Les négociateurs climatiques canadiens se dirigent vers le Brésil pour la COP30

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Par La Presse Canadienne, 2025
Les négociateurs climatiques canadiens se dirigent vers le Brésil pour les deux prochaines semaines alors que les dirigeants se réunissent pour des pourparlers annuels sur le climat des Nations Unies, la COP30, du 10 au 21 novembre.
Les discussions se déroulent alors que le premier ministre Mark Carney, dont la réputation en tant que défenseur international du climat l’a aidé à obtenir son soutien lors des élections fédérales du printemps dernier, fait l’objet d’une surveillance accrue pour avoir renversé certaines des principales politiques climatiques de son prédécesseur Justin Trudeau. Il y a aussi une perception d'un adoucissement du gouvernement libéral de Mark Carney face aux secteurs pétrolier et gazier, qui sont pourtant la plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada.
À la COP30, qui s'amorcera lundi à Belém, au Brésil, on s’attend à ce que l’accent soit mis sur la façon dont le monde s’adaptera aux risques liés aux changements climatiques — et comment les pays contribueront financièrement pour ces efforts d’atténuation.
Cette année marque le 10e anniversaire de l'Accord de Paris, considéré comme un moment historique, et les dirigeants seront confrontés à des questions pour savoir si l’accord fonctionne toujours et si les pays se défilent de leurs engagements climatiques, rappelle Catherine Abreu, une experte canadienne en politique climatique.
Toutefois, elle est optimiste.
«Nous verrons des signaux politiques forts indiquant que la grande majorité du monde est assurément toujours engagée dans ce processus», dit Mme Abreu, membre d’un groupe indépendant de conseillers fédéraux sur le climat.
Qu’est-ce que la COP30?
Le nom du sommet représente la 30e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui représente les parties qui ont signé la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992.
Cette année, le Brésil accueillera le sommet à Belém, une ville connue comme une porte d’entrée du fleuve Amazone.
Cet endroit est un rappel brutal de ce qui est en jeu si les GES ne sont pas contrôlés, car le changement climatique et la déforestation alimentent la transformation de la forêt tropicale en une savane plus sèche et sujette aux incendies.
Contrairement au sommet d’il y a dix ans à Paris, l’hôte, le Brésil, a indiqué que cette COP se concentre sur la poursuite des accords existants, plutôt que sur l’avancement de nouvelles réglementations.
Les sujets de discussion
Un accent clé sera mis sur l’adaptation — comment rendre les pays plus résilients face aux risques climatiques accrus, de la montée du niveau de la mer à la chaleur extrême. Les négociateurs sont sur le point de finaliser une liste d’environ 100 indicateurs utilisés pour suivre les progrès mondiaux, tels que le nombre de personnes ayant accès à une eau potable fiable capable de résister aux sécheresses alimentées par le climat.
Il y a encore un débat sur la façon de suivre l’argent dont les pays en développement disent avoir besoin pour transformer les objectifs d’adaptation en réalité. Les parties examinent des indicateurs qui pourraient inclure la mesure de la part de tout le financement de l’adaptation qui est versée aux gouvernements locaux, aux petites nations insulaires ou aux peuples autochtones, reflétant un objectif plus large visant à promouvoir l’équité et la justice dans la façon dont l’argent pour lutter contre le changement climatique est distribué.
Les négociations viseront à faire avancer un résultat majeur des pourparlers de l’année dernière, soit la promesse de mobiliser au moins 1,3 billion $ par an d’ici 2035 pour le financement climatique. Il y aura également des discussions sur l’accord d’il y a deux ans visant à tripler la capacité énergétique renouvelable d’ici 2030 et à abandonner progressivement les combustibles fossiles, le principal moteur du changement climatique causé par l’homme.
Plus de la moitié des pays participant aux discussions n’ont pas encore soumis de plans nationaux actualisés sur le climat. Ces plans, qui devaient être présentés plus tôt cette année, représentent la contribution de chaque pays à la lutte contre le changement climatique et sont destinés à être renforcés tous les cinq ans dans un cycle d’ambition croissante.
Mme Abreu s’attend à voir un élan lors des pourparlers pour que les dirigeants expliquent comment «les pays combleront cette lacune».
Le rôle du Canada
Les fonctionnaires fédéraux disent que le Canada continuera de jouer un rôle de bâtisseur de ponts pour aider les pays à parvenir à un consensus sur certains des enjeux clés du sommet. Les responsables, qui ont informé les journalistes avant les discussions, affirment que le Canada soutiendra les appels à augmenter le financement climatique et à maintenir les objectifs de réchauffement climatique à portée de main.
Toutefois, des observateurs du climat disent que le soutien du Canada à l’expansion pétrolière et gazière et son silence sur la question de l'atteinte de ses objectifs de réduction des émissions pour 2030 et 2035 pourraient saper sa position.
«Il n’y a tout simplement pas moyen de prendre ces engagements, étant donné la façon dont le gouvernement fait actuellement pression en faveur de l’industrie pétrolière et gazière au Canada», affirme Eriel Tchekwie Deranger, présidente d’Indigenous Climate Action, une organisation sans but lucratif et membre de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca, en Alberta.
Mme Deranger souligne que le Canada s’est montré réceptif aux propositions autochtones lors du sommet des Nations Unies sur le climat au cours de la dernière décennie, surtout en ce qui concerne l’augmentation du financement pour l’adaptation et le financement climatique.
Pourtant, «quand il s’agit de la mise en œuvre à la maison, cela tombe à plat», déplore-t-elle.
Qui sera là?
La ministre de l’Environnement, Julie Dabrusin, dirigera la délégation canadienne pendant la première semaine de la conférence. Le premier ministre Mark Carney, ancien envoyé spécial de l’ONU pour le financement du climat et vétéran du sommet, ne devrait pas être présent alors que son gouvernement fait face à des votes de confiance sur le budget fédéral.
Il y a eu une participation réduite aux événements avant le sommet, considérée par certains comme un signe d’une diminution de l’attention mondiale sur le changement climatique. Une réunion des chefs d’État, plus tôt cette semaine, a vu environ la moitié de la participation du sommet de l’année dernière, avec des absences notables des dirigeants des trois plus grands pollueurs de la planète: la Chine, les États-Unis et l’Inde.
Ce sommet aura également lieu dans l’ombre du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris pour la deuxième fois sous la présidence de Donald Trump.
De l'avis de Mme Abreu, c’est peut-être pour le mieux.
«Cela pourrait en fait permettre au reste du monde de trouver ensemble des solutions sans cette présence obstructionniste», avance-t-elle.
L’Accord de Paris est-il toujours important?
Il y a une décennie, les dirigeants mondiaux ont adopté l'Accord à Paris, un traité pour limiter le réchauffement climatique à deux degrés et viser 1,5 Celsius de plus que l’époque préindustrielle, tout en traçant la voie pour l’avenir de la diplomatie climatique.
Catherine McKenna, qui a aidé à négocier l’accord en tant que ministre de l’Environnement du Canada à l’époque, croit toujours que l’accord était «fondamental». Avant Paris, il n’y avait pas d’objectif clair en matière de température mondiale et aucun cadre pour la façon dont chaque pays pouvait contribuer.
En 2015, la planète était sur le point de se réchauffer d’environ 3,5 C d’ici la fin du siècle, selon l’ONU. Maintenant, si les pays respectent leurs plans climatiques, cela pourrait être plus proche de 2,5 C.
Bien qu’il s’agisse d’une amélioration, les experts affirment que le niveau de réchauffement rendrait toujours les vagues de chaleur insupportables dans certaines zones, menacerait les pays côtiers avec l’élévation du niveau de la mer et entraînerait des pertes majeures de biodiversité, parmi une série d’autres problèmes.
«Ce n’est pas là que nous devons être, dit Mme McKenna. Toutefois, [l’Accord de Paris] était d’une importance cruciale. Sans cela, nous n’aurions pas ce cadre, nous n’aurions pas les moyens d’évaluer l’intégrité, nous n’aurions pas de cibles.»
L’héritage de l’accord se manifeste également dans l’adoption des énergies renouvelables, selon Mme Abreu.
Cette année, les investissements dans l’énergie propre devraient être du double des sommes investies dans les combustibles fossiles. Les combustibles fossiles continuent de dominer le mix énergétique mondial à environ 60 %, mais, pour la première fois, les sources d’énergie renouvelable et nucléaire ont couvert deux cinquièmes de la production annuelle totale d’électricité en 2024, a déclaré l’Agence internationale de l’énergie.
Ce qui est important maintenant, c’est de voir les énergies renouvelables se développer encore plus rapidement pour éliminer les combustibles fossiles, a-t-elle déclaré.
— Avec des informations de l’Associated Press
Jordan Omstead, La Presse Canadienne