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Secteur audiovisuel: un rapport offre des pistes d'adaptation au nouvel environnement

durée 14h26
5 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Le secteur québécois de l’audiovisuel doit produire davantage et s’introduire dans toutes les plateformes s’il veut survivre aux transformations technologiques qui le mettent à mal.

Il faut «Souffler les braises» pour «raviver le feu de notre culture», comme le propose le titre du rapport du Groupe de travail sur l’avenir de l’audiovisuel au Québec (GTAAQ), dévoilé vendredi. Le rapport de près de 200 pages comporte 20 recommandations et 76 mesures qui pointent en grande partie vers la consolidation et la pérennisation du financement de l’audiovisuel, notamment des organismes qui financent directement la création, la réinvention de Télé-Québec, l’intervention en milieu scolaire et ainsi de suite.

Secteur fragilisé

Une intervention musclée est devenue essentielle et urgente pour adapter le secteur aux nouvelles réalités, explique Monique Simard, coprésidente du Groupe. «Il y a une fragilité en ce moment de notre secteur vraiment réelle qui n'est pas un ralentissement conjoncturel comme on en a pu connaître au fil des ans, mais c'est vraiment une décroissance structurelle. Il y a eu des baisses d'ailleurs qui sont bien documentées par les différents instituts de la statistique. Juste l'an dernier, une baisse de 20 % de la production. Une mutation technologique extrêmement rapide.»

«S'il n'y a pas une action rapide, c'est un risque de perte de l'expertise, des talents. Je rencontre constamment des gens du secteur qui disent: je n'ai pas travaillé depuis un an, je n'ai pas travaillé depuis deux ans. Il y a des diffuseurs ici qui vont dire: on n'a plus les moyens de déclencher autant de production qu'on voudrait et mettre autant d'argent qu'on voudrait en mettre», poursuit-elle.

Son coprésident, Philippe Lamarre, souligne que le secteur est loin d’être marginal sur le plan économique, générant 3,27 milliards $ dans le PIB du Québec et quelque 50 000 emplois directs et indirects. «L’industrie audiovisuelle génère plus de retombées que les secteurs comme la foresterie, les mines et les technologies de l’information. C’est important de dire qu’on n’est pas juste un poste de dépenses; on fait rouler l’économie aussi.»

Modèles d'affaires dépassés

Mais le constat du Groupe de travail est incontournable: les modèles d’affaires traditionnels sont dépassés, ne sont plus adaptés. La câblodistribution, «c’est une technologie qui est en voie de disparaître, les chiffres sont là pour le confirmer», laisse tomber Monique Simard qui se désole de voir «qu’il n’y a pas de nouveaux modèles qui sont venus remplacer les vieux modèles».

Les nouvelles plateformes comme Netflix, Amazon Prime et autres Disney et Apple TV, ont envahi l’espace et «le consommateur suit la technologie», explique-t-elle.

Le Groupe de travail avait toutefois été placé dans une situation difficile: le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, l’avait averti qu’il devait travailler avec une enveloppe fermée, c’est-à-dire de ne pas dépasser la somme d’un peu plus d’un milliard $ consacrée à la culture par les différents programmes et outils fiscaux du gouvernement.

Réinventer Télé-Québec

Le rapport commence par proposer un rehaussement de budget pour Télé-Québec et une réinvention de la télévision publique québécoise afin de l’amener à investir toutes les plateformes, particulièrement celles que fréquentent les jeunes. Des fonds additionnels devraient aussi être envoyés à la SODEC et au Conseil des arts et lettres (CALQ).

Mais d’où viendrait cet argent neuf si l’enveloppe est fermée? Deux sources importantes: puisque la production baisse, les crédits d’impôt sont moins importants. Il s’agirait donc de réorienter l’argent inutilisé du budget des crédits d’impôt vers la production culturelle. Aussi, les auteurs suggèrent de faire la même chose avec une portion de la TVQ sur les ventes d’abonnements aux différents services numériques, incluant la téléphonie, et sur les ventes d’appareils comme les téléphones et ordinateurs et de la réorienter vers l'industrie. «Ce n’est pas une nouvelle taxe!», s’est exclamée Monique Simard.

Contrer le désintérêt des jeunes

Constatant que plus de 98 % des jeunes de 0 à 24 ans consomment des contenus de plateformes étrangères plutôt que québécoises (99,7 % chez les 12 à 17 ans), le ministre Lacombe, qui accompagnait les deux coprésidents pour la présentation du rapport, s’est montré alarmé. «Vous voyez à quel point c'est urgent, à quel point ce n'est pas politique. C'est vital. Il faut poser des gestes pour être capable de rejoindre ces jeunes qui, autrement, vont regarder du contenu qui n'est pas du contenu québécois – et c'est correct de le faire en partie – mais il faut rejoindre ces jeunes puis leur proposer du contenu de chez nous.»

Philippe Lamarre a ainsi fait valoir que le milieu de l’éducation doit être mis à contribution. «Le seul endroit où on peut encore contrôler ce que nos jeunes consomment, c'est à travers le cursus scolaire. En ce moment, toute l'intégration justement d'audiovisuel ou d'œuvres québécoises dans l'éducation, c'est au gré des écoles, au gré des professeurs. (…) Ce qu'on propose, c'est vraiment d'intégrer une vraie politique d'éducation à l'image puis de littératie numérique au sein des programmes scolaires, autant au primaire, au secondaire ainsi qu'au cégep, de vraiment avoir un programme obligatoire pour tous, justement pour que nos jeunes apprennent à s'informer, apprennent à valider de l'information, apprennent à justement à intégrer les images comme faisant partie justement de la littératie.»

Promotion, mise en marché, investir la francophonie, réunir l’offre des plateformes québécoises dans un bouquet unique et donner un crédit d’impôt significatif à ceux qui s'y abonnent, bref, tout faire pour «rétablir le lien affectif entre les publics et les contenus québécois et surtout avec les jeunes. C’est comme ça qu’on prépare l’avenir», a fait valoir Mme Simard, qui affirme que ce rétablissement du lien affectif a guidé l’ensemble des travaux.

Certes, créer un bouquet d’offre québécoise pourrait présenter certains défis, a reconnu Philippe Lamarre avec une pointe d’humour. «D’inciter Bell et Québecor à travailler ensemble… on était pragmatiques», a-t-il dit, déclenchant l’hilarité dans la salle où se trouvaient les représentants d’un grand nombre d’organismes culturels.

Rien pour les artistes

Le rapport se termine sur l’importance d’apprivoiser et d’encadrer l’intelligence artificielle en marge de la création, et ce, de manière responsable et éthique, et, finalement, sur un très court énoncé de soutien des artistes, dont plusieurs abandonnent le métier en raison de revenus souvent faméliques et intermittents.

Interrogée à ce sujet, Monique Simard a répondu que «le sort des artistes, il va se régler si on augmente le volume de production, si on augmente les budgets de production. C'est comme ça que ça va se faire. Mais s'il n’y en a pas de production, pas de création, il n’y a pas d'artistes qui travaillent.»

Le ministre Lacombe s’attend par ailleurs à ce que le gouvernement fédéral respecte sa promesse d’adapter le régime d’assurance-emploi à la nature intermittente du travail d’artiste.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne