Un changement de politique sur les VÉ inquiète pour la croissance des infrastructures


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Par La Presse Canadienne, 2025
Les conducteurs de véhicules électriques au Canada ne sont pas encore impactés par l'annonce du gouvernement fédéral d'un retrait de sa politique sur ces voitures, mais certains craignent cependant que la croissance des infrastructures et l'amélioration des bornes de recharge publiques ralentissent dans les années à venir.
Lorsque Julien Kos s'est rendu à Moncton plus tôt cette année, son plan reposait largement sur la recharge de son véhicule dans un centre commercial tout en allant manger un morceau.
«J'y suis arrivé avec 15 % de batterie et je m'attendais à pouvoir simplement recharger au centre commercial», a raconté M. Kos, qui vit dans la ville isolée de Back Bay, au Nouveau-Brunswick, à environ 130 kilomètres au sud de Fredericton. Mais il a constaté que plusieurs bornes de recharge publiques étaient en panne.
M. Kos a expliqué que de nombreuses bornes de recharge publiques provinciales sont «peu fiables», tandis que d'autres, appartenant à Tesla, sont plus anciennes et compatibles uniquement avec les véhicules de la marque.
Avec la pause dans la politique de véhicules électriques, il estime que moins de constructeurs automobiles seraient enclins à continuer d'investir dans les véhicules électriques, ce qui entraînerait un ralentissement de la croissance globale des infrastructures.
«Il est vraiment décevant de constater le manque d'infrastructures, en particulier dans notre province», a mentionné M. Kos, qui a acheté sa première Tesla électrique en janvier. Ce changement de politique n'a pas modifié ses intentions de continuer à conduire sa voiture.
Le premier ministre Mark Carney a annoncé vendredi que le gouvernement fédéral ne mettrait pas en œuvre l'obligation d'ici l'année prochaine de vendre 20 % de véhicules électriques parmi tous les véhicules neufs vendus au Canada, tout en promettant un examen de 60 jours du programme national sur les véhicules électriques.
L'obligation devait initialement être prolongée jusqu'en 2035, date à laquelle tous les nouveaux véhicules légers vendus au Canada devaient être entièrement électriques ou hybrides rechargeables.
M. Carney a indiqué que l'examen visait à trouver «des flexibilités futures et des moyens de réduire les coûts», tandis que des documents gouvernementaux suggèrent que des modifications aux objectifs de ventes annuels, y compris celui de 2035, seront envisagées.
Cette pause n'aura probablement pas d'impact sur l'adoption des véhicules électriques ni sur ceux qui en possèdent déjà un, a estimé Tracy Miersch, cheffe d'équipe des ambassadeurs des véhicules électriques pour MEET Moncton, qui a acheté son premier véhicule électrique il y a quatre ans.
«Je pense que cela pourrait avoir un impact sur les constructeurs automobiles qui n'ont pas vraiment adhéré à l'idée des véhicules électriques, a-t-elle déclaré en entrevue. Ils pourraient ralentir leur développement.»
MEET, ou Mobile EV Education Trailer, est un programme géré par Plug’n Drive Canada, un organisme qui se concentre sur l'éducation aux véhicules électriques.
Des craintes pour la recharge
Selon Mme Miersch, on craint que les subventions gouvernementales pour l'amélioration des bornes de recharge publiques soient affectées, mais les entreprises privées pourraient contribuer à combler cette lacune dans l'infrastructure existante.
«De nombreuses entreprises privées et commerciales voient maintenant l'avantage d'avoir une borne de recharge pour véhicules électriques sur place ou à proximité», a-t-elle ajouté.
La chaîne de cafés Tim Hortons a annoncé le mois dernier son intention d'installer des bornes de recharge rapides pour véhicules électriques dans 100 établissements à travers le pays d'ici la fin de 2028. L'entreprise s'est associée à l'entreprise de recharge FLO.
«Je ne m'inquiète pas du développement des infrastructures, a avancé Angie Thomas, secrétaire du conseil d'administration de l'Electric Vehicle Association of Alberta. Mais je m'inquiète des futurs projets de recharge.»
D'après Mme Thomas, cette décision pourrait nuire aux chances du Canada de prendre une longueur d'avance sur le marché de l'électrique.
«La technologie évolue très rapidement, mais nous devons l'adopter, sinon nous risquons d'être laissés pour compte», a-t-elle précisé.
Pour Alroy Brouwer, la décision du gouvernement fédéral de suspendre l'obligation n'influence pas sa décision d'échanger son deuxième véhicule contre un véhicule électrique lorsqu'il sera en fin de vie.
«Une fois que les gens auront commencé à conduire un véhicule électrique, ils ne reviendront plus à une voiture à essence», a affirmé ce résident de Barrie, en Ontario, qui a acheté son premier véhicule électrique il y a trois ans.
«On réalise vite à quel point il est stupide de dépenser 20 $ d'essence chaque jour pour se déplacer», a-t-il ajouté.
Mais sa décision repose en grande partie sur le confort d'une infrastructure de recharge à domicile.
«Si vous ne pouvez pas recharger votre véhicule à la maison, avec nos infrastructures actuelles, ce n'est pas aussi simple que de changer de véhicule», a souligné M. Brouwer.
Il a mentionné que de nombreuses bornes de recharge publiques sur les autoroutes du sud de l'Ontario sont souvent peu fiables et hors service, ou que la recharge peut coûter assez cher.
Une adoption en baisse
La pause imposée par le règlement intervient à un moment où l'adoption des véhicules électriques connaît une baisse. Un sondage AutoTrader réalisé en avril a révélé que 42 % des répondants envisagent un VÉ comme prochain véhicule, contre 46 % l'an dernier. En 2022, 68 % ont déclaré qu'ils envisageraient l'achat d'un VÉ.
L'adoption des VÉ ne sera pas linéaire, a dit Kristian Aquilina, président de GM Canada, lors d'une conférence à Vancouver samedi. Il a ajouté que les politiques relatives aux VÉ doivent davantage refléter la demande des consommateurs, plutôt qu'être le résultat imposé par les mandats fédéraux.
«Nous souhaitons un avenir où la politique en matière de véhicules électriques au pays reflète davantage la réalité de la demande des consommateurs, plutôt qu'une politique imposée», a-t-il déclaré.
Ritika Dubey, La Presse Canadienne