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Toujours aucune accusation dans l'affaire du décès de Robert Pickton

durée 09h10
30 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Près d'un an après la mort du tueur en série Robert Pickton, agressé par un codétenu dans une prison du Québec, aucune accusation n'a été portée contre l'agresseur présumé et peu de réponses ont été offertes sur les circonstances de l'événement.

Pickton est décédé à l'hôpital le 31 mai 2024, après avoir été agressé à la prison à sécurité maximale de Port-Cartier 12 jours auparavant. L'homme de 74 ans avait été reconnu coupable en 2007 de six chefs d'accusation de meurtre au deuxième degré, mais était soupçonné d'avoir tué des dizaines d'autres femmes dans son élevage porcin de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique.

Le Service correctionnel du Canada a publié un premier communiqué le 20 mai l'an dernier concernant une «agression grave» contre un détenu, ajoutant que «l'agresseur a été identifié et que les mesures appropriées ont été prises». L'organisation a par la suite confirmé que le détenu blessé était bien Pickton et qu'il était décédé.

La Sûreté du Québec (SQ) a identifié le suspect comme étant un détenu de 51 ans, mais n'a pas divulgué son nom.

Plus tôt cette semaine, la SQ a indiqué que son enquête demeurait ouverte.

«Certains rapports d'expertise sont toujours en cours. Comme il s'agit d'un dossier actif, nous ne ferons pas d'autres commentaires», a écrit la SQ dans un courriel. Par téléphone, une porte-parole a indiqué que le dossier de police n'avait pas encore été transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui décidera si des accusations seront portées.

La porte-parole, Audrey-Anne Bilodeau, a ajouté que la police prend parfois plus de temps à enquêter lorsqu'un suspect est déjà derrière les barreaux, car il n'y a aucun risque pour le public.

Le Service correctionnel du Canada a indiqué qu'il prévoyait publier les résultats de l'enquête sur ce décès «dans un avenir proche», a écrit le porte-parole Kevin Antonucci dans un courriel. «Il a fallu du temps pour s'assurer que les documents étaient entièrement traduits et vérifiés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.»

Inquiétudes pour les détenus

Les défenseurs des droits des prisonniers s'inquiètent du manque de réponses sur ce qui s'est passé et estiment que ce décès soulève des questions sur la sécurité des détenus.

«Nous sommes préoccupés par le fait que plusieurs décès ont été causés par d'autres prisonniers sans aucune réponse claire», a déclaré Catherine Latimer, de la Société John Howard, lors d'un entretien téléphonique.

Mme Latimer a cité un rapport de décès publié plus tôt cette année par la juge albertaine Donna Groves concernant la mort d'un détenu de 21 ans, poignardé à mort dans sa cellule par un autre détenu de l'établissement d'Edmonton en 2011.

Le rapport soulevait plusieurs questions, notamment la raison pour laquelle les deux détenus ont été autorisés à sortir de leur cellule en même temps, malgré leur appartenance à des gangs rivaux et l'interdiction de fréquenter d'autres détenus.

La juge Groves a demandé une enquête publique sur ce décès, affirmant que c'était le seul moyen de faire toute la lumière sur les agissements des trois gardiens ce jour-là, certains soupçons circulant qu'ils dirigeaient un «club de combat» en prison.

Mme Latimer a souligné que le rapport montre qu'il existe un grave problème concernant les «prisonniers incompatibles ou vulnérables» exposés à d'autres personnes qui veulent les tuer. «Pickton soulève vraiment ce problème», a-t-elle indiqué.

Pickton, a-t-elle ajouté, aurait probablement été considéré comme «vulnérable», car la nature de ses infractions aurait fait de lui une cible potentielle.

Tom Engel, ancien président de l'organisation Canadian Prison Law Association, a convenu que la réputation de Pickton aurait signifié qu'il courait un risque élevé d'être agressé par d'autres détenus.

«Il faut se demander comment cela a pu se produire alors qu'il présente un risque élevé», a-t-il soutenu lors d'un entretien téléphonique, ajoutant que «cela pointerait normalement du doigt le personnel pénitentiaire».

M. Engel dit ne pas être surpris qu'aucune accusation n'ait encore été portée. Il a expliqué que les enquêtes peuvent être longues, en partie parce que le personnel pénitentiaire et les détenus peuvent être réticents à coopérer pleinement avec la police.

L'annonce du décès de Pickton l'année dernière a suscité des expressions publiques de satisfaction et de joie plutôt que d'inquiétude. Les familles des victimes ont utilisé des mots comme «guérison», «ravi» et «justice» pour décrire la mort d'un homme qui s'en prenait à des femmes vulnérables du quartier Downtown Eastside de Vancouver, dont plusieurs étaient autochtones.

Une source de préoccupation

Mais M. Engel estime que le sort des détenus devrait être une source de préoccupation.

«Les citoyens qui croient aux droits de la personne, à la primauté du droit et à l'application du Code criminel du Canada à tous devraient se préoccuper de cette situation, car une telle anarchie est inacceptable en prison», a-t-il soutenu.

Il a également souligné que la grande majorité des détenus seront éventuellement libérés et qu'il est dans l'intérêt de la sécurité publique de veiller à ce qu'ils n'en ressortent pas plus en colère et plus dangereux qu'avant.

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne