Les orques utilisent des algues pour se toiletter et socialiser, selon une étude


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Par La Presse Canadienne, 2024
Les algues sont utilisées dans les spas onéreux pour les soins du visage et les enveloppements corporels, mais aussi par les orques résidentes du Sud dans la mer des Salish, au large de la Colombie-Britannique, à des fins de toilettage, soupçonnent des scientifiques.
Des chercheurs qui étudient ces orques menacées depuis des années affirment que des drones de meilleure qualité leur ont permis de les repérer en train de casser régulièrement des morceaux d'algues pour les utiliser comme outil, pressé entre leurs corps.
Michael Weiss, président du Centre de recherche sur les baleines, établi dans l'État de Washington, a indiqué que les baleines avaient été filmées l'été dernier en train de se frotter des algues entre leurs corps.
Des recherches publiées dans la nouvelle édition de la revue Current Biology formulent l'hypothèse de raisons à la fois hygiéniques et sociales.
«D'autres chercheurs ont observé des dauphins et des baleines utiliser des éléments de leur environnement, ou des objets, pour se toiletter. Ils se frottent sur des rochers, du sable et des algues pour entretenir la surface de leur peau», a expliqué M. Weiss, auteur principal de l'étude.
«Nous avons également observé des baleines et des dauphins se frotter les uns contre les autres pour potentiellement éliminer les parasites et les peaux mortes», a-t-il ajouté.
L'utilisation simultanée de ces deux types de comportements par les orques résidentes du Sud n'a cependant pas été observée chez les autres baleines, selon M. Weiss.
«Nous n'avons jamais observé de baleines combinant ces deux comportements et utilisant un objet pour renforcer ce type de contact social», a-t-il mentionné.
Les chercheurs ont observé ce comportement chez les orques résidentes du Sud dans tous les groupes sociaux, les deux sexes et toutes les classes d'âge.
M. Weiss a indiqué que d'autres mammifères, y compris les primates, utilisent des outils et se toilettent mutuellement, mais que la situation des baleines est particulière, en partie parce que deux animaux en tirent des avantages communs.
«Nous n'avons pas une baleine avec un bâton qui gratte l'autre. Nous avons deux baleines avec du varech entre elles qui se frottent simultanément l'une contre l'autre. Et c'est vraiment unique», a-t-il souligné.
Il a ajouté que les primates utilisent rarement des outils de toilettage, sauf si les humains les leur donnent.
«Ce comportement répandu et courant au sein de la population — tout le monde semble le faire chez les baleines résidentes du Sud, c'est constant — est rare. Il est devenu courant d'utiliser un outil pour améliorer les interactions sociales», a-t-il avancé.
«Je pense donc que c'est un contexte vraiment particulier et inédit pour l'utilisation d'outils chez les mammifères marins. Nous n'avons jamais vu d'outils chez eux auparavant», a-t-il précisé.
Selon M. Weiss, les chercheurs devraient désormais étudier l'apprentissage de cette compétence, mieux comprendre l'état cutané des baleines et examiner de plus près les liens sociaux que l'utilisation du varech contribue à créer.
«Il s'agit de déterminer si les baleines qui adoptent ce comportement ensemble sont plus susceptibles de coopérer ultérieurement d'autres manières. Sont-elles plus susceptibles de chasser du poisson ensemble ? Sont-elles plus susceptibles de partager de la nourriture ou d'avoir d'autres interactions sociales? » a-t-il mentionné.
Les orques résidentes du Sud sont en danger critique d'extinction, avec moins de 80 individus restants dans le Nord-Ouest Pacifique.
D'après M. Weiss, cette recherche illustre une fois de plus l'importance de protéger cette population.
«Lorsqu'il est question de préserver cette population, il ne s'agit pas seulement de préserver 73 animaux. Il s'agit de préserver une culture unique, avec des comportements uniques, que nous ne reverrions jamais si nous les perdions», a-t-il soutenu.
«Ceci illustre une fois de plus que ces populations distinctes de baleines ne sont ni interchangeables ni fongibles. Elles sont uniques et leur disparition est une perte pour le monde. C'est la perte de quelque chose d'unique au monde», a-t-il ajouté.
Ashley Joannou, La Presse Canadienne