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Les Québécois paient des millions chaque année pour recevoir des soins au Canada

durée 04h30
23 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Vous êtes un Québécois en visite dans une autre province canadienne et avez besoin de soins médicaux. Peut-être qu'un fâcheux incident a fait en sorte que vous vous êtes disloqué l'épaule, que vous avez une infection urinaire ou que votre enfant fait une otite. Préparez-vous alors à débourser des centaines, voire des milliers de dollars de votre poche pour recevoir des soins, et ce, même si vous n'avez pas quitté votre pays.

La plupart des gens tiennent pour acquis que s'ils ont besoin de soins dans une autre province canadienne, tous les frais seront pris en charge. Or, cela ne s'applique toujours pas aux résidents du Québec, ni à leurs concitoyens canadiens qui ont besoin de services médicaux au Québec.

Selon des données obtenues grâce à une demande d'accès à l'information, en 2024, les Québécois ont soumis à la RAMQ pour 12,6 millions $ de frais qu'ils ont payés pour des services de santé rendus par des professionnels dans une autre province canadienne. Sur ce montant, la RAMQ a remboursé 2,3 millions $.

C'est donc dire que plusieurs Québécois ont eu la mauvaise surprise de constater que le système de soins de santé n'est pas si universel que ça finalement. Au total, les usagers québécois ont déboursé de leur proche 10,3 millions $, en 2024 seulement, pour se faire soigner au Canada.

Le ministère conseille une assurance privée

Le Québec fait cavalier seul parce qu'il a fait le choix de ne pas adhérer aux ententes réciproques de facturation pour les services médicaux (sauf les soins d'urgence).

«Pour les patients, cela signifie qu’ils peuvent utiliser leur carte santé au lieu de débourser directement pour les soins reçus dans une autre province. Puisque le Québec n’a pas d’accord de facturation réciproque des services médicaux avec d’autres provinces, les résidents du Québec paient généralement ces services directement de leurs poches et sont ensuite remboursés selon les propres tarifs du Québec, plutôt que selon le tarif de la province hôte», écrit Santé Canada dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

Le hic, c'est que la différence peut représenter une somme d'argent colossale, pouvant facilement atteindre des milliers de dollars selon l'ampleur des services médicaux requis. «Il se peut qu’il y ait parfois un écart entre le taux facturé et celui remboursé, c’est donc pourquoi nous invitons les personnes détentrices d’une carte d’assurance maladie valide à se prévaloir d’une assurance médicale privée pour tout voyage hors Québec», écrit le ministère de la Santé et des Services sociaux dans un courriel.

Le Dr Charles Shaver, aujourd'hui âgé de 81 ans et retraité depuis un an, a été témoin des conséquences de ce système. Il a été docteur en médecine interne à Ottawa. Dans la clinique où il travaillait, il est arrivé qu'un patient ne pouvait ou ne voulait pas payer pour le soin. «Alors je ne l'ai jamais vu», dit-il. C'était la politique de la clinique, une politique largement répandue dans les cliniques aux abords des frontières avec le Québec, selon l'ancien médecin.

«Un point sur lequel je veux mettre l'accent, c'est que vous n'êtes pas obligé d'utiliser l'accord de facturation réciproque. Il est là pour vous faciliter la tâche, mais vous n'êtes pas obligé de l'utiliser», précise le Dr Shaver.

«Notre système actuel présente de nombreux problèmes. Je suis d'accord, mais ce qui se passe sur le terrain, c'est que les médecins et les cliniques privées de l'est de l'Ontario, qui voient la majorité des patients québécois, ont pour politique de leur facturer directement les tarifs de l'Association médicale de l'Ontario, qui sont considérablement plus élevés que ceux de l'assurance-santé de l'Ontario et probablement un peu plus élevés que ceux du Québec», poursuit-il. Pour cette raison, il pense que ça ne changerait pas grand-chose si le Québec faisait partie de l'accord de facturations réciproques.

Soulignons qu'à la fin des années 1980, les honoraires au Québec étaient les plus bas au Canada. Aujourd'hui, ils sont parmi les plus élevés.

Accès aux urgences peu importe l'endroit au Canada

«Dans une clinique ou un cabinet privé, le patient n'est pas reçu par le médecin tant qu'il n'a pas payé. Vous payez d'avance avant d'être reçu. C'est tout à fait différent aux urgences», explique Dr Shaver.

En vertu de la Loi canadienne sur la santé, les provinces et les territoires doivent assumer les frais des services médicaux et hospitaliers urgents pour leurs résidents lorsqu’ils sont temporairement à l’extérieur de leur province.

Le Québec a signé, avec chaque province et territoire, un accord interprovincial de facturation réciproque en matière d'assurance-hospitalisation, ce qui permet aux citoyens du Québec de recevoir des soins hospitaliers, peu importe l’endroit au Canada, sans avoir à en défrayer les coûts, affirme le ministère de la Santé. Il explique que cela assure «une pleine cohérence avec les tarifs/conditions des ententes signées avec les médecins au Québec».

Selon les données de la RAMQ, lorsqu'un médecin facture ses honoraires au système de santé québécois, celui-ci ne reçoit généralement pas la totalité. En 2024, la RAMQ a été facturée 8,9 millions $ et a payé 7 millions $ lorsque le destinataire du paiement était un professionnel. Il y a donc un écart de 1,9 million $ entre les honoraires du prestataire de soins envoyés au Québec et le montant qu'il a été payé.

Au cours de sa carrière, le Dr Shaver n'a pas aimé traiter avec le Québec qui avait la fâcheuse habitude, selon lui, de payer puis parfois, après coup, de reprendre l'argent. «Nous recevions donc de l'argent, puis quelques mois plus tard, ils réévaluaient la demande et la reprenaient. Au cours de toutes mes années d'exercice, je n'ai jamais eu de demande auprès du gouvernement de l'Ontario qui ait été reprise de cette manière», raconte-t-il.

Questionné à savoir si le Québec pourrait éventuellement faire partie de l'accord avec les autres provinces, le ministère de la Santé répond qu'il n’y a pas de travaux en cours pour intégrer les services médicaux aux accords de réciprocité.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne