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Percée dans le diagnostic du syndrome de douleur régionale complexe

durée 08h00
17 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Une équipe internationale composée notamment de chercheurs de l'Université McGill a développé une technologie d’intelligence artificielle qui pourrait grandement améliorer le diagnostic du syndrome de douleur régionale complexe (SDRC).

Le SDRC cause une douleur intense et persistante dans un membre, habituellement après une blessure ou une chirurgie, et peut entraîner une invalidité de longue durée. La douleur qu'il occasionne est parfois pire que celle de la blessure initiale.

«C'est comme un arrêt dans le processus de guérison, a expliqué la cheffe du service de douleur chronique au CHU de Québec-Université Laval, la docteure Anne Marie Pinard. Des choses qui sont normales en début de guérison vont persister pendant des semaines ou des mois.»

C'est un peu comme si le cerveau devenait «négligent» envers le membre blessé, a-t-elle précisé. La perception des patients de cette partie de leur corps pourra changer au point où ils auront l'impression qu'elle ne leur appartient plus.

La nouvelle technologie exploite l'intelligence artificielle pour détecter des schémas de bactéries intestinales qui seraient propres au SDRC.

Des techniques sophistiquées d’apprentissage machine ont analysé des échantillons de microbiome intestinal provenant de deux cohortes : une israélienne et une canadienne. Les chercheurs ont ainsi réussi à prédire le SDRC chez les patients canadiens avec une précision de plus de 90 %, après avoir entraîné l'intelligence artificielle avec le microbiome des patients israéliens.

Cela démontre, disent les auteurs de l'étude, que l'IA est en mesure de reconnaître une «signature microbiomique» commune du SDRC.

«L'analyse ciblée des métabolites dans les selles et le plasma a confirmé les différences dans les niveaux d'acides gras à chaîne courte dans les selles et le plasma entre les patients atteints d'un SDRC et les témoins, écrivent les auteurs. Notamment, la composition du microbiome a permis à elle seule une classification précise des patients et des témoins dans une cohorte de test géographiquement indépendante.»

L’étude a également permis de cerner d’importantes différences entre les bactéries intestinales de patients atteints du SDRC et des personnes qui ne ressentent pas de douleur. Cela pourrait permettre d'identifier plus rapidement les patients à risque de souffrir de ce problème.

Si les causes du SDRC sont encore très mal comprises, a dit la docteure Pinard, on sait une chose hors de tout doute: en plus de certaines médications qui peuvent être utilisées pour soulager la douleur, le traitement passe par la réadaptation.

«Il faut réadapter le cerveau, il faut le reconnecter avec cette partie-là du corps qui est un peu mal aimée, si vous voulez», a-t-elle expliqué.

Et comme c'est le cas avec plusieurs problèmes de santé, plus le diagnostic survient rapidement, plus la réadaptation commence tôt, meilleur sera le pronostic ― d'où l'intérêt d'une étude comme celle-ci qui pourrait permettre d'identifier encore plus rapidement non seulement les patients atteints d'un SDRC, mais ceux qui pourraient être plus susceptibles d'en souffrir après une chirurgie, par exemple.

En présence d'un patient qui vient de recevoir un diagnostic de SDRC, a dit la docteure Pinard, «si on était capable d'évaluer son risque de chronicité (...) on pourrait mettre toute la gomme, puis diriger nos ressources un peu plus au bon endroit».

«Ça ouvre plein de portes sur la manière dont on pourrait mieux comprendre cette maladie-là, a-t-elle estimé. Parce qu'au-delà du diagnostic, l'enjeu est de comprendre d'où ça vient et est-ce qu'on pourrait offrir un traitement plus spécifique?»

Cela étant dit, prévient-elle, d'autres études seront nécessaires pour déterminer si la signature microbiomique du SDRC est une cause ou une conséquence de la maladie. En d'autres mots, cette signature était-elle présente avant l'apparition de la maladie, ou s'est-elle concrétisée après?

D'autant plus, souligne la docteure Pinard, que certains des patients étudiés dans le cadre de cette recherche souffraient d'un SDRC depuis plusieurs années.

«Ce serait intéressant de refaire la même étude avec des gens qui ont un diagnostic très récent», a-t-elle conclu.

On estime que le SDRC touche entre 400 000 et 2,1 millions de personnes dans le monde.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Anesthesiology.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne