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Les personnes souffrant de migraine sont encore sous-diagnostiquées

durée 10h00
15 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — La population confond encore trop souvent la migraine avec un simple mal de tête, alors qu'en fait il s'agit d'un trouble neurologique associé à plusieurs symptômes, dont le mal de tête fait partie. Encore cette année, les Québécois sont invités à activer un message d’absence du bureau pendant quatre heures, soit la durée minimale d’une migraine.

Il s'agit de la deuxième édition de cette campagne nationale chapeautée par les organismes Migraine Canada, Migraine Québec et la multinationale Pfizer Canada pour sensibiliser le public aux enjeux des personnes souffrant de migraines et encourager les employeurs à mettre en place un meilleur environnement de travail pour ces personnes.

«Encore en 2025, il y a beaucoup de gens qui confondent mal de tête avec migraine. La migraine est une maladie neurologique, [...] mais dans l'imaginaire collectif, une migraine c'est juste un gros mal de tête, alors que ce n'est pas ça du tout. C'est vraiment une tempête dans le cerveau qui se produit, puis il y a de multiples symptômes invalidants qui viennent avec», décrit Marie-France Lemire, une ex-enseignante qui a été contrainte de quitter son emploi à cause de la migraine.

Parmi les autres symptômes de la migraine, il y a la nausée, parfois des vomissements, et les personnes vont être sensibles à la lumière, au son, aux odeurs et généralement avoir de la difficulté à se concentrer.

Aujourd'hui vice-présidente de Migraine Québec, Mme Lemire a enseigné pendant six ans, jusqu'en 2012. À cette époque, sa condition s'était aggravée et elle faisait une crise de migraine par jour. Cela devenait très difficile pour elle de concilier la gestion de la migraine avec son environnement de travail (dans une école primaire) où il y avait beaucoup de surstimulation sensorielle.

La campagne nationale a pour but de sensibiliser le public aux enjeux des migraineux et aussi d'inviter les employeurs à améliorer leur environnement de travail. Par exemple, en adoptant une politique sans parfum au travail — puisqu'il s'agit d'un stimulus qui peut déclencher des migraines, en ayant un éclairage sans lumière bleue (un autre déclencheur), et en étant flexible sur les pauses et le télétravail lorsque possible.

«[À l'époque] jamais ça m'a effleuré l'esprit que je pouvais demander à mon milieu de travail des adaptations pour diminuer les déclencheurs de migraine. Si j'y avais pensé à l'époque, peut-être que je ne me serais pas rendue aussi loin dans la maladie, puis peut-être que je serais encore capable de travailler aujourd'hui, à tout le moins, peut être à temps partiel», raconte Mme Lemire.

Une médication efficace

Environ 25 % des employés au Canada déclarent souffrir de migraine, mais seuls 12 % d’entre eux ont reçu un diagnostic, ce qui prouve que l'errance médicale demeure un enjeu.

Le manque de connaissance du corps médical fait partie des principales causes du faible taux de diagnostic, selon Heather Pim, neurologue à la clinique des céphalées du Centre hospitalier de l’Université de Montréal et présidente de Migraine Québec.

«Dans nos études de médecine, il y a très peu d'enseignement. Donc, on essaie aussi de bonifier l'éducation autour de la migraine», dit-elle.

De plus, même si la migraine touche 1,3 million de Québécois, cette maladie demeure stigmatisée. «Il y a des gens qui ne vont pas vouloir en parler ou en discuter avec leur employeur, car ce n'est pas visible. Ça peut paraître bien de l'extérieur, mais à l'intérieur, c'est très difficile à vivre, une crise. Il y a un aspect de stigmatisation sur lequel on devrait travailler pour faire reconnaître la migraine comme une maladie neurologique qui est traitable et avec un traitement adéquat on peut améliorer grandement la qualité de vie de la personne», indique Dre Pim.

Pour elle, la campagne de sensibilisation est une belle occasion «de faire valoir le fait qu'il y a un handicap associé à la maladie et que les gens ne devraient plus juste aller à la pharmacie et prendre des options en vente libre».

Les traitements de la migraine ne datent pas d'hier, mais de nos jours, ils sont plus spécifiques et bien tolérés par les patients, mentionne Dre Pim. Les triptans, qui existent depuis 30 ans, ont été les premiers traitements pour la migraine, mais ils sont encore sous prescrits, constate Dre Pim, qui est également professeure de neurologie à l’Université de Montréal.

«Il y a aussi des nouveautés qu'on appelle des gépants qui peuvent être utilisés pour casser des crises de migraine et aussi pour prévenir la migraine, détaille la médecin. Et depuis 2018, au Canada, on a une nouvelle classe de médicaments qui s'appelle des anticorps monoclonaux qui visent une protéine spécifique qu'on appelle CGRP [...] et avec cette nouvelle classe, on arrive à cibler mieux la maladie.»

Retombées économiques

On estime qu'environ 36 % des personnes qui vivent avec la migraine manquent environ 4 à 16 jours de travail par année. «On parle d'une absence complète pour toute la journée. C'est sans compter le présentéisme, les journées où on va au travail alors qu'on a une migraine et qu'on est beaucoup moins performant que si on n'avait pas une migraine», précise Mme Lemire.

Elle souhaite que les employeurs comprennent qu'il y a des avantages pour eux à s'intéresser à la migraine et à leurs impacts sur les employés.

«La migraine occasionne des coûts à l’échelle nationale de l’ordre de plusieurs milliards de dollars chaque année, ceux relatifs aux absences du travail s’élevant à eux seuls à 980 millions $ annuellement, indique dans un communiqué le Dr Will Kingston, neurologue à l’Hôpital Sunnybrook de Toronto. La migraine demeure malgré cela sous-diagnostiquée en raison d’un manque d’information quant aux endroits où obtenir des ressources de soutien, ce qui retentit gravement sur le rendement et le bien-être au travail des personnes qui en souffrent.»

Migraine Québec a mis sur pied une formation pour les milieux de travail afin d'expliquer aux employeurs ce qu'ils peuvent faire pour adapter leur environnement de travail aux migraineux.

Pour démontrer les retombées positives en milieu de travail, Mme Lemire met de l'avant l'exemple de Fujitsu, une entreprise japonaise spécialisée dans les technologies de l'information, qui s'est associée en 2019 à l'organisme IHS-GPAC (International Headache Society's Global Patient Advocacy Coalition) pour mettre en œuvre un programme de soutien à la migraine au sein de son organisation.

Le retour sur investissement du Fujitsu Headache Project fut de 3200 %, soit 32 $ récupérés pour chaque dollar investi. Les employés vivant avec la migraine ont regagné en moyenne un peu plus de 14 jours de pleine productivité par année.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne