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Le Parcours locomotive, pour faire bouger les patients du CHUM

durée 10h15
3 juin 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — Les médecins doivent souvent trimer dur pour convaincre leurs patients de recommencer à bouger après un accident vasculaire cérébral, ce qui est pourtant crucial à leur rétablissement.

La tâche était peut-être un peu plus simple dans les anciens locaux de l'hôpital Notre-Dame, où les patients cohabitaient à trois ou quatre par chambre sans accès à une salle de bain individuelle.

«C'était probablement une stimulation pour les gens de vouloir sortir de leur chambre, d'aller ailleurs, d'aller à la cafétéria», a dit le docteur Olivier Jacquin, un neurologue spécialiste des AVC au CHUM.

Mais quand le service de neurologie a emménagé dans ses nouveaux locaux du CHUM il y a quelques années, poursuit-il, un changement de comportement flagrant que tous observent s'est produit: «Les patients ne sortent plus de leur chambre, a-t-il dit. Ils sont beaucoup plus confortables que ce qu'ils ont connu dans nos anciens locaux. Au CHUM, ce sont de grandes chambres individuelles vitrées avec vue sur le centre-ville.»

Les spécialistes n'avaient pas calculé l'impact que cela pourrait avoir sur la durée des hospitalisations et sur la réadaptation des patients, a-t-il admis.

C'est notamment pour remédier à cette situation inattendue qu'a vu le jour le Parcours locomotive, une série de points verts fixés au sol qui guident les patients vers des affiches ― à saveur parfois humoristique ― qui permettent de mieux connaître l’AVC et ses défis, qui proposent des exercices adaptés aux capacités des patients, et qui mettent de l'avant des trucs pour mieux vivre avec l’AVC et le prévenir.

D'origine suisse, la responsable du projet, la docteure Céline Odier, s'est inspirée des parcours en nature qui sont proposés aux patients chez elle pour développer le Parcours locomotive avec la physiothérapeute Marie-Andrée Desjardins, la chercheuse Line Beaudet, l'infirmière clinicienne Judlène Joltéus et quelques patients partenaires.

«On avait eu cette idée de faire des exercices, puis peut-être de la formation, en tout cas de faire bouger les patients de manière un peu plus organisée, a-t-elle dit. On s'est dit que ça pourrait être un bon moyen de faire sortir (les patients), de les faire bouger, de parler avec d'autres personnes et donc de les stimuler aussi cognitivement, puis c'est tout ça un peu mis ensemble qui a mené au Parcours locomotive.»

Il n'est pas inhabituel, lors d'une hospitalisation, de voir un patient se refermer sur lui-même et devenir un peu moins actif, a indiqué la docteure Odier. Des données montrent même que jusqu'à 75 % des patients sont inactifs ― aussi bien physiquement que cognitivement ― après un AVC, même s'ils se trouvent dans un centre de réadaptation. Alités dans leur chambre, ils attendent que le temps passe ou écoutent la télévision.

L'activité physique et le simple fait d'interagir avec d'autres personnes sont pourtant cruciaux à la réadaptation.

Le Parcours locomotive est composé de quatre sections qui traitent de prévention; de l'AVC et de son traitement; de réadaptation; et des répercussions possibles de la maladie.

Certains des exercices proposés aux patients sont illustrés de caricatures dessinées par l'animateur bien connu Jean-Pierre Coallier. On propose par exemple d'articuler et de répéter «100 fois des mots simples» et de faire bouger «tout ce qui bouge! 10 fois 100 fois par jour +++».

D'autres affiches traitent de la sexualité après l'AVC, ou encore des troubles de l'humeur ou cognitifs qui peuvent accompagner la maladie. Le parcours est donc intéressant non seulement pour les patients, mais aussi pour des familles qui se retrouvent parfois très démunies face à cette tragédie.

«Ce qui est difficile, a dit la docteure Odier, c'est qu'il n'y a pas de recette qui fonctionne pour tout le monde. Tout le monde vit l'AVC à sa manière, avec son background, avec ses émotions propres. On n'a pas une phrase magique qui va permettre d'activer nos patients. Donc, on essaie de trouver des moyens pour les encourager à découvrir le plaisir de l'exercice. On essaie de trouver la petite étincelle.»

Il est toujours difficile, admet-elle, de documenter scientifiquement les bienfaits de l'activité physique après un AVC, puisque certains patients en ressortent plus ou moins amochés que d'autres. Mais globalement, on constate que bouger a un impact positif non seulement sur le corps, mais aussi sur l'humeur et sur la mémoire.

Le Parcours locomotive a dû s'immobiliser en gare quand la pandémie de COVID-19 a frappé. Cette pause involontaire, a dit la docteure Odier, aura à tout le moins permis à l'équipe d'étoffer son site internet.

Relancé «plus activement» depuis quelques mois, le Parcours locomotive est en train d'atteindre sa vitesse de croisière.

«La majorité des patients nous remercient et sont très satisfaits, a indiqué la docteure Odier. Ils trouvent que ça leur apporte des choses à faire et des informations qu'ils n'avaient pas eues.»

Le projet suscite même la curiosité d'autres services du CHUM ― comme celui de cardiologie, dont les patients ont aussi besoin de bouger ― et d'autres établissements de santé.

«L'idée, c'est de donner aux gens la petite étincelle pour qu'ils deviennent actifs dans tout leur cheminement, pour qu'ils ne restent pas passifs à profiter des thérapies, a conclu la docteure Odier. Ils doivent eux-mêmes aller chercher ce qui leur convient, ce qui les nourrit pour les faire cheminer plus loin dans leur réadaptation après l'AVC.»

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Sur internet:

https://www.chumontreal.qc.ca/repertoire/parcours-locomotive

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne