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Logement: le FRAPRU reproche aux gouvernements leur inaction et leur déconnexion

durée 14h04
3 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les gouvernements, particulièrement celui du Québec, mais aussi celui du Canada, sont complètement déconnectés de la réalité des locataires qu’ils ont abandonnés au marché de l’inabordabilité, selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), qui lance à nouveau cette année un appel urgent à la construction de logements sociaux.

Les données de la Société d’habitation du Québec (SHQ) font état, en ce jeudi 3 juillet, de 1899 ménages accompagnés activement par un service d'aide à la recherche de logement.

«Tous les chiffres sont très clairs: les rares logements disponibles sont hors de prix», a expliqué la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme, qui a donné comme exemple un logement de 2 chambres à coucher, donc un 4 ½, à louer pour 2100 $ par mois dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

«Ce qui nous a menés à l'inabordabilité actuelle, ce n'est pas que le résultat de choix politiques, mais c'est le résultat de non-choix politiques», a pesté la militante en défense des droits des locataires, elle dont l’organisme et tous les autres œuvrant auprès de locataires réclament sans relâche depuis des décennies la reprise de la construction de logements sociaux publics.

Nouveaux logements trop chers

Certes, dit-elle, il y a des mises en chantier, «mais on ne fait que mettre en chantier des logements trop chers. À construire des logements trop chers, on va contribuer à alimenter cette spirale de l'inabordabilité». Des logements sociaux, il en faudrait «10 000 par année à chaque année durant au moins 15 ans», avance-t-elle.

Les ménages qui ne se sont pas trouvés de logement cette semaine, précise-t-elle, ne sont que la pointe visible de l’iceberg de la crise du logement, car de nombreux locataires qui n’ont pas de problème apparent immédiat «sont à un imprévu, une perte d'emploi, un électroménager qui lâche, une séparation de se retrouver dans cette situation de difficulté».

«Personne n'est à l'abri. Des locataires qui ne pensaient jamais se retrouver dans une insécurité résidentielle qui, du jour au lendemain sont victimes d'une éviction ou d'une reprise de possession de logement, font face à des logements qui sont facilement 500 $ de plus que ce qu'ils payaient auparavant, mais leur revenu n'augmente pas à la même vitesse.»

Accroissement des inégalités sociales

«La crise du logement augmente les inégalités sociales aujourd'hui», fait-elle valoir puisque l’explosion des coûts des loyers n’a pas du tout été suivie par une croissance des revenus des locataires. Même ceux qui ont un logement sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les banques alimentaires parce que le loyer gruge une part de plus en plus importante d’un revenu qui ne suit pas.

Véronique Laflamme souligne que si les locataires ne sont pas une part négligeable de la population – ils représentent en effet 40 % des ménages du Québec et 65,6 % de ceux de Montréal – leur réalité échappe aux décideurs. «Quand on regarde la composition du cabinet Legault, c'est sûr que ces gens-là ne sont pas "pognés" dans un logement trop petit pour leurs enfants et eux-mêmes. On a l'impression qu'il y a une certaine déconnexion d'avec la réalité vécue par les locataires qui se retrouvent aux prises avec des situations de plus en plus difficiles.»

Ce n’est pas mieux, note le FRAPRU, du côté d’Ottawa qui s’apprête à consacrer 150 milliards $ par année aux dépenses militaires. «Si le fédéral mettait autant d'argent qu'il est prêt à en réserver par exemple pour les dépenses militaires, si on décidait de faire une priorité de la crise du logement et de la crise de l’itinérance au Canada et au Québec, on pourrait facilement construire au Canada 500 000 logements sociaux par année.»

Priorité seulement en campagne électorale

Elle accuse les politiciens de ne faire du logement une priorité que lorsqu’ils sont en campagne électorale «parce qu'ils ont bien compris que c'était un enjeu pour la population», mais de se cacher derrière des slogans creux qui n’hébergeront personne. Pire encore, dit-elle, «on utilise la crise du logement comme prétexte pour implanter des politiques néo-libérales, notamment en matière de logement dit abordable» avec l’implication du secteur privé et des fonds de travailleurs dans des montages complexes qui permettent au gouvernement d’éviter de s’engager pleinement dans la construction de véritables logements sociaux publics.

Tout n’est pas noir, souligne la porte-parole, qui reconnaît que «la présence de services d'aide à la recherche de logements, ça fait une différence. On est soulagés que le gouvernement du Québec finance de tels services d'aide à la recherche de logement.» Sauf que ces services doivent être pérennisés et dotés d’un financement annuel récurrent, selon le FRAPRU.

L’organisme, au-delà de ses sempiternelles demandes ignorées de construction de logements sociaux, propose depuis longtemps des solutions pour «protéger le parc locatif encore abordable, pour protéger les locataires contre les évictions frauduleuses, contre les reprises de possession sous de faux motifs, contre les hausses abusives de loyer ou pour limiter l'hébergement touristique et la fuite de logements locatifs sur des plateformes d'hébergement touristique en ligne».

«L'inabordabilité doit devenir une priorité», martèle la militante, qui réclame toujours un vrai programme de logement public, de logements sociaux, le besoin étant clairement démontré depuis des années par des listes d'attente qui débordent pour les habitations à loyer modique.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne