Nouvel espoir de traitement pour le VIH

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Le VIH utilise un subterfuge pour envoyer le système immunitaire sur de fausses pistes et l'inciter à attaquer et détruire des cellules saines, ont constaté des chercheurs montréalais, ce qui causerait une inflammation responsable d'autres problèmes.
La docteure Madeleine Durand et le chercheur Andrès Finzi, du Centre de recherches du Centre hospitalier universitaire de Montréal, soulignent toutefois qu'on dispose déjà d'une molécule pour déjouer cette ruse.
«Il faut que les cellules infectées soient protégées, sinon (le virus) ne peut pas faire de nouvelles particules virales, a dit le professeur Finzi. Le virus a tellement peur du système immunitaire (...) qu'il se met une cape d'invisibilité d'Harry Potter.»
D'autres virus, comme le redoutable Ebola, utilisent la même stratégie pour survivre, a-t-il rappelé.
Les deux chercheurs ont découvert qu'une protéine du virus, la gp120, circule dans le sang du tiers des patients atteints du VIH, même si le virus lui-même est indétectable dans leur système. Cette protéine se lie à certaines cellules, les CD4, provoquant une attaque du système immunitaire contre elles.
Pire encore, a dit le professeur Finzi, ces cellules CD4 sont «le chef d'orchestre du système immunitaire», et sans elles, «on ne peut pas monter de réponse immunitaire efficace». On savait d'ailleurs depuis longtemps, a-t-il rappelé, que les patients qui vivent avec le VIH n'ont presque plus de cellules CD4.
Mais tout espoir n'est pas perdu, puisque la docteure Durand et le professeur Finzi ont constaté que le médicament fostemsavir, déjà approuvé au Canada, neutralise cette toxicité et pourrait renforcer l’immunité des personnes vivant avec le VIH.
Ces découvertes ont mené au lancement de l’essai clinique RESTART au CHUM, dirigé par la docteure Durand, qui suivra 150 participants pendant deux ans. L’objectif est de tester si ce traitement peut réduire l’inflammation chronique et prévenir les maladies cardiovasculaires précoces chez les patients vivant avec le VIH.
«Cette étude, c'est une preuve de concept que ça vaut la peine chez les personnes qui vivent avec le VIH de s'attaquer à la source à l'antigène viral parce qu'on va aller chercher une protection de plus contre la maladie cardiovasculaire en particulier, mais ensuite de ça, on peut l'étendre à plusieurs autres comorbidités liées à l'inflammation chronique», a expliqué la docteure Durand.
En effet, les chercheurs ont constaté au fil du temps que certaines comorbidités, notamment au niveau cardiovasculaire, se manifestent jusqu'à quinze ans plus tôt chez les patients qui vivent avec le VIH que chez les autres.
La perte des lymphocytes CD4 pourrait être à l'origine d'une inflammation chronique qui expliquerait cette «sorte de vieillissement accéléré», a dit le professeur Finzi. «Avec la présence de ce leurre moléculaire (le gp120), on voit une augmentation de l'inflammation, et ce n'est pas bon d'avoir une augmentation de l'inflammation», a-t-il rappelé.
«Le drame en VIH, c'est qu'avec l'accès à la thérapie antirétrovirale, on réussit à supprimer le virus dans le sang, les patients ne sont pas contagieux, ils peuvent avoir des vies normales, on espère une espérance de vie comparable aux personnes non exposées au VIH, mais ils développent des comorbidités précoces, a dit la docteure Durand. Et certainement une des causes, c'est cette persistance du virus dans l'organisme au sein des réservoirs.»
Les travaux du professeur Finzi, a-t-elle ajouté, révèlent que «des fragments viraux peuvent continuer d'irriter le système immunitaire même quand il n'y a pas de virus contagieux en circulation».
Entre alors en scène le fostemsavir, une molécule qui semble être en mesure d'aider le système immunitaire à déjouer les ruses du VIH en empêchant la gp120 «de se lier à la cellule humaine et de déclencher toute la cascade inflammatoire et de diminution de l'immunité».
«On sait qu'en renversant l'inflammation chronique, on va diminuer les comorbidités, on va améliorer le devenir des patients», a dit la docteure Durand.
Il n'y a toutefois pas d'absolu en médecine, a-t-elle rappelé: tout comme des gens sans VIH développent des comorbidités précoces, des gens qui vivent avec le VIH y échapperont.
Mais en moyenne, a poursuivi la docteure Durand, «si on parle de la maladie cardiovasculaire, (...) ça arrive de 1,5 fois à 2 fois plus vite chez les personnes qui vivent avec le VIH, et ça, même si la charge virale est supprimée» ― et ce, même en tenant compte de facteurs de risque classiques comme la sédentarité, le diabète, le cholestérol, le tabagisme, l'hypertension et ainsi de suite.
Les premiers antirétroviraux avaient une toxicité cardiovasculaire bien connue, a-t-elle rappelé, mais ce n'est plus autant le cas aujourd'hui.
«On ne peut jamais complètement balayer du revers de la main les effets secondaires des antirétroviraux, mais il y a un consensus scientifique actuellement pour que ces effets-là soient beaucoup moins dommageables qu'auparavant, a dit la docteure Durand. Ce qu'on peut observer, c'est un effet résiduel qui est vraiment dû au virus lui-même, et puis c'est fort probable que ça passe par un entretien chronique de l'inflammation.»
La nouvelle étude clinique lancée au CHUM est «la première qui vise vraiment à attaquer un antigène viral pour diminuer la comorbidité précoce», a-t-elle souligné.
Actuellement, a dit la docteure Durand, l'objectif en traitement de VIH «c'est de rendre la charge virale indétectable, et comme médecin, quand nos patients ont une charge virale indétectable, c'est un peu mission accomplie».
«Alors là, on va une étape plus loin et on se demande si, même si le virus n'est pas présent dans le sang, est-ce que la persistance d'antigènes viraux (...) est une cible clinique qu'on doit viser aussi?, a-t-elle demandé en conclusion. Donc, l'intérêt clinique est formidable autour de cette étude parce que ça pourrait changer la façon dont on définit un traitement réussi pour une personne qui vit avec le VIH.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne