Les avocats en immigration dénotent un nombre élevés de contrôles de sécurité du SCRS


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) affirme traiter un nombre croissant de demandes de contrôle de sécurité en matière d'immigration, ce qui entraîne de longs délais pour les avocats spécialisés en immigration.
Dans son dernier rapport annuel, l'agence de renseignement indique avoir reçu plus de 538 000 demandes de contrôle de sécurité de la part des agents de l'immigration et des services frontaliers en 2024. Une augmentation significative du nombre de demandes a commencé à être constatée en 2023, avec plus de 493 200 demandes reçues. Auparavant, le SCRS avait reçu environ 300 000 demandes de contrôle de sécurité par an au cours des cinq années précédentes.
Le dernier rapport du SCRS indique que, même si le volume de demandes en attente de contrôle de sécurité demeure élevé, l'agence de renseignement prendra le temps nécessaire pour les traiter. Ali Abuhannoud, un réfugié jordanien qui demande la citoyenneté canadienne, a raconté qu'il attendait le résultat de son contrôle de sécurité depuis mai 2024, après avoir déposé sa demande en juillet 2023.
«Je ne sais pas ce qu'ils contrôlent, mais vous pouvez imaginer le stress et l'anxiété que cela me cause», a-t-il affirmé à La Presse Canadienne depuis Halifax.
M. Abuhannoud a indiqué que c'était la troisième fois qu'il se soumettait au processus de contrôle de sécurité. Il a expliqué avoir été contrôlé une première fois à son arrivée au Canada en tant que réfugié en 2018, puis une seconde fois lorsqu'il a demandé la résidence permanente.
Il a expliqué avoir fui au Canada à cause de sa «famille homophobe» et de craintes pour sa vie.
L'augmentation des demandes de contrôle est en partie due à la hausse du nombre de demandeurs d'asile arrivant au Canada, qui doivent tous être contrôlés.
Les agents de l'immigration et des frontières peuvent demander au SCRS d'effectuer un contrôle de sécurité dans le cadre d'une demande de visa ou de citoyenneté. Le ministère fédéral de l'Immigration prend une décision finale d'admissibilité en fonction de ce contrôle.
Des avocats spécialisés en immigration en Colombie-Britannique et en Ontario ont déclaré à La Presse Canadienne que de plus en plus de leurs clients subissent des retards prolongés en raison des contrôles de sécurité, sans que personne n'en explique la raison.
«Le gouvernement nous répète sans cesse que des vérifications d'antécédents par des tiers sont nécessaires et qu'elles prennent du temps, ce que nous comprenons», a souligné Adrienne Smith, avocate spécialisée en immigration à Toronto.
«Mais notre problème est que nous ne voyons pas quelles mesures le gouvernement prend pour justifier ce retard.»
Will Tao, avocat spécialisé en immigration à Burnaby, en Colombie-Britannique, a rapporté que son cabinet avait commencé à recevoir un afflux d'appels concernant des demandes d'immigration retardées par les contrôles de sécurité en janvier 2024.
«Les demandes soumises à des contrôles de sécurité plus rigoureux provenaient de pays que je qualifierais de proches géopolitiques d'une préoccupation pour le Canada», a expliqué M. Tao.
Il a précisé que ces pays comprennent des pays du Moyen-Orient, comme la Jordanie, ainsi que l'Ukraine, la Russie, la Chine, l'Iran et, «dans certains cas», l'Inde.
«Les règles du jeu ont changé. Nous le savons, car des demandeurs, par exemple, qui étaient résidents permanents au Canada il y a des années, ou qui avaient des visas depuis de très nombreuses années, allant et venant pendant 15, 20 ou 30 ans, se retrouvent soudainement pris dans cette situation», a dénoté M. Tao.
Le SCRS a décliné une demande d'entrevue.
La porte-parole du SCRS, Magali Hébert, a déclaré dans un courriel que le programme de filtrage est une «fonction essentielle de la sécurité nationale du Canada».
Mme Hébert a indiqué que le SCRS travaille «avec diligence» pour évaluer le volume élevé de demandes de filtrage.
«Le SCRS et ses partenaires en matière de filtrage de sécurité continuent de prendre le temps nécessaire, compte tenu des informations disponibles à ce moment-là, pour traiter chaque dossier avec sérieux et assurer la sécurité du Canada et de ses citoyens, conformément au mandat de filtrage de sécurité prévu par la Loi sur le SCRS», a ajouté Mme Hébert.
Un «manque de motivation» dénoncé
Le rapport 2024 du SCRS indique que la nécessité de filtrer toutes les demandes provenant de Gaza en raison de la présence du Hamas dans cette région a «entraîné une augmentation significative» de la demande de services et de ressources en personnel de filtrage.
Le SCRS affirme avoir également «priorisé de manière proactive» les demandes en provenance du Liban, en prévision d'une éventuelle escalade du conflit entre le Hezbollah et Israël.
Le SCRS, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) examinent actuellement le processus de contrôle de l'immigration après que le SCRS a soumis un père et son fils, Ahmed et Mostafa Eldidi, à un contrôle de sécurité avant qu'ils ne soient accusés d'infractions liées au terrorisme de l'État islamique en juillet 2024.
Le rapport indique que le SCRS a effectué le contrôle de sécurité sur la base des informations reçues à l'époque.
M. Tao a mentionné qu'avec la volonté du gouvernement fédéral de réduire le nombre d'immigrants permanents et temporaires arrivant au Canada, il ne pense pas qu'il soit enclin à résorber l'arriéré des demandes de sécurité.
«Je constate un (…) manque de motivation pour traiter ce dossier», a indiqué M. Tao.
M. Abuhannoud a dit avoir vu des amis qui avaient déposé leur demande après qu'il ait obtenu la citoyenneté avant lui.
«J'ai l'impression d'être puni par quelque chose que je n'ai même pas pu choisir. Je n'ai pas choisi d'où je viens, a-t-il déclaré. J'ai choisi de venir ici pour la liberté, la liberté d'expression, pour toutes ces grandes valeurs, mais j'ai l'impression d'être puni pour quelque chose auquel mes parents croient.»
David Baxter, La Presse Canadienne