Mark Carney effectue son premier voyage en Asie pour l'ANASE et l'APEC

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le premier ministre Mark Carney effectue vendredi son premier voyage en Asie depuis son entrée en fonction. Ce voyage s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par son gouvernement pour renforcer les liens commerciaux et diplomatiques avec une région de plus en plus coincée entre les États-Unis et la Chine.
Mark Carney participera aux sommets de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et du forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC).
Le président américain Donald Trump devrait participer à ces deux événements et les dirigeants mondiaux se disputeront son attention.
Le premier ministre a minimisé les informations de cette semaine selon lesquelles il pourrait rencontrer Donald Trump pour conclure des accords sur les droits de douane sectoriels américains visant l'acier, l'aluminium et les véhicules canadiens.
«J'ai hâte de rencontrer le président à l'APEC en Corée, mais nous allons rencontrer de nombreux autres pays, et vous savez, l'un des éléments clés de notre stratégie est la diversification des échanges commerciaux», a-t-il mentionné aux journalistes à Ottawa mardi.
Dans un discours prononcé à Ottawa mercredi, M. Carney a indiqué que son objectif était de doubler les exportations canadiennes vers les pays autres que les États-Unis au cours de la prochaine décennie.
Le Canada milite en faveur d'un engagement accru dans la région indopacifique depuis plusieurs années, et plus particulièrement depuis le lancement de sa stratégie régionale fin 2022.
Une occasion commerciale
Le voyage de neuf jours de M. Carney débute par le sommet de l'ANASE en Malaisie, un événement auquel les premiers ministres canadiens sont traditionnellement invités, même si le Canada n'en est pas membre.
Ottawa négocie un accord commercial avec ce bloc de dix pays, qui devait initialement être finalisé cette année. Les deux parties cherchent maintenant à signer un accord au début de la nouvelle année. Un accord commercial avec l'Indonésie, membre de l'ANASE, a été finalisé le mois dernier.
Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, dirige une délégation d'entreprises canadiennes dans la région parallèlement à la visite de M. Carney.
«En matière de commerce, l'emplacement est primordial et envoie un signal fort, a-t-il expliqué. Ce premier ministre s'est rendu en Europe à cinq reprises. En termes de croissance économique, c'est en Asie que se concentre l'action.»
Citant l'Inde en exemple, M. Hyder a souligné que le Canada doit établir des relations économiques avec d'autres pays qui dépassent les limites de la diplomatie et de la politique, afin que les entreprises puissent résister aux turbulences qui pourraient affecter ces relations au fil du temps.
Vina Nadjibulla, vice-présidente de la Fondation Asie-Pacifique, juge que M. Carney doit également faire comprendre à ses partenaires potentiels de la région que le Canada s'intéresse à bien plus que des échanges commerciaux.
«C'est l'occasion pour les Canadiens et les partenaires régionaux d'entendre le premier ministre Carney exposer sa vision de l'engagement avec la région indopacifique, ainsi que la manière dont il entend approfondir les relations commerciales et économiques, ainsi que les partenariats en matière de sécurité», a-t-elle avancé.
Les analystes estiment que le Canada peut trouver un terrain d'entente avec de nombreux pays de la région indopacifique sur la nécessité de défendre un ordre international fondé sur des règles.
«L'Asie du Sud-Est a été en quelque sorte l'épicentre de la rivalité sino-américaine», a précisé Mme Nadjibulla, ajoutant que de nombreux pays de la région souhaitent éviter une trop grande dépendance à l'une ou l'autre des puissances mondiales.
La Chine a récemment mené une offensive de charme dans la région, avec notamment une tournée du président Xi Jinping après l'imposition par Donald Trump de ses droits de douane du «jour de la libération» au printemps dernier.
Les pays de l'ASEAN sont «très désireux d'accueillir le Japon, l'Australie, l'Union européenne, l'Inde et le Canada comme partenaires stratégiques pour s'engager dans la région», a souligné Mme Nadjibulla.
Mark Carney se rendra également à Singapour, où il rencontrera le premier ministre Lawrence Wong et des chefs d'entreprise.
La dernière étape de son voyage le mènera à Gyeongju, en Corée du Sud, ville qui accueille les réunions des dirigeants de l'APEC.
La Corée du Sud a été le premier pays asiatique à signer un accord de libre-échange avec le Canada en 2015.
L'ambassade de Corée du Sud à Ottawa a indiqué lundi qu'elle était prête à servir de porte d'entrée vers la région en accueillant des représentants d'entreprises et de gouvernements lors d'un événement marquant le 10e anniversaire de l'accord commercial.
Comme l'a souligné le ministre-conseiller de l'ambassade, Heijin Kim, la Corée du Sud possède la cinquième plus grande armée au monde, sur le pied de guerre depuis des décennies, et une base industrielle bien développée qui souhaite collaborer avec le Canada.
«Le partenariat avec la Corée offre des possibilités d'approvisionnement rentable, de transfert de technologie et de développement conjoint», a déclaré M. Kim.
L'entreprise sud-coréenne Hanwha Ocean est l'une des deux entreprises soumissionnant pour le contrat de construction de la nouvelle flotte de sous-marins du Canada. M. Carney devrait visiter le chantier naval de l'entreprise, situé à environ 120 kilomètres de Gyeongju, lors de son voyage.
Les 21 membres de l'APEC sont répartis de part et d'autre du Pacifique et comprennent le Canada, les États-Unis, l'Australie, la Chine, la Russie et le Pérou.
Une possible rencontre avec Xi Jinping
Le sommet de l'APEC est un forum de discussions bilatérales, et Xi Jinping devrait y assister, ce qui laisse supposer une rencontre en personne entre lui et M. Carney.
De hauts responsables gouvernementaux, qui ont informé les journalistes du contexte de ce voyage, ont déclaré jeudi qu'ils espéraient et prévoyaient une rencontre bilatérale.
Il est également possible que Xi Jinping et Mark Carney s'entretiennent lors d'une rencontre informelle, les dirigeants du Canada et de la Chine étant souvent invités à s'asseoir côte à côte lors de réunions organisées par ordre alphabétique.
Lors de leur rencontre à Pékin la semaine dernière, la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, et son homologue chinois, Wang Yi, ont convenu de réexaminer un partenariat stratégique établi il y a deux décennies. Elle a également invité M. Wang à se rendre au Canada.
Les premiers ministres et les chefs d'entreprise occidentaux exhortent M. Carney à rencontrer M. Xi afin de résoudre les problèmes commerciaux qui ont conduit à l'imposition de droits de douane élevés au Canada sur les véhicules électriques et les minéraux critiques chinois, ainsi qu'à des droits de douane chinois de rétorsion sur le canola, le porc et les produits de la mer canadiens.
M. Carney a récemment mentionné qu'il rencontrerait probablement M. Xi «en temps voulu». Le Cabinet du premier ministre a indiqué qu'aucune rencontre n'avait été confirmée.
— Avec des informations de Dylan Robertson
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne