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Les influenceurs et influenceuses sont vus comme une source de fausses nouvelles

durée 08h09
17 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les influenceurs, influenceuses et autres personnalités du web ont une grande marche de crédibilité à gravir. La majorité (54 %) des Canadiens les considèrent comme une menace susceptible de produire de l’information fausse ou trompeuse.

C’est là un des éléments qui ressort du volet canadien du Digital News Report 2025 (DNR), une vaste enquête menée dans 48 pays par le Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni.

La section portant sur les fausses nouvelles nous apprend ainsi que les influenceurs et influenceuses viennent au premier rang des «menaces considérables en matière d’information fausse ou trompeuse en ligne». Ils sont suivis par les gouvernements et acteurs politiques étrangers (50 %), les politiciens canadiens (48 %), les militants (43 %), les célébrités – artistes et athlètes – (36 % ) et les médias d’information et journalistes (30 %).

Écarts entre francophones et anglophones

Les pourcentages représentent toutefois des moyennes canadiennes qui cachent des écarts marqués entre francophones et anglophones. Ainsi, la cote de méfiance face aux influenceurs est pire chez les francophones (56 %), mais ce sont les militants qui viennent au deuxième rang des menaces chez les francophones, qui sont moins méfiants face aux politiciens étrangers (37 %) et canadiens (26 %). La méfiance des francophones face aux médias d’information et journalistes est beaucoup moins grande (18 %) que chez les anglophones (33 %).

En général, d’ailleurs, les francophones sont moins préoccupés (51 %) que les anglophones (68 %) par la possibilité de démêler le vrai du faux, un écart que le chercheur Sébastien Charlton, du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, attribue à une exposition moindre aux fausses nouvelles. «Les francophones sont dans un écosystème plus fermé. Enfin, peut-être qu'avec les outils d'intelligence artificielle, ça va changer, mais la désinformation se fait avant tout en anglais parce que c'est un plus gros marché, donc il y a plus grand avantage à aller en faire de ce côté-là.»

Quant à savoir par où passe la désinformation, les réponses sont claires: elle passe par Facebook pour 54 % des Canadiens, TikTok (52 %) et X (47 %).

Pause dans la chute de confiance

L’écart entre francophones et anglophones est également présent en matière de confiance. Ainsi, 52 % des francophones disent faire confiance la plupart du temps à la plupart des nouvelles qu’ils consultent, comparativement à 47 % des anglophones. Sur une base évolutive, bien que l’on soit loin des niveaux de confiance de 2018 (67 % et 62 % respectivement), la chute amorcée à cette époque semble avoir ralenti.

Sébastien Charlton évite toutefois de s’emballer, soulignant que «ça reste quand même les niveaux les plus bas qu'on a atteints. Peut-être qu'on a atteint un plancher, mais le plancher n'est pas si haut. Le fait que ça reste stable sur une longue période, ça montre qu'il n'y a peut-être pas tant de potentiel présentement à ce que la confiance envers les journalistes augmente dans les années suivantes».

Et malgré tout, c’est une majorité importante de Canadiens (83 %) qui disent s’intéresser aux nouvelles, une croissance de 3 % de 2023 à 2025, mais qui n’a rattrapé que la moitié de la chute de 6 % entre 2021 et 2023.

TVA, La Presse et la SRC en tête

Où les Canadiens s’informent-ils? Les données du DNR montrent une légère remontée de la télévision, qui est désignée comme étant la principale source d’information de 40 % des Canadiens (38 % en 2024) et un repli parallèle des sites web ou applications de nouvelles qui demeurent au deuxième rang, mais qui ont reculé de 4 % pour se situer à 26 % en 2025. Tout juste derrière, les médias sociaux sont demeurés stables au troisième rang à 23 %, suivis de loin par la radio (4 %), des journaux ou magazines imprimés (3 %) et des balados (3 %).

Quant aux sources d’information en ligne des francophones, le palmarès est dominé par TVA Nouvelles (27 %), La Presse (26 %), Radio-Canada/RDI (24 %) et le Journal de Montréal/Québec (21 %).

Les jeunes plus ouverts à l'IA

Le rapport contient des données susceptibles d’intéresser les chercheurs en sciences sociales. Par exemple, lorsqu’on compare les groupes d’âge, les 18-34 ans sont proportionnellement plus nombreux que les 35 ans et plus à juger que les nouvelles produites par l’intelligence artificielle (IA) sous supervision humaine sont supérieures aux nouvelles produites par les humains. Malgré tout, ils sont plus nombreux (34 %) à croire que ces nouvelles sont moins dignes de confiance que les nouvelles produites par les humains que ceux qui considèrent ces nouvelles plus dignes de confiance que celles produites par les humains (28 %). Les 18-34 ont d’ailleurs une moins grande confiance en général dans les nouvelles, les médias et les journalistes que leurs compatriotes plus âgés et une plus grande confiance envers les militants.

De manière plus générale, 52 % des répondants canadiens se disent mal à l’aise avec l’idée d’utiliser des nouvelles conçues principalement par l’IA, même sous supervision humaine. Ils sont un peu plus ouverts (37 %) à la démarche inverse, c’est-à-dire des contenus produits par des journalistes humains avec l’aide de l’IA.

Clivages droite-gauche

Dans le spectre plus politique, les répondants qui s’identifient à la gauche sont beaucoup moins nombreux (29 %) à voir les médias et journalistes comme une menace susceptible de produire de l’information fausse ou trompeuse que ceux qui s’identifient à la droite (47 %). La plus grande menace identifiée par les tenants de la droite, en fait, sont les acteurs politiques au Canada. Fait à noter, les 18-34 ans identifient également les acteurs politiques d’ici comme étant la plus importante menace de production d’information fausse ou trompeuse. De manière diamétralement opposée, les gens de gauche sont deux fois plus nombreux que les gens de droite (42 % contre 20 %) à trouver que les réseaux sociaux ne suppriment pas suffisamment de contenu préjudiciable ou offensant, alors que les gens de droite sont deux fois et demie plus nombreux que ceux de gauche (37 % contre 14 %) à trouver qu’ils en suppriment trop.

Les données canadiennes du DNR ont été récoltées du 15 janvier au 24 février 2025 grâce à un questionnaire en ligne YouGov auprès d’un échantillon aléatoire de 2031 participants inscrits, dont 429 francophones auxquels s’ajoute un échantillon francophone autonome pour arriver à 1022 participants francophones.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne