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Rougeole: beaucoup de travail à faire au Canada pour rétablir la situation

durée 07h36
11 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

TORONTO — Des experts en maladies infectieuses affirment que la perte par le Canada de son statut de pays exempt de rougeole démontre l'urgence d'investir dans la santé publique, de rétablir la confiance dans la vaccination et de résoudre la crise des soins primaires.

Lundi, l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a révoqué le statut de pays exempt de rougeole dont bénéficiait le Canada depuis 1998, en raison d'une épidémie du virus qui sévit dans plusieurs provinces depuis plus d'un an.

L'immunologiste Dawn Bowdish, de l'Université McMaster, explique que les compressions budgétaires en santé publique, l'absence d'un registre national des vaccins et la pénurie de médecins de famille – le tout dans un contexte de désinformation généralisée sur les vaccins – ont contribué à la recrudescence de la rougeole.

Elle ajoute que les intervenants en santé publique ne disposent pas des ressources nécessaires pour mener suffisamment de campagnes de vaccination auprès des communautés et renforcer la surveillance afin de dépister rapidement les cas et d'enrayer la transmission.

Mme Bowdish souligne que l'absence d'un registre national des vaccins empêche de nombreuses personnes de vérifier facilement si leurs vaccinations sont à jour, notamment si elles ont été vaccinées dans une autre province ou un autre pays.

Vaccination chez les enfants

L'immunologiste explique que, si les familles n'ont pas de médecin de famille ou d'infirmière praticienne, leurs enfants risquent de ne pas être vaccinés, car les pharmacies n'offrent pas le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole aux très jeunes enfants.

«Inévitablement, sans un suivi médical régulier et de qualité, ce genre de vaccination est négligé», a soutenu Mme Bowdish.

La rougeole, l'une des maladies les plus contagieuses au monde, nécessite une couverture vaccinale de 95 % pour atteindre l'immunité collective.

Mme Bowdish a ajouté qu'un renforcement de l'application des politiques de vaccination en milieu scolaire, en limitant les exemptions aux seuls motifs médicaux valables, est essentiel pour freiner la propagation de la maladie.

«Mes collègues et moi-même répétons depuis longtemps que plusieurs provinces, dont l'Alberta et l'Ontario – épicentre de ces épidémies – sont beaucoup trop laxistes quant aux exemptions. Cela a contribué à la baisse des taux de vaccination», a-t-elle argué.

Des investissements et de la volonté

Pour retrouver son statut de pays ayant éliminé la rougeole, le Canada devra non seulement éradiquer la transmission de la souche actuelle pendant au moins 12 mois, mais aussi démontrer qu'il a renforcé ses systèmes de surveillance et sa capacité à stopper rapidement les éclosions en cas de résurgence de la rougeole, a déclaré l'OPS lundi.

Selon Mme Bowdish, le retour de la rougeole au Canada «montre à quel point de nombreux systèmes devront être améliorés pour que nous puissions maîtriser la situation».

«Nous nous efforçons vraiment beaucoup depuis plus d'un an et je ne dénigre aucun de mes collègues en santé publique, car je sais qu'ils ont perdu le sommeil à faire de leur mieux avec les ressources dont ils disposent», a-t-elle souligné.

«Il n'y a pas d'autre solution. Cela demandera des fonds importants et des investissements considérables. Et cela exigera une forte volonté politique.»

Le docteur Daniel Salas, directeur exécutif du programme spécial d'immunisation intégrale de l'OPS, a indiqué que le Canada devra terminer la mise en œuvre de son système national de dossiers électroniques de vaccination, qui ne couvre actuellement que cinq provinces et un territoire.

S'intéresser aux communautés touchées

La docteure Monika Naus, professeure à l'École de la santé publique et des populations de l'Université de la Colombie-Britannique, affirme qu'il est essentiel de comprendre la situation dans les communautés où les taux de vaccination sont faibles, notamment en déterminant si des enfants ont été vaccinés, mais que leurs dossiers sont manquants ou s'ils ne sont tout simplement pas vaccinés.

«C'est un problème que la communauté de santé publique devrait être en mesure de résoudre», a-t-elle indiqué.

L'OPS a également recommandé de présenter un plan correctif pour continuer à lever les obstacles à la vaccination et mieux comprendre le point de vue des communautés soudées non vaccinées où la rougeole s'est propagée.

La docteure Naus, qui a précédemment présidé le Comité consultatif national de l'immunisation et a été directrice médicale des maladies évitables par la vaccination au Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, a indiqué que ces efforts ciblés sont essentiels et font une réelle différence.

«Il est probablement faux de croire que les personnes réticentes à la vaccination ne seront jamais vaccinées, quelles que soient les circonstances», a-t-elle soutenu.

«Même dans les communautés où les taux de vaccination sont faibles, des améliorations sont probablement possibles en matière de santé publique.»

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Nicole Ireland et Hannah Alberga, La Presse Canadienne