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Québec adopte son projet de loi pour limiter les grèves sur fond d'affrontement

durée 17h19
29 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Le gouvernement Legault a adopté jeudi son controversé projet de loi 89 qui limite le droit de grève et élargit les services essentiels, malgré l’opposition farouche et unanime du milieu syndical.

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a rappelé en mêlée de presse à l’Assemblée nationale que le Québec demeure le champion incontesté – et de loin – des grèves au Canada, 91 % des arrêts de travail au pays étant recensés dans la Belle Province. «C'est préoccupant, il y a beaucoup de grèves qui ont des impacts malheureux au plan social, économique ou autre.»

Il explique ce championnat par un taux de syndicalisation un peu plus élevé au Québec et plusieurs autres facteurs comme la pandémie, l’inflation, la pénurie de main-d’œuvre, le vieillissement de la population, autant de facteurs qui n’affectent pourtant pas nécessairement davantage le Québec que le reste du pays. Il ajoute cependant un autre élément qu’il estime distinctif: «Il y a une culture quand même de militantisme au Québec, qui a des conséquences et ça génère des discussions aux tables de négociations qui sont assez intensives.»

Arbitrage et services essentiels

La nouvelle loi provinciale limite le droit de grève, en permettant notamment d’imposer l’arbitrage dans certains cas. La notion de services essentiels y est aussi redéfinie en «services assurant le bien-être de la population» dont l’interruption affecterait de manière disproportionnée «la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population».

Jean Boulet a cependant cherché à se faire rassurant à la suite de l’adoption. «Évidemment, ce sont des mécanismes que je veux exceptionnels, respectueux des enseignements de la Cour suprême du Canada, donc ça devra être utilisé avec beaucoup de parcimonie. Mais ce qui est important de retenir, c'est qu’on s'intéresse aux besoins de la population dans ce projet de loi là, et j'étais constamment en quête d'un juste équilibre entre l'exercice du droit de grève que nous respectons et les besoins parfois fondamentaux de la population qui est vulnérabilisée, souvent impuissante suite à des conflits de travail qui ont des répercussions tellement dommageables, particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité», a-t-il fait valoir en cherchant à se positionner en défenseur des familles, des parents, des personnes endeuillées, et ce, dans plusieurs secteurs.

Dans un communiqué conjoint, l’ensemble des grands syndicats québécois ont aussitôt dénoncé ce projet de loi contre lequel ils se battent depuis son introduction et qu’ils ont promis de faire disparaître après la prochaine élection.

Syndicats: «dégâts» à prévoir

«Le premier ministre et son ministre du Travail n'ont vraisemblablement pas saisi l'ampleur des dégâts qu'occasionnera sa nouvelle législation», déplorent d’une même voix les porte-parole de l'APTS, de la CSD, de la CSN, de la CSQ, de la FAE, de la FIQ, de la FTQ, du SFPQ et du SPGQ.

Selon eux, la nouvelle loi aura des impacts jusque dans les milieux non syndiqués puisqu’en réduisant le rapport de force des syndiqués, ceux-ci ne pourront plus obtenir des gains, ce qui viendra ensuite se répercuter dans le secteur privé où les employeurs cherchent à s’ajuster aux conditions des travailleurs syndiqués pour demeurer compétitifs.

Les dirigeants syndicaux estiment que les règles actuelles entourant le recours et l'exercice de la grève «permettaient jusqu'ici de maintenir l'équilibre fragile, mais essentiel entre les travailleuses, les travailleurs et les patrons». Ils accusent le ministre Boulet de tout bouleverser pour «assujettir l'ensemble des salariés au bon vouloir des employeurs et pour faire plaisir au patronat ainsi qu'à un conseil des ministres aux tendances antisyndicales».

Plutôt que prendre massivement la rue, les syndicats se dirigent plutôt du côté des tribunaux pour l’instant. «Il nous semble clair que les limitations au droit de grève contenues dans cette législation ne passeront pas le test des tribunaux. Les constitutions, tant canadienne que québécoise, ainsi que l'arrêt Saskatchewan sont sans équivoque à ce propos. Les droits syndicaux sont aussi des droits humains.»

Soulignant que ce sont les luttes syndicales qui ont mené à l'équité salariale, l'implantation du réseau des CPE, le salaire minimum, les congés parentaux et autres, ils soutiennent que de «priver les travailleuses et les travailleurs de leur capacité à lutter, c'est freiner les progrès de toute la société québécoise», soulignent les porte-parole.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne