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Tenter de soigner le Saint-Laurent, ses écosystèmes et ses pêcheurs

durée 15h56
3 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Des chercheurs, des décideurs politiques et des acteurs économiques sont réunis à Trois-Rivières cette semaine pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui minent la santé du Saint-Laurent, comme l’érosion des côtes, le réchauffement des eaux, la saturation d’oxygène du fleuve, mais aussi pour échanger sur la santé mentale des pêcheurs.

Du 2 au 4 juin à Trois-Rivières, les participants du congrès du Réseau Québec maritime «discutent des façons de s'adapter durablement et intelligemment aux grands changements qui se produisent dans le Saint-Laurent», a résumé à La Presse Canadienne Gwénaëlle Chaillou, directrice générale du Réseau Québec maritime.

Un colosse aux pieds d’argile

Gwénaëlle Chaillou décrit le Saint-Laurent comme «un colosse aux pieds d’argile», plus précisément comme «un immense système qui subit beaucoup de stress, beaucoup de pressions anthropiques».

Le Saint-Laurent n’est pas dans une santé resplendissante et l’économie du Québec et de ses régions dépend de la préservation de ces écosystèmes.

La crise des pêches, qui se traduit par un effondrement des stocks de certaines espèces comme la crevette, est liée à différents facteurs, dont le réchauffement des eaux et la chute de la quantité d’oxygène dans les fonds marins.

La température moyenne à 300 mètres de profondeur du Saint-Laurent a dépassé 7 degrés Celsius pour la première fois en 2022.

Le réchauffement des eaux profondes, observé depuis plusieurs années, contribue à l’hypoxie, donc à la diminution de la quantité d’oxygène.

«Il y a une grosse zone de désoxygénation. On a calculé que la surface hypoxique, donc le volume d’eau où il y a peu d’oxygène, a été multipliée par 9 au cours des 15 dernières années», a expliqué Gwénaëlle Chaillou, qui est également professeure en océanographie chimique à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski.

Le manque d’oxygène dans le Saint-Laurent peut provoquer de graves répercussions sur les écosystèmes, en asphyxiant par exemple les organismes qui vivent dans les fonds marins.

«Ça veut dire que, pour les organismes qui ont besoin d'oxygène, ça rétrécit énormément leur habitat. On a vraiment une diminution de la qualité des habitats», a ajouté celle qui participe à des missions en haute mer pour étudier de près l’hypoxie du Saint-Laurent.

Des espèces disparaissent, d'autres émergent

La chute alarmante des concentrations d’oxygène dans les profondeurs du Saint-Laurent peut avoir de graves conséquences sur la biodiversité et la santé du fleuve et, par conséquent, sur l’industrie de la pêche.

«Il y a des poissons qu'on consommait avant», comme le turbot, «qui ne sont plus là, qui ont migré ou qui ne sont juste plus présents dans cet état de l'écosystème, car l‘habitat n'est plus propice à leur développement ou à leur plein potentiel pour devenir une pêcherie commerciale. D’un autre côté, il y a aussi des espèces qui émergent», comme le sébaste, «et là, on se questionne sur comment adapter nos pêcheries à ces nouvelles conditions», a indiqué Gwénaëlle Chaillou en expliquant que ces questions étaient au cœur des discussions du congrès du Réseau Québec maritime.

La «crise des pêches a des impacts socioécologiques sur les pêcheurs» de Matane, Rimouski, Baie-Comeau et des Îles-de-la-Madeleine, a-t-elle ajouté, «et cette crise commence à avoir des répercussions sur leur santé mentale».

Ces changements, et les façons de s’y adapter, font également partie des sujets discutés au sommet qui a lieu à Trois-Rivières.

Le trio infernal

Gwénaëlle Chaillou et d'autres spécialistes des fonds marins utilisent maintenant le terme «trio infernal» pour qualifier trois phénomènes qui menacent la santé et l’équilibre des océans.

«La température, l'oxygène, mais aussi l'acidification. C'est vraiment un trio infernal. Les trois sont très liés et les trois impactent directement les écosystèmes et la qualité des habitats», a fait valoir la professeure Chaillou.

«Les changements climatiques réchauffent les eaux et perturbent la circulation des masses d’eau, notamment dans l’Atlantique Nord» et «lorsqu’il fait plus chaud, comme dans le Chenal laurentien, il y a moins d’oxygène et l’eau devient plus acide», a-t-elle résumé.

«L’hypoxie et l’acidification, ça ne se voit pas, mais nous, les chercheurs, on les mesure depuis plusieurs années et ça nous inquiète.»

Il faut aborder ces problèmes à partir de «différentes perspectives» et c’est pour cette raison, a-t-elle résumé, que le congrès invite des experts académiques, des membres de communautés autochtones, des industries portuaires et maritimes, de la pêche, d’organisations communautaires et gouvernementales.

Les participants viennent surtout du Québec, mais aussi de la France, car, a expliqué la professeure Chaillou, «la crise des pêches» et ses causes, «c’est une problématique qui est mondiale».

Stéphane Blais, La Presse Canadienne