Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Loi 2: les spécialistes demandent à la Cour de confirmer l'interprétation du PGQ

durée 18h38
6 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Revirement de situation, jeudi, en Cour supérieure à Montréal, alors que la demande de sursis provisoire des médecins spécialistes, qui cherchaient à faire suspendre des dispositions de la loi 2 du ministre Christian Dubé, n’a jamais été abordée.

Avant même que ne commence la débat, l’avocat de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Me Jean-Philippe Groleau, a expliqué au juge Pierre Nollet qu’il était prêt à se ranger derrière l’interprétation de la loi que lui avait envoyée le représentant du Procureur général du Québec (PGQ) dans les heures précédentes. Si le juge Nollet confirme cette interprétation – une décision qu’il a prise en délibéré – la Fédération est prête à retirer sa demande de sursis provisoire et à attendre la tenue du débat sur le fond à une date qui reste à déterminer.

«Craintes irrationnelles»

En fait, l’avocat du PGQ, Me Michel Déom, a couché sur papier un argumentaire où il réaffirme, comme il l’avait fait mardi lors du débat avec la Fédération médicale étudiante du Québec, que l’interprétation de la loi, tant des étudiants que des médecins spécialistes, est erronée et que leurs craintes sont «irrationnelles». Selon l’interprétation du PGQ, une démission, une retraite ou un déménagement hors du Québec ne représente pas du tout une infraction à la loi qui serait punissable par des amendes sévères, comme le craignent les spécialistes, sauf si ce genre de geste est posé de manière concertée avec l’intention de nuire au système de santé ou à son accès.

Me Groleau a expliqué que la demande de sursis provisoire visait justement les dispositions qui, selon la FMSQ, «empêchaient les médecins de prendre des décisions, des choix de vie qui sont fondamentaux, qui appartiennent à la liberté la plus essentielle de toute personne comme: qu’est-ce qu'on veut faire dans la vie, où est-ce qu'on veut vivre, est-ce qu'on veut continuer de travailler dans un réseau? Il y avait des médecins qui avaient peur des conséquences de parler avec des collègues ou avec des conjoints des choix de vie qu'ils allaient faire», a-t-il expliqué aux médias en fin de journée.

Le juge doit trancher

Devant le juge Nollet, il a reconnu qu’«on ne demande rien de mieux que d’avoir tort», avec cette interprétation plus extrême. Or, a-t-il précisé devant les journalistes, «le Procureur général du Québec a simplement proposé une interprétation de cette loi-là qui, selon nous, protège les intérêts des médecins et fait en sorte que leurs libertés fondamentales vont être protégées».

Cependant, ce n’est pas parce que le PGQ propose cette interprétation devant le tribunal qu’elle sera retenue dans l’avenir. Les parties ont toutes deux fait valoir que le juge devait lui-même trancher quant à l’interprétation à donner aux dispositions en question, de manière à éviter toute autre interprétation par la suite.

Les avocats ont alors invoqué un article rarement utilisé dans le Code de procédure civile, l’article 209, en vertu duquel «les parties à l’instance peuvent, conjointement, soumettre à la décision du tribunal un différend qu’elles ont relativement à une question de droit soulevée par le litige».

Les équipes d’avocats de la FMSQ et du PGQ se sont donc retirées une bonne partie de la journée afin de préparer un document conjoint proposant au juge d’entériner l’interprétation du PGQ de manière à «lever l’ambiguïté» entourant les articles litigieux. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que ce document a été présenté au juge Nollet qui se donnera le temps de réfléchir avant de décider s’il endosse ou non l’interprétation du Procureur général du Québec.

Le débat de fond restera à faire

La demande de sursis provisoire n’aura donc finalement pas été entendue du tout et sera retirée si le juge Nollet donne force de loi à l’interprétation du PGQ. Toutefois, si le magistrat estime qu’il ne peut pas interpréter la loi de cette façon en raison de la manière dont elle a été écrite, la FMSQ reviendra à la charge avec sa demande de sursis provisoire, qui est une procédure d’urgence pour empêcher son application en attendant que le débat sur le fond ait lieu.

Ce débat de fond, il aura lieu quoiqu’il advienne de la décision du juge Nollet, puisque les spécialistes contestent toujours la constitutionnalité de la loi 2, mais il ne sera traité que plus tard. Ils maintiennent que cette loi porte atteinte aux droits fondamentaux protégés par les Chartes canadienne et québécoise, notamment en ce qui a trait à la liberté d’association et la liberté d’expression parce qu’elle interdit aux médecins d’exercer des moyens de pression ou d’encourager leurs collègues à en faire sous peine d’amendes sévères tant pour eux individuellement que pour leurs syndicats.

La Fédération des médecins omnipraticiens est également partie à la contestation de fond du litige. Quant à la Fédération médicale étudiante, son avocate Me Sibel Ataogul, doit faire des représentations auprès du juge Nollet vendredi en fin de journée à la lumière de ces nouveaux développements, en lien cette fois avec les dispositions de la loi 2 qui visent plus spécifiquement les étudiants en médecine et leurs associations.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne