Mark Carney à la tête du Parti libéral et, avec un peu d'aide de la guerre commerciale du président américain Donald Trump et des propos imprudents sur l'annexion, la réélection d'un parti libéral qui semblait auparavant voué à une défaite écrasante face aux conservateurs.

Mais la marée montante ne soulève pas tous les bateaux: les forces politiques qui ont sauvé les libéraux ont également mis en place une course à deux qui a écarté le NPD. Son caucus de 24 sièges a été réduit à sept et son chef, Jagmeet Singh, est arrivé loin derrière en troisième position dans sa propre circonscription de la région de Vancouver.

«Je plaisante parfois en disant que l'un des rares avantages d'être réduit en cendres est que l'on peut construire de nouvelles fondations», a souligné M. Davies.

«En fait, c'est une occasion unique dans une vie de pouvoir examiner tout ce que vous savez, tout ce que vous avez fait, et de conserver ce qui a fonctionné et de rejeter ce qui n'a pas fonctionné.»

Renaître de ses cendres

Renouer avec la base et élargir la portée du parti ont été les thèmes clés de la course à la direction du NPD jusqu'à présent. Les cinq candidats — le dirigeant syndical Rob Ashton, la conseillère municipale et travailleuse sociale Tanille Johnston, le documentariste Avi Lewis, la députée d'Edmonton Heather McPherson et l'agriculteur biologique Tony McQuail — s'accordent à dire qu'il faut faire davantage pour regagner les électeurs de la classe ouvrière et renforcer les associations locales de circonscription.

Les néo-démocrates peuvent se consoler en se disant qu'ils ont déjà connu une situation similaire. Le parti est passé de 44 sièges à neuf lors des élections de 1993, à l'époque, sa pire défaite depuis sa fondation en 1961, mais a réussi à retrouver son statut de parti reconnu sous la direction d'Alexa McDonough en 1997.

Svend Robinson, qui s'était présenté contre Mme McDonough à la direction du parti en 1995, a rappelé que le parti était confronté à une crise, mais aussi à une opportunité.

«C'est un moment absolument critique pour l'avenir du parti, et j'espère sincèrement que les membres du parti reconnaissent qu'il existe un risque réel que l'avenir du parti soit compromis si nous commettons une erreur maintenant», a-t-il déclaré.

M. Robinson a déclaré qu'il voyait une opportunité pour le parti de profiter du «sentiment de trahison» ressenti par de nombreux électeurs soucieux des enjeux climatiques à la suite de l'accord conclu par M. Carney avec l'Alberta au sujet du pipeline.

«Je pense qu'il existe aujourd'hui une réelle opportunité pour les personnes qui ressentent ce sentiment de trahison. Je veux dire, vous avez la cheffe du Parti vert, pour l'amour de Dieu, Elizabeth May, qui vote en faveur du budget», a-t-il relevé.

«Il existe une énorme opportunité pour une alternative progressiste forte qui place la crise climatique au cœur de nos politiques.»

Convaincre les Québécois

Selon lui, le véritable obstacle à la croissance du NPD se trouve au Québec, dans la capacité actuelle du parti à établir un lien avec les électeurs québécois.

La victoire dans la plupart des circonscriptions fédérales de la province a propulsé le NPD dirigé par Jack Layton au statut d'opposition officielle en 2011. Les membres du parti espéraient remporter des sièges au Québec au début de la campagne de 2025.

Mais le récent débat en français de la course à la direction s'est déroulé principalement en anglais; aucun des candidats actuels ne parle couramment le français. M. Robinson a déclaré que le débat était «pénible à regarder».

«C'était une torture linguistique, a-t-il lancé. Si vous voulez diriger un parti national au Canada aujourd'hui, vous devez être capable de communiquer efficacement avec les huit millions de Canadiens (...) dont la langue maternelle est le français.»

La langue est l'un des obstacles auxquels sont confrontés les candidats à la direction. L'obscurité en est un autre.

Un sondage réalisé en octobre par Pollara suggère que la plupart des Canadiens ne connaissent pas très bien les candidats, même si 46 % des personnes interrogées ont déclaré être disposées à voter pour le NPD.

«Ce que je veux dire, c'est que le NPD a un grand potentiel, mais qu'il reste encore beaucoup à faire pour convertir certains de ces "pourraient voter" en "voteront probablement" ou même "voteront certainement"», a souligné Matt Smith, vice-président exécutif de Pollara.

M. Smith, qui a été chef de cabinet du premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, pendant deux ans, estime que le prochain chef du NPD a le potentiel pour accroître le soutien au parti alors que M. Carney oriente les libéraux vers le centre.

Il a ajouté que le NPD devrait s'inspirer des gouvernements de la Colombie-Britannique et du Manitoba en présentant des propositions politiques concrètes qui répondent aux difficultés quotidiennes des Canadiens en matière d'accessibilité financière.

M. Davies ne dirigera le NPD que pendant quelques mois encore. Le nouveau chef permanent sera choisi lors du congrès du parti qui se tiendra à Winnipeg le 29 mars.

Il a déclaré que la plus grande leçon qu'il a tirée de son bref mandat à la tête du parti est l'importance d'écouter un large éventail de points de vue.

«Je pense que, dans le meilleur des cas, la politique reflète la réalité sur le terrain, a-t-il affirmé. Et si nous voulons mettre en place des politiques qui répondent aux réalités de la vie des gens, nous devons comprendre ces réalités. C'est le principal conseil que je donnerais au nouveau chef.»

David Baxter, La Presse Canadienne